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Bouchez débat avec un leader d'extrême droite en Flandre: ce "coup" du président du MR vivement condamné

Georges-Louis Bouchez a fait ce qu'aucun représentant de parti démocratique francophone n'avait fait jusqu'ici. Le président du MR a débattu en direct à la télévision flamande avec un leader d'extrême droite. Ils ont discuté de l'élection présidentielle en France. Ce faisant, le libéral banalise l'extrême droite.

Pour la première fois, un président de parti démocratique francophone a débattu en direct avec l'extrême droite à la télévision flamande. Georges-Louis Bouchez, à la tête du MR, face au leader du Vlaams Belang pour commenter l'élection présidentielle française.

En acceptant de débattre avec Tom Van Grieken, Georges-Louis Bouchez a enfreint une règle qui était respectée par les politiques francophones du moins jusqu'ici. Celle de ne pas débattre en direct avec l'extrême droite parce qu'il ne s'agit pas de partis comme les autres. Ce principe est accepté par tous les partis francophones. Il est couché noir sur blanc dans une charte de la démocratie signée par les présidents du PS, d'Ecolo, de DéFI, des Engagés et du MR, depuis 1993.

Une seule fois, un président de parti avait affronté un représentant d'un parti xénophobe à la télévision. C'était il y a un quart de siècle. Gérard Deprez, le patron du PSC, face au président du Front National Daniel Féret. Un débat diffusé le 23 octobre 1994 sur RTL dans le cadre de l'émission Controverse.

C’est quand même l’acceptation qu’il s’agit d’un parti comme un autre

Mais il n'y a jamais eu une telle rencontre entre un chef de parti francophone et un président d'extrême droite côté flamand. Techniquement, ce n'est pas à proprement parler une rupture du cordon sanitaire médiatique puisqu'il n'est pas en vigueur dans les médias néerlandophones. Mais ce "coup" du président du MR contribue à la banalisation de l'extrême droite.

Un avis partagé par l'un des plus fins connaisseurs de l'extrême droite en Belgique. "C’est quand même l’acceptation qu’il s’agit d’un parti comme un autre avec lequel on peut débattre même si on n’est pas d’accord. L’acceptation que l’extrême droite est un courant politique digne des autres courants politiques et des courants démocratiques", estime Manuel Abramovicz, le coordinateur de Résistances, observatoire de l'extrême droite joint par Sébastien Capette.

Ces derniers temps, le réformateur montois a lancé plusieurs signaux à l'électorat à la droite du MR. Cette fois, il s'agit aussi d'un coup médiatique pour se profiler en Flandre, comme un potentiel futur Premier ministre qui parle avec tout le monde. Mais ce buzz risque d'isoler encore un peu plus le MR des autres partis démocratiques francophones.

3 partis francophones demandent au MR de clarifier sa position 

Ce vendredi matin, son attitude est condamnée par le PS, Ecolo, Les Engagés et DéFI. "L'extrême droite on ne débat pas avec, on la combat", a tweeté la co-présidente d'Ecolo, Rajae Maouane. Dans l'opposition au parlement fédéral, DéFI a également exprimé sa déception. "Dans ce qui différenciera toujours le MR de DéFI, il conviendra d'ajouter, hélas, le respect du cordon sanitaire envers l'extrême droite. Et c'est triste. Vraiment", a dit le président, François De Smet.

Trois partis francophones, Ecolo, PS et les Engagés, demandent par ailleurs aux "instances habilitées du MR" de "clarifier" leur position "d'ici lundi midi", quant à l'engagement du Mouvement réformateur par rapport à une charte signée en 2002, un "code de bonne conduite élaboré entre partis démocratiques francophones".

Ce texte réaffirmait le principe du cordon sanitaire. Face à la montée de l'extrême droite en Europe, les responsables des quatre partis démocratiques francophones (Ecolo, MR, PS et PSC, à l'époque) avaient signé une version actualisée de la "Charte de la démocratie". "S'agit-il d'une faute qui ne se reproduira plus ou le MR renie-t-il le point 11 de la charte sur laquelle il s'était clairement engagé?", interrogent les 4 (co-) présidents.

"En quoi j'ai brisé le cordon sanitaire ?"

Sur les réseaux sociaux, Georges-Louis Bouchez a voulu justifier son choix. "On combat (les partis d'extrême droite) en débattant et en démontant leurs arguments, pas dans un entre soi mortifère?", a-t-il répondu à Mme Maouane. Et d'ajouter en ne retenant que l'aspect politique du cordon sanitaire, à l'adresse d'une internaute qui l'interpellait : "En quoi j'ai brisé le cordon sanitaire ? Le cordon sanitaire, c'est de ne pas conclure des accords avec l'extrême droite et l'extrême gauche. Pour les débats, en Flandre, le Belang est sur les plateaux depuis longtemps. Donc j'ai brisé quoi ?"

Vendredi, sur le plateau de LN24, M. Bouchez a également fait remarquer que le débat avait été enregistré, ce qui permettait d'en retirer le cas échéant des éléments outranciers, et qu'il se trouvait sur la chaîne publique flamande où le cordon sanitaire médiatique ne s'applique pas. Il a également rappelé que des milliers de téléspectateurs belges francophones avaient regardé le débat Macron-Le Pen sur les chaînes françaises mercredi, à l'occasion duquel la candidate d'extrême droite avait pu expliquer en long et en large son programme. "Je ne milite pas pour remettre en cause le cordon sanitaire du côté francophone", a-t-il toutefois précisé, mais il estime qu'il faudrait l'étendre au PTB, autre parti extrémiste qui menace, selon lui, les droits fondamentaux. "Si on veut un cordon sanitaire à l'égard de l'extrême droite, je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas pour l'extrême gauche", a-t-il dit. 

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