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La pandémie rappelle à la société le rôle crucial de l'industrie pharmaceutique, mais celle-ci devra faire preuve de "transparence" alors que les campagnes de vaccinations qui commencent dans le monde suscitent parfois la méfiance, selon le PDG du géant japonais Takeda.
Le secteur devra se montrer "totalement transparent et extrêmement pédagogique" en mettant les nouveaux vaccins et traitements contre le coronavirus sur le marché, a déclaré Christophe Weber dans un entretien cette semaine avec l'AFP.
"Les médicaments et les vaccins ne sont jamais parfaits (...), il y a toujours certains effets secondaires", souligne ce Français de 54 ans, devenu PDG de Takeda en 2015 après avoir oeuvré près de 20 ans chez le britannique GSK.
Alors que la méfiance des populations envers les vaccins en général est forte dans de nombreux pays, notamment en France, "il sera intéressant de voir si cela sera le cas" pour le Covid-19, selon M. Weber.
Car "beaucoup de vaccins protègent contre des maladies que les gens ne voient jamais (...). Là c'est différent, tout le monde voit l'impact du coronavirus", ajoute-t-il.
Cette crise pourrait in fine "redémontrer la valeur des vaccins" auprès du grand public, estime-t-il encore.
- Retard des vaccins japonais -
Takeda a conclu fin octobre un accord avec le gouvernement nippon et la biotech américaine Moderna Therapeutics pour importer et distribuer 50 millions de doses de son vaccin contre le Covid-19 au Japon à partir du premier semestre 2021.
Jugé sûr et efficace par l'agence américaine du médicament (FDA), l'autorisation de ce produit apparaît imminente aux Etats-Unis, une semaine après le feu vert américain au vaccin de Pfizer/BioNTech.
Takeda a aussi noué en août une collaboration avec une autre biotech américaine, Novavax, pour produire et distribuer son vaccin contre le Covid-19 au Japon si ses essais cliniques, encore en cours, s'avéraient concluants.
Le numéro un japonais du secteur pharmaceutique, membre du top 10 mondial depuis son méga-rachat début 2019 du groupe irlandais Shire pour l'équivalent de 51 milliards d'euros, tente lui-même de devenir un acteur important dans le marché des vaccins - il espère notamment en lancer un contre la dengue l'an prochain.
Cependant "nous avons estimé que nous n'avions pas la technologie la plus appropriée pour développer (nous-mêmes) un vaccin contre le Covid-19", justifie le patron de Takeda.
D'autres entreprises biopharmaceutiques nippones comme AnGes, Shionogi ou Daiichi Sankyo développent des vaccins contre le coronavirus, mais les premiers d'entre eux ne devraient pas être disponibles avant 2022, au mieux.
Le Japon a par conséquent passé commande auprès de groupes étrangers comme Pfizer/BioNTech et AstraZeneca.
Le secteur des entreprises de biotechnologies "est moins développé au Japon" en dépit de l'excellence de sa recherche académique, car "il y a moins de spin-off (start-up issues d'instituts de recherche, NDLR) et de capital-risque" qu'aux Etats-Unis notamment, souligne M. Weber.
"Nous devons faire davantage d'efforts pour générer cet écosystème au Japon", ajoute-t-il, citant l'exemple de son groupe qui a lancé en 2018 un centre d'innovation ouverte en santé près de Yokohama (sud-ouest de Tokyo), accueillant aujourd'hui 70 jeunes entreprises.
- Thérapie dérivée du plasma -
En revanche Takeda a misé sur l'un de ses points forts, les thérapies dérivées du plasma, pour développer un médicament contre le coronavirus dans le cadre d'une alliance mondiale de laboratoires.
Appelé CoVIg-19, ce traitement est constitué d'une immunoglobuline purifiée et concentrée, fabriquée à partir d'anticorps générés naturellement par des patients ayant guéri du coronavirus.
Des résultats cliniques devraient être publiés "en début d'année prochaine", précise M. Weber. Quant au calendrier d'une éventuelle commercialisation, "tout va dépendre de la force des données" du produit.
Mais ce traitement, nécessitant par ailleurs une logistique complexe, ne risque-t-il pas d'arriver trop tard?
Non, plaide le patron de Takeda, car "il serait prématuré de se dire que les vaccins vont tout résoudre. D'abord parce que leur efficacité n'est pas de 100%" et que l'on ignore encore leur durée de protection.
En outre, vacciner la majorité des gens "prendra du temps" et "il y a des contre-indications" pour certaines catégories de personnes, rappelle-t-il.
"Nous estimons qu'il y a encore un grand besoin de traitements efficaces".