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Philippe Maystadt est décédé

Né en 1948, Philippe Maystadt a été l'une des grandes figures de la démocratie chrétienne francophone et l'un des maîtres d'oeuvre de la Belgique d'aujourd'hui. Il s'était retiré de la vie politique belge depuis plus de 15 ans.

Originaire de Petit-Rechain comme Melchior Wathelet, autre grand nom du PSC, il déménage dans son enfance vers le pays de Charleroi qui deviendra son port d'attache politique. Licencié en droit et en économie de l'UCL en 1970, il fait ses premières armes en 1974 au cabinet d'Alfred Califice, ministre PSC dans le gouvernement Tindemans et président du comité ministériel des Affaires wallonnes, embryon du gouvernement wallon. Il est élu à la Chambre pour la première fois en 1977 et prend la place de M. Califice, alors représentant des sociaux-chrétiens en terre carolorégienne.

En 1979, âgé d'à peine 31 ans, il est nommé dans un gouvernement: il est secrétaire d'Etat dans le premier exécutif régional wallon, en charge de l'économie régionale et de l'aménagement du territoire. Un an plus tard, il devient ministre de la Fonction publique et de la Politique scientifique dans le gouvernement Martens IV. Poste qu'il conservera dans l'éphémère gouvernement Eyskens avant de prendre le Budget et le Plan dans le gouvernement Martens V, le premier "Martens-Gol" marqué par la crise économique, le déclin de la sidérurgie et une politique d'austérité. Dans les gouvernements Martens VI et VII, il exercera la compétence des Affaires économiques.

En 1988, la coalition des sociaux-chrétiens et des libéraux est renversée au profit d'une alliance des premiers avec les socialistes. Cette majorité de centre gauche convient mieux aux convictions de Philippe Maystadt qui sera le ministre des Finances des gouvernements Martens VIII et IX et Dehaene I et II. A ce poste qu'il occupera pendant dix ans, il imprime sa marque: maîtrise de l'inflation, arrêt de l'"effet boule de neige" de la dette publique, inscription de la Belgique dans les critères européens de Maastricht et les célèbres emprunts publics "Philippe".

En 1990, il se voit décerner le titre de ministre des Finances de l'année par le magazine Euromoney et de 1993 à 1998, il préside le comité intérimaire du FMI. Au parlement, il feraillera régulièrement avec un certain Didier Reynders (PRL), en particulier dans le dossier des "swaps", ces produits spéculatifs utilisés en toute discrétion par l'Etat belge et qui lui firent perdre quelques centaines de millions d'euros.

Philippe Maystadt est également associé aux grandes réformes institutionnelles qui ont marqué ces années: régionalisation, adoption d'une loi de financement mais aussi aussi sauvetage financier de l'enseignement francophone au sein de la Communauté française. Pendant 15 ans, Philippe Maystadt a été l'un des poids lourds du PSC dans un trio qui l'associait à Melchior Wathelet et Gérard Deprez.

Sa popularité s'accroît au fil des scrutins. En 1989, pourtant dernier suppléant, il réalise le deuxième score francophone aux élections européennes. La fin des années 1990 est un tournant pour les sociaux-chrétiens francophones. Le déclin se fait sentir. Le parti est secoué: Charles-Ferdinand Nothomb emporte la présidence face à une Joëlle Milquet encore inconnue et Gérard Deprez quitte le navire après une tentative avortée d'alliance avec les libéraux.

En 1998, Philippe Maystadt abandonne prématurément le gouvernement Dehaene pour diriger le parti en ticket avec Joëlle Milquet. Il ne parviendra pas à inverser la tendance prédite par les sondages: en 1999, le PSC devient le 4e parti francophone, devancé par les écologistes, il perd 4,5% et plusieurs sièges. Une alliance s'est nouée entre socialistes et libéraux, le PSC et le CVP sont renvoyés dans l'opposition après des décennies de participation au pouvoir. Philippe Maystadt quitte la scène politique belge. Cet européen convaincu devient en 2000 président de la Banque Européenne d'Investissement (BEI).

Une fonction qu'il exercera jusqu'en 2011. Il fera une brève incursion dans la crise institutionnelle qui suivit les élections de 2007 au sein d'un comité des sages qu'il quittera rapidement. En 2014, le gouvernement de la Communauté française lui confie la présidence de l'Académie de recherche et d'enseignement supérieur (Ares). En 2015, il participe à la création de la Fondation "Ceci n'est pas une crise" qui veut lutter contre l'essor du populisme. Atteint d'une maladie rare des poumons, il s'est éteint jeudi.

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