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Amiante: des victimes du monde entier réclament la fin de "l'impunité"

Venus d'Europe, d'Asie, d'Amérique latine, des représentants des victimes de l'amiante se sont rassemblés à Turin (nord) pour réclamer la fin de l'"impunité" et l'interdiction mondiale de la "fibre tueuse", en pleine expansion dans les pays en développement.

Cette rencontre, organisée lundi et mardi par l'association internationale

Ban Asbestos (Interdire l'amiante), vise à "marquer notre détermination pour que soit brisée l'impunité des responsables de la catastrophe mondiale de l'amiante", souligne Annie Thébaud-Mony, porte-parole de Ban Asbestos France.

Ces quelques dizaines de représentants des victimes ont choisi de se réunir à Turin car cette ville est devenue un symbole de leur combat : depuis décembre s'y tient le plus grand procès jamais organisé sur le drame de l'amiante et le premier au pénal, avec environ 6.000 parties civiles.

Stephan Schmidheiny, l'ex-propriétaire du groupe suisse Eternit qui a été un important actionnaire de la société italienne Eternit, et le Belge Jean-Louis Marie Ghislain de Cartier de Marchienne, qui a été actionnaire minoritaire et administrateur de cette société, sont accusés d'être responsables de la mort de plus de 2.000 Italiens.

"La condamnation que nous attendons devra faire jurisprudence. Les industriels de l'amiante savaient exactement quelles allaient être les conséquences en terme de maladies", accuse Mme Thébaud-Mony, qui est également directrice de recherche à l?Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

S'il est difficile de chiffrer les conséquences mortelles de l'amiante dans de nombreux pays, en France, elle devrait être responsable de 100.000 décès d'ici à 2025 selon l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset).

A travers l'Europe, les proches des victimes réclament la tenue de grands procès pénaux mais ce combat juridique est complexe.

En Suisse, ils se heurtent au délai de prescription de dix ans alors que les maladies dues à l'amiante (cancers du poumon ou de la plèvre, fibrose pulmonaire) se déclarent "au bout de 20 ans minimum", dénonce Françoise Bonvin, qui a perdu son mari alors qu'il avait 48 ans.

Mais ils ne s'avouent toutefois pas vaincus.

"Les familles sont patientes", observe Eric Jonckheere, coprésident de l'association belge des victimes de l'amiante (Abeva) qui "ne cherche pas la vengeance mais que justice soit faite" alors que son père, ingénieur chez Eternit en Belgique, sa mère et deux de ses frères sont décédés.

L'amiante a été interdite dans toute l'Union Européenne en 2005 avec l'entrée en vigueur d'une directive de 1999 et maintenant, Ban Asbestos milite pour une interdiction mondiale afin que le drame ne se poursuive pas dans les pays en développement.

En Inde, par exemple, l'amiante "est en pleine expansion. Nous en importons beaucoup de Russie ou du Canada et la majeure partie est utilisée comme matériau (isolant notamment, ndlr) pour les maisons des populations pauvres", témoigne Madhumita Dutta de Ban Asbestos Inde.

"Il n'y a aucune raison d'utiliser l'amiante, cela n'a aucun sens, cela a tué des gens. C'est juste dû à l'avidité de lobbies qui veulent gagner de l'argent au détriment de la vie des gens", tempête Sanjiv Pandita, coordinateur de l'organisation en Asie.

En Amérique latine, une première avancée a eu lieu en 2008 lorsqu'une loi de l'Etat brésilien de Sao Paulo interdisant l'amiante dans cette région a été jugée constitutionnelle malgré un recours des industriels, rappelle Mauro de Azevedo Menezes, avocat de l'association brésilienne des victimes (Abrea).

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