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Procès de Dino Scala, surnommé le "violeur de la Sambre": "J'avais tout fait pour oublier", témoigne Gwenaëlle

Elles ne "veulent plus revivre ces faits", "recroiser l'agresseur", n'en avaient "jamais parlé" autour d'elles: au procès de Dino Scala pour viols et agressions sexuelles sur 56 femmes, près d'une moitié des victimes sont absentes, trente ans parfois après leurs plaintes.

"J'avais tout fait pour oublier. Je ne voulais pas assister à ces débats, ni lire la procédure", soupire Gwenaëlle (tous les prénoms ont été modifiés), 55 ans, nerveuse face à la cour d'assises du Nord.

Agressée en 1988 par un homme qui lui avait "touché la poitrine", elle avait "choisi" en 2018, après l'interpellation de Dino Scala, insaisissable pendant 30 ans, de ne pas se constituer partie civile.

Elle voulait éviter, après si longtemps sans nouvelles, de "remuer" ces souvenirs devenus "flous", dit-elle, finalement citée comme témoin.

Au procès, du 10 juin au 1er juillet de Dino Scala, surnommé "le violeur de la Sambre", certaines victimes "sont prêtes à le boxer quand d'autres restent terrifiées, comme si ça c'était passé hier", observe l'avocat de deux d'entre elles, Me Emmanuel Riglaire.

Parmi les femmes ayant déposé plainte entre 1988 et 2018, sept ne se sont pas constituées partie civile. Seize autres ont indiqué au greffe qu'elles "ne viendront pas, ou ne s'exprimeront pas", et quatre n'ont pas donné de nouvelles. Trois sont décédées.

Tabou 

Si quelques unes sont malades ou âgées, la plupart "ne viennent pas parce que ce serait trop difficile à supporter", estime un autre avocat, Me Jean-Yves Houzeau. "Elles ne veulent pas revivre certaines choses", une énième fois, ou "faire face à cet agresseur, à sa froideur", avance-t-il.

"Cela fait 22 ans que je revis ce viol, c'est un supplice", a témoigné l'une des plaignantes à la barre. Une autre voulait "éviter à tout prix" le regard de l'accusé.

Et face à un Dino Scala qui conteste une partie des faits, n'affiche des émotions que quand il parle de lui, certaines "craignaient surtout de l'entendre nier, édulcorer, minimiser, et peut-être un peu se victimiser", explique encore Me Houzeau.

"C'était très longtemps tabou de parler de viol, d'agression sexuelle, et du retentissement que ça pouvait générer", observe également Fanny Bruyerre, avocate de neuf femmes.

Certaines ont "caché ça toute leur vie, même à leur famille". Difficile dès lors "d'affronter cette enceinte, le public, la présence de journalistes".

"On se déshabille devant vous. On a été voir un psychiatre, qui va déballer notre vie privée", a lancé une quadragénaire à Dino Scala, l'appelant à "faire un effort" et dire "toute la vérité".

"Traitée de menteuse" 

Affronter la cour d'assises, "c'est aussi affronter les questions, notamment de la défense. Littéralement, on cuisine les victimes", note Me Bruyerre.

Première à témoigner, une femme de 75 ans, longuement interrogée sur les "contradictions" entre sa première déposition et son dernier témoignage, a quitté la salle en larmes, disant se sentir "accusée".

Enfin, il y a celles qui en déposant plainte, "ont été un peu malmenées", "à une époque où on n'accordait pas forcément autant de crédit à la parole des victimes", analyse l'avocate.

"Les policiers ne m'ont pas crue, jusqu'à ce que je sois emmenée pour des examens médicaux", a témoigné Marine, violée à 15 ans en 1996.

Christelle, montrant les stigmates de sa strangulation au commissariat, s'était elle entendue demander: "Vous ne vous êtes pas fait ça toute seule?".

"Ma cliente, on l'a traitée de menteuse!", a dénoncé Me Charles Cogniot, lors d'une audition des enquêteurs de la police judiciaire.

"Oui, c'est honteux. (...) Quand avec mon groupe on a repris les investigations, et lu certaines plaintes, on s'est dit: +pauvre gamine+", a répondu le commandant Franck Martins, lui présentant ses "excuses, au nom de l'institution".

Parmi les nombreuses plaintes évoquées par la PJ dans ses synthèses, certaines n'ont pas été retenues par le juge d'instruction.

Pourtant 14 "auraient pu être attribuées à Dino Scala", a estimé lors d'une audience l'avocate générale. Pour ces absentes malgré elles, le parquet n'exclut pas de relancer les investigations.

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