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Lutte anti-stups: à Bordeaux, police, gendarmerie et douanes unies dans la "bataille du renseignement"

Recenser les trafics, surveiller et analyser: à Bordeaux, la cellule de renseignement opérationnel sur les stupéfiants (Cross) tisse de nouvelles coopérations entre policiers, gendarmes et douanes pour mieux exploiter les signalements et "tuyaux" sur les trafics, une priorité dans la stratégie nationale de lutte antidrogue.

Ce peut être le "gamin" qui vend en bas de chez lui, ici de la vente à domicile, là une cannabiculture. En trois ans, la Cross de Gironde à Bordeaux a collecté quelque 550 renseignements en matière de stupéfiants, souligne le commandant de police Vincent, en faisant défiler une immense base de données.

Dans toute la France, 103 cellules de renseignement sont activées dans les départements, comme celle de Bordeaux, inspirées d'une expérimentation à succès menée à Marseille dès 2015.

Ces relais de l'Office anti-stupéfiants (Ofast), nouveau "chef de file unique" de la lutte antidrogue en France, ont été consacrés en septembre 2019 par le plan national "antistups", avec pour ambitions, "le partage" du renseignement et le décloisonnement des services tels police, gendarmerie et douanes.

Dans cette "guerre", "il faut gagner la bataille du renseignement", insiste Vincent, n°2 de l'antenne Ofast de Bordeaux et référent de la cellule bordelaise, permanente comme 70% de ses soeurs.

- "Entonnoir" -

Dans la cellule girondine, pilotée par la PJ (parfois la sécurité publique ou la gendarmerie ailleurs), trois policiers de l'Ofast, un d'un commissariat, un douanier et un gendarme travaillent désormais "main dans la main" pour "apporter une visualisation des trafics", "centraliser le renseignement" et le redistribuer aux services après "enrichissement", développe Vincent.

"La où il y avait un risque de perte ou de chevauchement d'informations, l'idée de la Cross est de permettre un partenariat", appuie Christian Sivy, directeur zonal de la police judiciaire à Bordeaux.

"C'est faire entrer l'information dans un canal unique, une adresse courriel dédiée, les valoriser, et une fois qu'elles sont +enrichies+, proposer à des services d'initier des réponses adéquates", qu'il s'agisse d'une action de voie publique pour déloger des trafics (39 en 2021) ou de l'ouverture d'une enquête judiciaire, ajoute-t-il.

Comme dans un "entonnoir", la Cross ingurgite des remontées de terrain des services police, gendarmerie et douane, mais aussi celles de capteurs extérieurs: police municipale, bailleurs sociaux, transports en commun. Quand les tuyaux ne viennent pas directement des "tontons" (indicateurs).

A partir du travail des Cross, environ 4.000 points de deal sur la voie publique ont été recensés en France (90 en Gironde). Et le gouvernement entend compléter cette cartographie avec la possibilité pour les citoyens depuis le 3 mars, de les signaler sur les plateformes moncommissariat.fr et la brigade numérique de la gendarmerie. En un mois, 80 de ces signalements ont été répercutés en Gironde.

- "Rien n'est perdu" -

A Bordeaux, tous les primo-renseignements sont mutualisés dans un tableau partagé avec les forces de l'ordre partenaires, les quelque 160 lieux de trafic reportés sur une cartographie.

"Rien n'est perdu", y compris les informations non exploitables sur le moment, archivées "au cas où" pour des développements futurs.

Selon leur intérêt, les autres sont "travaillées" avec les fichiers nationaux officiels et au moyen des "techniques du renseignement administratif": "études du patrimoine", "surveillances", visites de terrain, entre autres.

"On vérifie des adresses", on cherche des "plaques d'immatriculation", explique un policier de la Cross en reconnaissance dans un quartier bordelais. "C'est une réelle plus-value pour les enquêtes", "du cousu main", salue Éric Marrocq, secrétaire régional du syndicat Alliance.

Depuis 2018, la Cross Gironde a diffusé 83 notes de renseignements vers des services, qui ont débouché sur l'ouverture d'une trentaine d'enquêtes judiciaires, pour une quarantaine de personnes écrouées.

Chaque mois, Vincent réunit une quinzaine de policiers et gendarmes spécialisés, CRS, douaniers, renseignement pénitentiaire, PAF, pour évoquer les infos et cibles du moment, les actions à mener. Une lutte inépuisable, concèdent les acteurs antistups, mais pour Christian Sivy, le patron de la PJ bordelaise, "on apporte au moins une réponse".

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