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Sébastien Courtoy, l'avocat de Mehdi Nemmouche, un profil unique

Reconnu par ses pairs mais jugé excessif, il se définit lui-même comme "un affreux", à l'image de ses clients: des jihadistes, des complotistes, un négationniste. L'avocat de Mehdi Nemmouche, Sébastien Courtoy, est une figure des prétoires belges. Voilà des semaines qu'il promettait, avec un goût certain du "teasing", "la vérité" sur la tuerie du musée juif de Bruxelles, quatre assassinats pour lesquels son client, un jihadiste français de 33 ans, est jugé devant les assises de la capitale belge.

Mardi, il a enfin pris la parole avec ses deux collègues, Virginie Taelman et Henri Laquay. Sans décevoir.




Leur thèse: Mehdi Nemmouche "n'est pas le tueur" du musée juif, mais il a été "piégé". Et la tuerie n'est pas un attentat du groupe jihadiste Etat islamique (EI) mais "une exécution ciblée d'agents du Mossad", les services secrets israéliens. Tant pis si les preuves matérielles s'empilent dans le dossier contre leur client: la défense épouse la théorie du complot, dont elle réserve les détails pour les prochaines semaines. Spectacle garanti. "C'est un bon plaideur, il peut avoir des coups de génie, mais il est un peu fou", confie sous couvert d'anonymat, un avocat pénaliste qui l'a côtoyé dans divers dossiers. "Il est dans le 'show', mais pas seulement: il est convaincu par ce qu'il dit", ajoute cet avocat. Le cheveu noir brouillon, l'oeil narquois sous d'épais sourcils, Sébastien Courtoy cultive le goût de la mise en scène.

Imam radical

En septembre 2017, il annonce, l'air grave, que Mehdi Nemmouche, placé à l'isolement en prison, "est en train de perdre la vue (et) l'ouïe" et qu'on se dirige vers un "simulacre" de procès. A observer aujourd'hui l'accusé dans son box, idées claires, vocabulaire précis, corps affuté, qui rit parfois avec ses défenseurs, il s'agissait manifestement d'une fausse alerte. A 44 ans, Courtoy est un avocat aussi fascinant que méprisé, un gros fumeur --il casse le filtre de ses cigarettes avant de les allumer-- qui se présente comme "un cinglé de travail", parfois jusqu'à "la nausée", à la recherche d'"adrénaline".

Fils d'un médecin réputé de la région francophone du Brabant wallon, mais hypocondriaque, selon la presse belge, il suit le parcours classique de la bourgeoisie brabançonne: jésuites, hockey, études de droit.

Puis fait ses débuts chez un ténor du barreau belge, Michel Graindorge, marqué à gauche, avant de voler de ses propres ailes. En Belgique, il s'occupe de cas périlleux: l'imam radical français Bassam Ayachi, figure d'un ancien foyer islamiste de la commune bruxelloise de Molenbeek; Marouane El Bali, dirigeant de la cellule jihadiste de Verviers; Jean-Louis Denis, dit "Jean-Louis le Soumis", prédicateur islamique condamné pour avoir envoyé de jeunes musulmans en Syrie; Laurent Louis, ancien député belge condamné pour négationnisme.

Ce tableau de chasse lui vaut d'être accusé d'épouser avec trop de complaisance les thèses de ses clients. Ce qu'il nie.

"Ca les excite" 

Dans une surprenante interview au quotidien "La Dernière Heure", il appelle ceux qui le menacent sur les réseaux sociaux à venir "en découdre" au tribunal pendant le procès Nemmouche. Puis il ajoute, avec provocation: "Les gonzesses, elles, ça les excite, pas comme si tu faisais du droit du bail. Les nanas aiment bien les affreux." "Je ne le suspecte pas d'être un bandit du barreau, sûrement pas", déclare à l'AFP Me Michel Forges, bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau francophone de Bruxelles. Mais "si vous êtes chasseur et avez un problème de chasse (ennui judiciaire, ndlr) il vaut mieux être défendu par un protecteur des animaux". Manière de dire qu'un avocat est d'autant plus crédible qu'il sait prendre ses distances.

En 2012, l'homme est aussi devenu, toujours avec Henri Laquay --connu pour ses liens avec l'extrême droite-- l'avocat en Belgique du polémiste Dieudonné, poursuivi (et condamné) pour "incitation à la haine". Les deux avocats ont mimé, au côté du Français, le geste polémique de la "quenelle". Ils écopent d'une suspension de deux mois avec sursis. La même année, Dieudonné les décore d'une "quenelle d'or", prix supposé de "la subversion" qui a également récompensé le négationniste Robert Faurisson, le gourou controversé Claude Vorilhon, alias Raël, ou encore l'essayiste d'extrême droite Alain Soral.

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