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Viktor Orban repart pour un tour à la tête de la Hongrie: "Une victoire si grande qu'on peut sans doute la voir depuis la lune"

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban a revendiqué dimanche soir "une victoire exceptionnelle" après son succès aux législatives, qui lui ouvre la voie à un quatrième mandat d'affilée à la tête du pays, le cinquième de sa carrière.

"Chers amis, nous avons remporté une victoire exceptionnelle - une victoire si grande qu'on peut sans doute la voir depuis la lune, et en tout cas certainement depuis Bruxelles", a déclaré le dirigeant souverainiste, qui a souvent une relation conflictuelle avec l'Union européenne, dans un court discours après la publication de résultats officiels partiels.

Le parti de Viktor Orban était en effet en tête des législatives hongroises dimanche, selon de premiers résultats officiels partiels publiés par le Bureau national électoral (NVI). Le Fidesz recueillait 55,75% des voix après le dépouillement de près de 60% des bulletins, devant la coalition des six partis de l'opposition qui réunit 32,55% des suffrages, a précisé le NVI. Les analystes avaient prédit une bataille beaucoup plus serrée.

Le scrutin a été marqué par une participation de 68,7%, un chiffre proche du record d'il y a quatre ans. Il reste encore à finir de dépouiller les bulletins des grandes villes mais si ce résultat devait se confirmer, il marquerait une progression du Fidesz et de ses alliés chrétiens-démocrates, qui avaient recueilli au total 49,27% des voix lors du précédent scrutin en 2018. M. Orban avait alors décroché une majorité des deux tiers au Parlement, comme en 2010 et 2014.

Le résultat officiel complet ne sera connu qu'en cours de semaine, après le décompte de centaines de milliers de suffrages d'électeurs issus de la diaspora ainsi que des expatriés.

Le mode de scrutin législatif hongrois combine majorité simple par circonscription et proportionnelle, un dispositif mis en œuvre pour la première fois en 2014 et avantageant, selon les analystes, le Fidesz au pouvoir.

Comment Viktor Orban est-il devenu le vilain petit canard de l'Union européenne ?

Autocrate pour les uns, défenseur de la nation pour les autres, Viktor Orban dirige et divise depuis 12 ans la Hongrie, un pays que le dirigeant souverainiste a profondément transformé. A 58 ans, le Premier ministre semble inamovible malgré une opposition cette fois unie et un isolement en Europe exacerbé par la guerre en Ukraine. Plus ancien dirigeant en exercice dans l'Union européenne, il est devenu un modèle des droites dures en Europe et outre-Atlantique. L'ancien président américain Donald Trump voit en lui "un grand leader" qui "protège la Hongrie et freine l'immigration illégale".

C'est pourtant en jeune libéral qu'à 26 ans, il se fait un nom quand, cheveux au vent et chemise blanche, il défie le régime communiste à Budapest avec un discours enflammé, en juin 1989, pour la liberté, lors d'un hommage aux victimes du Soulèvement de 1956. Cofondateur un an plus tôt de l'Alliance des jeunes démocrates (Fidesz), il devient le symbole des aspirations de la Hongrie à se libérer du totalitarisme et à adopter les valeurs occidentales.

Premier ministre en 1998, à seulement 35 ans, il doit cependant abandonner le pouvoir quatre ans plus tard après sa défaite de justesse face au Parti socialiste, héritier des anciens communistes. Une humiliation qu'il n'oubliera jamais. Revenu au pouvoir en 2010, alors que le pays est profondément ébranlé par la crise économique et par des scandales liés au précédent gouvernement de gauche libérale, il entreprend de cimenter l'emprise de son parti sur les médias et toutes les institutions du pays au nom du salut de la "nation hongroise".

Confortablement réélu en 2014, puis en 2018, ce père de cinq enfants revendique désormais l'exercice d'une "démocratie illibérale" - assumant un certain autoritarisme et relativisant le primat des droits de l'Homme. Au nom de la protection d'une "Europe chrétienne", le dirigeant récuse le droit d'asile des migrants originaires d'Afrique ou du Moyen-Orient, qu'il assimile régulièrement à des "terroristes" en puissance. Et a fait ériger à partir de 2015 une clôture de plusieurs centaines de kilomètres aux frontières sud de la Hongrie.

Chantre d'une "révolution conservatrice", M. Orban vante les valeurs familiales traditionnelles et adopte un arsenal de mesures anti-LGBT+. Aux critiques de Bruxelles sur la corruption présumée dans les cercles du gouvernement et les atteintes répétées à l'Etat de droit, le Premier ministre oppose les intérêts hongrois et fustige "l'élite technocratique", tout en bénéficiant des fonds européens. La Commission a toutefois durci le ton et privé, pour le moment, la Hongrie des fonds du plan de relance post-Covid.

Viktor Orban a aussi rompu avec ses partenaires conservateurs européens. Son parti, le Fidesz, a claqué la porte du groupe PPE au Parlement européen et entamé des tractations pour se rapprocher de l'extrême droite. Son alliance avec Varsovie a par ailleurs été récemment ébranlée par sa proximité avec le président russe Vladimir Poutine, qu'il a pris garde de ne pas condamner nommément même s'il a dénoncé l'invasion de l'Ukraine.

Né le 31 mai 1963, ce passionné de football, qui a lancé en 2010 un ambitieux programme national de construction et rénovation des stades, a grandi dans une famille modeste, près de Budapest. Il a su attirer les électeurs des zones rurales, qui lui savent gré d'un chômage au plus bas (3,8%), d'une croissance dynamique (7,1% en 2021) et d'une active politique nataliste.

Avec ce nouveau mandat, Viktor Orban va poursuivre son édification d'"un régime qu'il sera difficile de remplacer, de renverser dans les urnes", commente pour l'AFP Gabor Gyori, analyste de l'institut Policy Solutions. Pour asseoir son pouvoir, il ambitionne de "renforcer son influence dans toutes les sphères de la vie, l'économie, la culture, l'éducation", décrypte l'expert. "Il veut laisser durablement sa marque".

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