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Les bulldozers en action contre un épicentre du trafic de drogue à Nîmes

"On est habitué à ne pas trop regarder par là, ce n'est pas conseillé", explique timidement Latifa: à quelques pas de la jeune mère de famille, des bulldozers ont démoli mardi des garages considérés comme un centre névralgique du trafic de drogue à Nîmes.

"Il n'y a pas de bagnole dans ces garages, il n'y avait que du shit": dans des nuages de poussière et un vacarme assourdissant, le maire LR, Jean-Paul Fournier, est venu assister au lancement de l'opération de démolition d'une vingtaine des garages de la copropriété du Portal, au coeur du quartier pauvre du Chemin Bas d'Avignon.

Dans la chaleur écrasante de la mi-journée, le ballet des bulldozers et des camions de gravats attire peu de curieux parmi les habitants en ce jour de marché. L'élu voit dans ces démolitions un signal "positif", même s'il reconnaît que la municipalité rencontre des résistances lorsqu'elle veut les acquérir pour les détruire.

Ces constructions en parpaings gris, aux portes souvent défoncées, étaient "un repère de trafic de drogue, les habitants de ce quartier vont être soulagés de les voir démolis", a assuré l'édile à la presse, tout en admettant que les dealers allaient peut-être simplement "déplacer le problème".

"Cette destruction, c'est positif bien sûr, mais les dealers auront vite fait de prendre le contrôle d'un autre immeuble pourri, ça ne manque pas ici", abonde, désabusé, Rachid, un autre habitant trentenaire observant l'opération de loin, à l'ombre d'un pin.

"Le vrai problème ici, c'est le chômage et la misère", ajoute le jeune père de famille sans emploi. Comme Latifa, il ne souhaite pas donner son nom de famille par peur de menaces ou représailles dans un quartier gangrené par la drogue.

Une dizaine d'autres garages devraient être détruits fin 2021 et la totalité d'ici à fin 2023, prévoit la municipalité. Certaines inscriptions laissent peu de doute sur l'activité qui s'y déroulait - "7J/7 9H00-00H00 Charbon (vente de drogue)", peut-on lire sur une porte en fer grise.

- Désenclaver -

Situés au coeur du quartier, les garages de sinistre réputation sont proches de logements très dégradés et d'établissements scolaires qui ont connu depuis 2020 des incursions d'hommes armés. Plusieurs fusillades à l'arme de guerre et des règlements de compte mortels ont aussi eu lieu à proximité.

"Les conditions de sécurité élémentaires que l’on peut attendre d'un état de droit ne sont plus assurées", avaient dénoncé le 4 janvier dans une lettre au président Emmanuel Macron les directeurs des neuf écoles de Chemin Bas.

Selon le procureur de la République de Nîmes, Eric Maurel, une vingtaine de règlements de compte liés au narcobanditisme ont fait à Nîmes huit morts en 2020 et trois morts en 2021, dont un adolescent de 17 ans. Ils ont eu lieu principalement à Pissevin (ouest), Chemin Bas et Mas de Mingue (est), trois quartiers périphériques constitués de barres d'immeubles et de tours.

Crées dans les années 1960 pour loger des populations issues de l'exode rural, des rapatriés d'Afrique du Nord puis des travailleurs immigrés, ces quartiers partagent des indicateurs socio-économiques alarmants: jusqu'à 70% de pauvreté et un chômage massif.

M. Maurel avait déclaré à l'AFP en février que Nîmes était devenue quasiment "une centrale d'achat de la drogue": chaque semaine, environ 700 kg de résine de cannabis venant majoritairement du Maghreb et des dizaines de kilos de cocaïne venus d'Amérique du Sud via l'Espagne y transitent pour être revendus notamment le long du couloir rhôdanien.

Une des réponses des autorités publiques à cette situation est un vaste plan de rénovation urbaine qui prévoit notamment d'ici à 2040 de désenclaver le "Chem", d'y améliorer la mixité sociale, de renouveler l'habitat et de créer un jardin participatif à la place des garages du Portal qui étaient l'un des deux épicentres du trafic de drogue à Nîmes avec la galerie Wagner à Pissevin.

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