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Analyse: l'économie belge n'est pas si mal en point que prévu, voici pourquoi "elle semble se stabiliser"

Bruno Wattenbergh, expert économique, était l'invité de Bel RTL hier à 18h. L'occasion pour lui d'évaluer l'impact de la pandémie du coronavirus sur l'économie belge.

Bruno on a l'impression de respirer... un peu : c'est votre sentiment ?

"Presque… La situation sanitaire est grave, les inégalités se creusent, mais l’économie semble se stabiliser."

Globalement, l'année a été faite de grandes dents de scie, avec une remontée économique en milieu d'année, brusquement stoppée...

"Oui, il n’y a pas de secret… Si les gens sont inquiets et confinés à la maison, ils ne consomment pas. Et s’ils ne consomment pas, les entreprises ne tournent pas à plein rendement. Donc cela met l’emploi sous tension. Tout cela a paralysé la relance que tout le monde espérait en septembre."

Une chute du PIB de près de 7% : c'est du jamais vu depuis la guerre ...

"Oui en effet, cela dépasse tout ce que la Belgique a pu connaître depuis 70 ans. Cela a aussi permis aux Belges de comprendre 'oh' combien ils avaient besoin de l’économie pour vivre car l’Etat n’a pu que limiter les dégâts. C’est une dure leçon sur l’importance d’une économie qui tourne pour la société."

Un retour à la croissance d'avant-crise à la mi-2022 : cela ne parait pas si loin, à condition que les choses s'arrangent sur le front sanitaire... Cela dit, la KBC n'est pas aussi optimiste et parle de 2023 : pourquoi cette différence d'ajustement ?

"Nous sommes dans des prévisions économiques, avec des modèles prédictifs qui ne sont pas tous les mêmes. Ce qui est sûr c’est qu’il devrait y avoir un fort rebond de croissance dès que l’économie et les échanges internationaux pourront s’effectuer à plein rendement. C’est certain. Par contre, je pencherais plutôt pour la prévision pessimiste de la KBC que pour celle de la BNB."

En terme d'emplois, on le sait, cette crise va faire mal ... Pourquoi est-ce moins grave qu'annoncé il y a quelques mois encore ?

"Moins 100.000 emplois entre début 2020 et l'automne 2021, c’est une catastrophe sociale et économique! Alors que les chiffres du chômage baissaient et que le taux d’activité augmentait, notamment chez les travailleurs les plus âgés. C’est vraiment désolant.

Quant à la moindre gravité, c’est vrai que pour un choc économique si important, nous aurions pu perdre plus d’emplois encore.

Ce qu’il faut retenir, c’est que la sécurité sociale a pleinement justifié son existence en jouant un formidable rôle d’amortisseur. Pas pour 100% des citoyens, mais presque."

Les gouvernements ont beaucoup aidé durant cette année: on a eu parfois l'impression qu'on sortait les billets d'on ne sait où... Comment on explique que ces aides ont pu être réalisées? Est-ce qu'il en faudra encore selon vous ? 

"Je pense qu’il faudra encore aider financièrement entreprises et citoyens au moins jusque la fin du premier semestre. A condition, bien sûr, que l’épidémie ne se calme et que le vaccin puissent se diffuser comme espéré.

En 2021 et 2022, certaines mesures sur le chômage, les faillites, devront probablement être continuées.

Quant à ces "billets", ils viennent de la capacité d’emprunt de la Belgique, de la couverture par la Banque Centrale Européenne des emprunts d’Etat et du fait qu’il faut absolument préserver l’économie. La meilleure arme pour la relance c’est de préserver le tissu économique. Plus il sera abîmé, moins la relance sera forte. Donc on peut faire des dépenses publiques.

Maintenant, on a tiré un peu tout azimut, même si cela n’a pas été suffisant pour tout le monde. Le message de la BNB, c’est que ces sommes ont un impact important sur le déficit et un impact durable sur notre dette public. Il va donc falloir être sélectif dans les prochains mois… C'est-à-dire faire des dépenses d’investissement qui vont avoir un effet de levier sur la croissance et la compétitivité belges."

Quand la BNB dit qu'une partie de l'économie belge est dans un état "de coma artificiel", que veut-elle souligner ?

"Que ce n’est pas la solidité structurelle de l’économie belge qui est remise en question. Mais qu’on a juste éteint le moteur… Et tout le monde a envie de croire à cette version du film car nous souhaitons tous que lorsque l’on pourra recommencer à vivre et travailler, l’économie reparte comme avant. Et j’ai aussi envie d’y croire bien sûr!"

Le belge a épargné durant ce confinement : il est plus riche qu’avant la crise ?

"Oui, il a épargné 22 milliards de plus pendant la crise du Covid avec un point culminant à la fin de l’été. Aujourd’hui, on voit que cette épargne a légèrement diminué. Mais elle reste élevée. Et l’explication est simple : l’incertitude sur l’avenir, les confinements qui ont ralenti considérablement les dépenses des ménages et des revenus plus ou moins stables, mécaniquement, la grande majorité des gens ont épargné.

Mais cette épargne reste inégalitaire. Tout le monde n’a pas été capable d’épargner. 8 ménages belges sur 10 sont parvenus à mettre un peu d'argent de côté chaque mois." 

Bruno, 22 milliards, cela pourrait d'une façon ou d'une autre, soulager notre économie ? 

"Effectivement, si une partie de cet argent était consommé dans les mois à venir, cela dynamiserait la croissance économique et donc la relance. Mais cela ne sera pas le cas. L’arrivée du vaccin et la relance de l’économie va stimuler la consommation, mais tout indique que le belge restera prudent et pourrait même continuer à épargner. A moins que l’on ne puisse créer un mécanisme de fonds faisant appel à cette épargne avec un rendement correct et un avantage fiscal." 

Justement, est-ce qu’il y a un risque réel de hausse de la charge fiscale dans les prochains mois ?

"Plusieurs belges, dont des économistes ont plaidé pour que les plus riches et ceux qui ont été les moins impactés par la crise, puissent contribuer de manière solidaire au redressement des finances publiques. A titre personnel, je trouverai cela normal. Mais cela doit être chirurgical pour ne pas freiner la relance."

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