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Interrogé plus de 13h, Stéphane Moreau défend son salaire mirobolant: "Nous sommes dans des univers concurrentiels"

Stéphane Moreau a été auditionné durant de longues heures par la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Publifin, ce vendredi. Une très longue audition où il a détaillé les structures de l'intercommunale. Très réticent, il a finalement abordé la question des salaires en dévoilant que rien que chez Nethys, il gagnait près de 900.000 euros bruts par an.

En plus de 13 heures, Stéphane Moreau détaille en profondeur la stratégie et l’histoire du groupe Publifin. Une intercommunale qu’il a largement contribué à transformer. En 2013, c’est lui qui est à la manœuvre pour réformer sa structure. Une révision complète qu’il est allé soumettre au ministre wallon de l’Economie et des Pouvoirs locaux, mais aussi, aux fédérations PS, MR et cdH. "Quand tout le monde a trouvé que c’était un bon modèle – on n’a rien bougé avant – on a mis en œuvre le bon modèle", explique Stéphane Moreau, administrateur délégué de Nethys.


Rémunérations: Moreau finit par lâcher le morceau

Interrogé sur les rémunérations des dirigeants de Publifin, l’administrateur délégué de Nethys se montre d’abord prudent. Il ne souhaite pas aborder ce point en public. "A huis-clos, je peux aborder les rémunérations du Top Management bureau, mais voilà", commente-t-il.

Soumis aux questions des commissaires, Stéphane Moreau dévoile finalement sa rémunération annuelle pour son unique mandat chez Nethys : 593.000 euros fixes, plus 246.000 euros de salaire variable en fonction des résultats, soit un total de 839.000 euros bruts par an. "Nous sommes dans des univers concurrentiels, et les méthodologies retenues pour le recrutement, qu’il s’agisse d’ailleurs de moi-même ou de mes collègues de quelque niveau qu’ils soient, sont similaires", explique-t-il encore. Aux 839.000 euros doivent se rajouter 40.000 euros perçus chez EDF Luminus, ce qui permet d'approcher les 900.000 euros. Si l'on rajoute sa rémunération de bourgmestre (poste duquel il a promis de démissionner prochainement), Stéphane Moreau approchait le million d'euros par an.

Des règles salariales qui s’appliquent à d’autres entreprises du marché, et qui justifient aussi selon lui les salaires du patron de Voo, filiale de Nethys: 750.000 euros annuels, ou du directeur financier de Nethys, 600.000 euros.


Comités de secteur? Stéphane Moreau dit qu'il n'était pas chargé de Publifin lorsqu'ils ont été créés

Sur la question des comités de secteur qui rémunéreraient des mandataires sans qu’ils assistent aux réunions, Stéphane Moreau botte en touche: les comités problématiques ont été créés en 2013. Stéphane Moreau dirigeait alors Nethys, et non Publifin, la coupole qui la surplombe.

Il y a toujours beaucoup de questions ce soir également sur les fameux comités de secteur. "Ces comités de secteurs qui avaient lancé le scandale, où siègent des administrateurs qui sont parfois payés pour ne même pas se présenter. Ces questions restent toujours sans réponse, mais les commissaires n’ont pas l’intention de lâcher l’affaire", explique Benjamin Brone, notre journaliste qui a suivi l'audition de Stéphane Moreau.

"Il considère qu’il n’a pas de responsabilités, qu’il n’est pas dans le coup, que ce sont les politiques et les administrateurs qui ont décidé entre eux, ça reste quand même un questionnement, parce qu’en définitive ces comités de secteur ont été constitués, mais ils n’ont pas été approuvés par les communes, ils n’ont pas été approuvés par l’assemblée générale, on a payé des gens sans qu’il n’y ait un mandat effectif de pouvoir le faire", réagit Dimitri Fourny, député wallon cdH.

"Un accouchement au forceps, avec beaucoup de questions et des réponses parfois difficiles à obtenir"

L'audition était toujours en cours vers 20h30, après quoi une pause a été décrétée. Les commissaires ont éprouvé quelques difficultés à obtenir des réponses précises: "On nous avait annoncé une journée marathon, on ne nous avait pas par contre parlé d’accouchement, un accouchement au forceps, cet après-midi, avec beaucoup de questions et des réponses parfois difficiles à obtenir, notamment sur les questions des rémunérations. D’abord Stéphane Moreau réclame le huis-clos pour ne pas révéler les montants des rémunérations de ses top managers, et puis finalement il finit par lâcher le montant de sa propre rémunération, un peu plus de 800.000 euros", explique notre journaliste Benjamin Brone, en direct sur place.

"Il faut la transparence, et pas pour pointer du doigt, moi je ne suis pas de ce type là, mais on ne peut pas continuer, si dans un système public, démocratique où l’argent vient du public, on ne dit pas au citoyen, qui du matin au soir travaille aussi, voilà ce qui se passe, et c’est pour ça que c’était important de connaître le chiffre", a déclaré Jean-Luc Crucke, député wallon MR.

"J’ai donné mon avis personnel, ce ne sont pas, en tout cas, les valeurs que je défends au quotidien, ce n’est pas pour cela que je me suis engagé en politique, et dès lors, je suis choqué, et je suis doublement choqué, parce qu’il est effectivement membre de mon parti", réagit Patrick Prévot, député wallon PS.


Crucke satisfait de débattre du projet industriel avec Moreau: "Enfin quelqu'un qui décide dans ce groupe"

Jean-Luc Crucke (MR) s'est montré satisfait de pouvoir débattre du projet industriel une fois le thème des rémunérations évacué. "On a enfin affaire à quelqu'un qui décide dans ce groupe, et c'est un homme intelligent. C'est le jour et la nuit (avec les précédents auditionnés), voici quelqu'un qui assume sa responsabilité, qui porte une stratégie, tandis que les trois autres (les administrateurs Gilles, Pire et Drion, ndlr) protégeaient leurs rémunérations". A ses yeux, il apparaît clair que le rôle attribué aux comités de secteur et la décision sur leurs rémunérations vient du CA et d'André Gilles (PS) en particulier, à la manœuvre dès 2006.


Stéphane Hazée dénonce la manière de recruter certains responsables de Nethys

Pour Stéphane Hazée (Ecolo), une série d'éléments ont bien été clarifiés par l'audition de M. Moreau, notamment par rapport au pouvoir décisionnel des trois fédérations de parti (PS, MR et cdH). Mais il est difficile à ses yeux de croire que le bourgmestre d'Ans limitait son action politique à sa commune, comme il l'a affirmé. Le député vert voit par ailleurs une "déconnexion complète (du patron de Nethys) dès qu'on parle d'argent et de pouvoir". Il relève que M. Moreau bénéficiait déjà d'une rémunération de 350.000 euros en 2008 lorsque la structure était encore une intercommunale.

Il dénonce aussi une culture de l'"entre-soi": alors que M. Moreau avait assuré que les dirigeants du groupe étaient choisis pour leurs compétences par un chasseur de tête, le même Stéphane Moreau a reconnu que pour lui, c'était André Gilles qui l'avait déniché. Et à son tour, c'est Stéphane Moreau qui a déniché le secrétaire général Gil Simon. "Si le système dysfonctionne, c'est aussi parce que les gens n'ont plus leur indépendance pour rappeler la règle", conclut Stéphane Hazée.

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