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Affaire Grégory: 36 ans après, la justice va-t-elle accepter de nouvelles analyses ADN?

Plus de 36 ans après l'assassinat de Grégory Villemin, la justice doit dire mercredi si elle autorise de nouvelles expertises génétiques demandées par ses parents, plus que jamais déterminés à connaître la vérité sur la mort de leur enfant en 1984.

C'est devant la cour d'appel de Dijon, où le dossier est instruit depuis 1987, que les avocats de Christine et Jean-Marie Villemin, les parents de Grégory, avaient demandé le 16 décembre que de nouvelles expertises soient diligentées dans l'un des dossiers les plus énigmatiques des annales judiciaires contemporaines. De précédentes expertises génétiques n'avaient rien donné. La Cour n'a pas précisé à quelle heure elle rendrait publique la décision de la chambre de l'instruction. 

Me Marie-Christine Chastant-Morand, l'une des conseils du couple Villemin, se montre confiante : le parquet général semble favorable "à la majorité de nos demandes" et "nous espérons que la (justice) va ordonner" ces expertises, a-t-elle confié à l'AFP. Les Villemin "veulent que la justice se donne les moyens de parvenir à la vérité".

Au coeur de leur requête : la recherche d'"ADN de parentèle", qui permet de comparer une empreinte génétique avec d'autres susceptibles d'être issues de la même parenté. Une méthode employée avec succès dans quelques "cold cases" criminels, comme en 2012 dans le dossier Élodie Kulik, violée et assassinée dix ans plus tôt.

Les Villemin souhaitent que la recherche soit faite sur les neuf traces ADN figurant dans le dossier et transmises au Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Elles avaient été prélevées sur des courriers anonymes, une seringue et les vêtements de Grégory, retrouvé mort le 16 octobre 1984 dans la Vologne, à Docelles (Vosges).

Nous sommes convaincus d'avoir affaire à un crime collectif

Les parents de Grégory, qui demandent aussi de nouveaux prélèvements génétiques sur plusieurs personnes, sollicitent le recours au "portrait-robot génétique", qui permet à partir d'une empreinte ADN de déterminer la couleur des cheveux ou des yeux d'une personne.

Si la justice validait ces demandes, les résultats des expertises, pas attendus avant plusieurs mois, pourraient apporter des "pièces" intéressantes au "puzzle" que constitue ce dossier, espère Me Thierry Moser, avocat historique des Villemin.

"Nous sommes convaincus d'avoir affaire à un crime collectif", explique le conseil, dont un livre récent comporte une postface du père de Grégory : à 62 ans, il y dit son espoir d'aboutir "dans un avenir pas trop éloigné, à une juste solution".

Déjà riche en rebondissements, ce dossier avait connu en 2017 un développement inattendu, nourri par le logiciel d'analyse criminelle Anacrim, avec la mise en examen de Marcel et Jacqueline Jacob, le grand-oncle et la grand-tante de Grégory alors âgés de 72 ans, et de Murielle Bolle, 51 ans, personnage-clé de l'affaire. Mais ces trois mises en examen avaient été annulées en mai 2018 sur des points de procédure. Interrogés par l'AFP, les avocats des Jacob ont affiché leur scepticisme face aux demandes des Villemin. "Je ne suis pas persuadé que ça soit très pertinent" dans un dossier qui relève du "naufrage", a déclaré Me Frédéric Berna, l'un des conseils de Jacqueline, qui insiste : l'ADN des Jacob n'est "nulle part". L'ADN parentèle "peut être intéressant", nuance Me Stéphane Giuranna, conseil de Marcel. Le dossier contient des empreintes génétiques inconnues. "Une fois identifiées, on pourra avancer", poursuit-il, même s'il a "du mal à y croire". Sa certitude, partagée par plusieurs acteurs du dossier : l'affaire ne se résoudra "que par des preuves scientifiques".

Il y a sans doute des gens qui savent des choses et qui les taisent

D'autres espèrent que les langues finissent par se délier, à l'image du procureur général de Dijon, Thierry Pocquet du Haut-Jussé : "il y a sans doute des gens qui savent des choses et qui les taisent (...) J'espère qu'un jour, quelqu'un contribuera à la recherche de la vérité en disant ce qu'il peut dire", a-t-il confié vendredi au quotidien L'Est Républicain.

Parmi les autres éléments qui pourraient relancer l'enquête : un rapport de stylométrie. Révélé par Le Parisien, il incriminerait "un suspect" mais n'a étonnamment pas encore été versé au dossier.

Des auditions ont également eu lieu récemment et d'autres sont à prévoir, selon Me François Saint-Pierre, qui défend également les époux Villemin : "La parole peut se libérer. Pour les nouvelles générations, un tel secret de famille est insupportable".

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