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"On visualise le calvaire vécu par Julie et Melissa": notre journaliste se souvient de la visite de la cache de Marc Dutroux à Marcinelle

L'habitation de Marc Dutroux à Marcinelle est surnommée depuis 25 ans la maison de l'horreur. À partir de ce mardi, elle va être détruite. La cache, quant à elle, sera conservée, à la demande des parents des victimes. Cela afin de pouvoir continuer à y relever d'éventuelles traces ADN. En ce qui concerne, le lieu de la maison, l'idée est d'y installer, à terme, un jardin du souvenir.

C'est un bâtiment symbole d'horreur. La Belgique la découvre 15 août 1996. Marc Dutroux, arrêté deux jours plus tôt, mène les enquêteurs jusqu'à sa maison de l'avenue de Philippeville à Marcinelle. Sabine et Laetitia en sortent vivantes. Aujourd'hui, cette maison s'apprête à disparaître du paysage carolo. Les premiers engins de démolition sont arrivés peu avant 7h ce mardi.

Après avoir démonté la fresque de l'enfant au cerf-volant qui se trouvait en façade de la maison, les engins ont démonté les tuiles de la maison une à une.

En face, sur des palissades longeant le chemin de fer voisin, des peintures réalisées par des habitants du quartier resteront.

Les ouvriers confient tenter de faire de cette démolition un chantier comme les autres. Mais il ne l'est pas, comme l'affirme Valérie Dejaiffe, directrice du bureau d'étude communal: "C'est pas classique et il y a un climat sur ce chantier assez particulier. On sent tous ce sentiment d'avoir une mission un peu différente".

C'est un soulagement pour les riverains. "C'est bien qu'on la démolisse pour oublier. Mais qu'on n'en fasse pas un lieu de recueillement. Ça va encore attirer les gens, c'est trop. On n'oubliera pas. Ça, c'est sûr", indique une habitante. "J'aimerais autant que ce soit terminé et qu'on la démolisse le plus vite possible", ajoute une autre.

Les riverains ont envie de tourner la page. Mais avec cette maison, dressée comme un nez au milieu du visage, c'était impossible. Il est important pour eux qu'elle disparaisse. Afin que le quartier puisse retrouver sa sérénité. "C'est vraiment un pan de l'histoire noire de la Belgique", témoigne Michel Verspecht un citoyen présent sur les lieux.

Le démontage de la maison va prendre une dizaine de jours. 

Sur place, les ouvriers sont invités à la plus grande prudence. Les experts n'excluent en effet pas, par exemple, encore la présence de certaines armes ou d'explosifs, comme le détaille Ennio Bombardieri, responsable de la sécurité du chantier. "Pour la sécurité des ouvriers, il y a lieu de tenir compte à toute sorte de choses qui pourraient encore se trouver bien cachées, bien tassées dans les murs ou les planchers, ou dans les bacs chéneaux,..."

En lieu et place de la maison, un jardin surélevé verra le jour à la fin 2023. Ce parc mémorial fleuri n'a nulle vocation à devenir un lieu de recueillement, simplement un symbole d'espoir. Une manière de rendre hommage aux différentes victimes. 

Les caves de la maison seront conservées

À la demande des parents de Julie et Melissa, la cache dans laquelle le pédophilie avait enfermé les fillettes, va être conservée. L'objectif, disent-ils, est "judiciaire". Cela permettrait, en cas de besoin, de pouvoir continuer à y relever d'éventuelles traces ADN. Un médecin légiste confirme que cette demande n'a rien de "superflue". "Tous les prélèvements sont intéressants, en se disant que les techniques et les connaissances évoluent. Les techniques se développent aussi, permettant peut-être un jour d'aller bien plus loin que ce qu'on a réussi à faire aujourd'hui. Donc il faut garder tout ça, il le faut garder dans l'espoir d'un jour pouvoir en faire quelque chose de plus que ce qu'on a fait aujourd'hui", explique Philippe Boxho, directeur de l'Institut médico-légal à l'Université de Liège.

L'ancien procureur du Roi de Neufchâteau est du même avis. À ses yeux, la cache où ont été séquestrées les jeunes victimes recèle encore des traces suspectes pouvoir appartenir à des inconnus. "Ces micro-traces collées sur le mur intérieur de la cache, mêlées à l'ADN de Julie, ce n'est pas une pollution ça. Je ne peux pas me satisfaire de ces ignorances, de rester dans l'ignorance. Qui sont ces inconnus ?", insiste Michel Bourlet.

"La conservation, c'est essentiellement 'don't touch'. On ne touche pas, on reste en dehors, on laisse les choses en l'état et si, un jour, il y a moyen de faire quelque chose de plus, on le fera", rajoute le directeur de l'Institut médico-légal à l'Université de Liège. Mais attention, pour être encore exploitables, ces traces doivent être conversées dans un milieu clôt et hermétique. Ce qui n'est pas forcément évident dans un chantier de démolition... 

Très vite, on visualise le calvaire vécu par Julie et Melissa

Dans les caves de la maison, on sait que des traces biologiques s'y trouvaient (sang, sperme, salive). Certains de ces ADN n'ont pas encore pu être identifiés. La science pourra peut-être un jour les identifier afin de savoir si d'autres personnes sont passées par cette cache.

Depuis que l'on connait le sort de Julie et Melissa, cette cache est devenue un tombeau, une nécropole, un sanctuaire. Et on ne viole pas les tombes... Durant le procès, les jurés avaient demandé à aller voir cette cache. Notre journaliste Dominique Demoulin est allée sur place, à Marcinelle, dans le cadre de ce procès qu'elle suivait pour notre rédaction. "C'est un moment que je n'oublierai jamais", a-t-elle confié sur le plateau du RTL INFO 19h. "De part et d'autre de la porte d'entrée de la maison, il y avait des rideaux qui étaient tirés et qui permettaient que Marc Dutroux ne croise pas Sabine et Laetitia."

La cache avait été aménagée par le pédophile. Une ancienne citerne à eau avait été grossièrement peinte en jaune. Deux petites couchettes s'y trouvaient, et sur le mur à gauche de l'entrée, le prénom de Julie avait été écrit d'une main enfantine. "Ce sont des souvenirs qui marquent, véritablement", confie notre journaliste, avant de poursuivre : "Très vite, on visualise le calvaire vécu par Julie et Melissa. On ressent la privation d'air, on a le sentiment d'être enterré vivant quasiment. Et dans cette maison, qui respirait vraiment le malheur, j'ai eu le sentiment de toucher du doigt l'anéantissement et la violence qui tue", conclut-elle. 

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