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"Mais pourquoi ne font-il pas ces travaux en horaire décalé ?": Dominique en a marre d'être "pris en otage" aux heures de pointe

C'est l'éternelle question que se posent des milliers d'automobilistes. Pourquoi certains travaux, qui ralentissent considérablement la circulation et provoquent d'importants embouteillages, ne se font pas la nuit afin d'éviter de ralentir voire paralyser le trafic ?

"Je passais l'autre jour sur l'autoroute E411 en direction de Bruxelles. A hauteur de Thorembais, le passage était réduit à deux bandes pour des travaux, en pleine heure de pointe ! Résultat: 10 km de file et 30 minutes de perdues. La nature et l'urgence des travaux justifient-elles de prendre des milliers de gens en otages plutôt que d'exécuter ces travaux à horaires décalés ?", s'est interrogé Dominique via notre bouton orange Alertez-nous.

Il est vrai que la proposition de notre témoin fait rêver. Imaginez: les travaux de réparation effectués uniquement la nuit, un réseau routier libéré sur son ensemble et dégagé en journée, des routes lisses comme un billard et au moindre dégât observé, une équipe d'ouvriers de voirie envoyée pour tout remettre en état quand les gens dorment, sans qu'ils ne se rendent compte de rien.

Sauf que, dans la vie, il y a les rêves... et la réalité. Et malheureusement, dans certains cas, travailler et effectuer des réparations nocturnes n'est pas toujours envisageable, même si la solution est toujours envisagée par les autorités publiques. "On le fait là où la circulation est vraiment très importante et quand il s'agit de chantiers d'assez courte durée afin d'éviter de gêner le passage", nous a assurés Laurence Zanchetta, porte-parole de la direction des routes au service public de Wallonnes.


"Cela s'adapte donc aux réparations rapides et urgentes"

La notion de chantier de courte durée a toute son importance, comme l'a précisé le secrétaire général de la fédération belge des entrepreneurs de voirie, car un chantier reste généralement en place, que les ouvriers travaillent dessus ou non. "Si l'objectif est de ne pas gêner, il faut stopper le chantier à 6h. Ce n'est pas assez, surtout si on doit enlever une partie de la signalisation. Par exemple si on doit poser de l'asphalte, il faut mettre trois couches. Avant de mettre la deuxième, il faut que la première soit sèche, et pareil pour la troisième. C'est impossible en une nuit, sans compter qu'avant de poser de l'asphalte, il faut préparer le chantier et raboter", a expliqué Didier Block.

Par ailleurs, une chaussée rénovée ne peut pas tout de suite voir passer un florilège de voitures et camions. Il faut généralement attendre quelques heures. Il arrive donc souvent que, même si les travaux peuvent être terminés in extremis, la chaussée ne pourrait pas être rouverte à la circulation pour l'heure de pointe matinale. "Cela s'adapte donc aux réparations rapides et urgentes. Tout chantier qui peut débuter en soirée et être totalement terminé en début de matinée. Sinon il n'y a pas d'intérêt, car même si les ouvriers travaillent de nuit, la portion qu'ils réparent ne sera pas utilisable par les automobilistes", ajoute Didier Block.

Une solution qui se fait de plus en plus, c'est de réaliser des travaux le week-end, car cela élargit la palette de rénovations envisageables à des heures où on gêne moins de monde. "Pour des chantiers un peu plus longs, il y a la solution des week-ends. Cela permet d'avoir deux jours et deux nuits pour faire les réparations, ce qui ouvre déjà nettement plus de possibilités qui si on n'a qu'une nuit", confie encore le secrétaire général de la fédération belge des entrepreneurs de voirie.


Pas toujours réalisable "à cause d'aspects techniques"

Le bénéfice de travaux de nuit pour les automobilistes se résume par contre uniquement aux réparations brèves. Quelques heures tout au plus pour installer un chantier, réparer, et tout replier. Mais là encore, les responsables se heurtent à des éléments extérieurs qui compliquent la mise en place d'un chantier nocturne. "Il faut prendre d'autres critères en considération, car des travaux ne sont pas toujours réalisables de nuit à cause d'aspects techniques. La pose d'un nouvel asphalte doit toujours se faire au-dessus de 8 degrés, sinon l'entrepreneur ne garantira pas le travail. Aussi, travailler de nuit nécessite un bon éclairage pour observer et effectuer certaines réparations. En fonction des endroits, ce n'est pas toujours possible et les travaux doivent être effectués en journée tout simplement parce qu'il faut être en mesure de bien observer. Puis il y a aussi la sécurité des ouvriers. Travailler sur chantier est déjà un métier à risque. Quand il fait sombre et que les gens roulent plus vite, on augmente encore les dangers", précise Laurence Zanchetta.

Et puis il y a le nerf de la guerre: l'argent. Car entretenir des routes coûte cher, très cher. Et la nuit, encore plus... "On sait et on comprend bien que les automobilistes sont demandeurs afin de ne pas être gênés, c'est logique. Mais d'un point de vue budgétaire, c'est conséquent", précise Laurence Zanchetta.

"L'économie des frais supplémentaires éventuels pour travailler à horaires décalés vaut-elle la peine face à la perte sèche de tous les automobilistes bloqués ? Je pense qu'il serait utile et légitime de fournir une réponse au citoyen-automobiliste-vache à lait de l'Etat", rétorque notre témoin Dominique.


Un coût supplémentaire de 25 à 50% sur la main d'oeuvre: "C'est peanuts"

A cet égard, nous avons sondé différentes entreprises actives dans les travaux de voirie. En fonction des profils des travailleurs, qu'ils soient ouvriers, ouvriers qualifiés, entrepreneurs ou ingénieurs, les hausses salariales pour le travail de nuit et de week-end est généralement de 25 à 50%, nous a-t-on assuré.

Des chiffres confirmés par Didier Block, qui ne partage cependant pas entièrement l'argument budgétaire. "Oui c'est vrai, c'est un peu plus cher. En général, les travaux de nuit commencent à 22h et se terminent à 6h. Mais le supplément se résume presque intégralement au surcoût salarial, et honnêtement, c'est peanuts ! Cela ne représente pas grand-chose par rapport au coût total du chantier".

L'homme martèle ainsi que c'est la nature même de travaux, l'urgence et la possibilité de les réaliser qui définit si le chantier se tiendra de nuit, ou de jour. Le budget, de son côté, ne serait même plus chaque fois un élément prioritaire au moment des appels d'offre, contrairement à ce qui se faisait il y a quelques années. "C'est assez innovant, mais maintenant il y a des appels d'offre qui stipulent clairement qu'un avantage sera donné aux entreprises qui proposent les délais les plus courts. Cela veut dire que les pouvoirs publics ne regardent plus qu'à la dépense, mais aussi à la durée du chantier. Ce fut le cas pour l'élargissement à trois bandes de la E42 entre Daussoulx et Sambreville, où les travaux se faisaient par tranches de deux fois 10 heures par jour", conclut-il.

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