Partager:
"Camaïeu a été placée en redressement judiciaire mardi matin avec une période d'observation de six mois", a indiqué à l'AFP Thierry Siwik, délégué syndical CGT, confirmant une information de La Voix du Nord. "Lourdement impactée par la crise sanitaire et faute d’un prêt garanti par l'Etat (PGE) qui lui aurait permis de surmonter son impact sur l’activité, Camaïeu a été placée sous la protection du tribunal de commerce de Lille", en vue "de sa mise en redressement judiciaire", a affirmé pour sa part une source proche de la direction.
"La crise Covid a été le déclencheur des difficultés de trésorerie. L'obtention d'un PGE aurait permis d'y faire face et de boucler le financement afin de poursuivre la transformation entamée en octobre", a avancé cette source.
Début mars, selon elle, "l’entreprise avait commencé à mettre en œuvre son plan de transformation et un accord de financement était sur le point d’être conclu avec les actionnaires et les banques", mais "la crise sanitaire a obligé le groupe à fermer brutalement plus de 800 magasins dans le monde". "Son chiffre d’affaires a chuté de 95 %, soit un manque à gagner de 162 millions d'euros", a-t-elle dit.
"C’est donc sous la protection du tribunal que pourront être explorées toutes les pistes, dont celle d’un plan de reprise", a poursuivi cette source.
De son côté, le délégué CGT Thierry Siwik a dénoncé "un plan social déguisé" à l'oeuvre "depuis plusieurs années". "Chaque mois, depuis trois ans, on nous annonce, sous motif d'une baisse d'activité, entre quatre et cinq fermetures de magasins, cela évite de procéder à un plan social", a-t-il argué.
"Pour nous, ce placement en redressement judiciaire va servir à restructurer en profondeur l'entreprise et on craint de nombreux licenciements", a-t-il ajouté, affirmant que pour la CGT la crise sanitaire n'était "qu'un prétexte de la direction".
Les gilets jaunes, les grèves liées à la réforme des retraites et maintenant le coronavirus
Pour certains observateurs du secteur du vêtement, la quasi-absence de rentrée d'argent frais, quoique a priori limitée dans le temps, risque d'avoir des conséquences importantes à moyen, voire long terme.
"La plupart des distributeurs non-alimentaires sortiront de la crise avec des bases financières plus faibles" et certains "pourraient ne pas être en mesure de rétablir leurs niveaux d'avant coronavirus pendant un certain temps, voire jamais", déclarait ainsi Guillaume Léglise, vice-président adjoint de l'agence de notation financière Moody's, dans une note aux investisseurs publiée en avril.
L'enseigne de chaussures André, plus que centenaire, avait été la première entreprise française victime du coronavirus, l'entreprise qui l'avait rachetée, Spartoo, pointant les crises successives.
"On a subi les +gilets jaunes+", avec un trafic en baisse de 20 à 25%, "puis, en pleine période de soldes en janvier, les grèves liées à la réforme des retraites", et maintenant la pandémie de Covid-19, déplorait le PDG de Spartoo Boris Saragaglia au moment du placement en redressement judiciaire de l'entreprise.
Parmi les autres enseignes de vêtements et chaussures, Naf Naf, La Halle, Orchestra-Prémaman ont également particulièrement souffert de la crise.
Fondée en 1984, Camaïeu, s'appuie sur un réseau de 634 magasins en France et 198 à l'étranger. Elle emploie 3.884 salariés dans l'Hexagone dont 450 au siège social de Roubaix (Nord).
La société Modacin, holding financière propriétaire de Camaïeu, avait été mise sous sauvegarde par le tribunal de commerce de Lille en 2018, mais un accord avait été trouvé avec ses créanciers pour que "l'intégralité" de sa dette financière soit convertie contre "100% du capital et des droits de vote".