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Chambre du conseil pour les attentats de Bruxelles: Osama Atar, la fabrication d’un terroriste

Né à Bruxelles le 4 mai 84, Oussama Atar "a eu un rôle central dans la planification d’attentats en Europe" peut-on lire dans le réquisitoire des attentats de Paris. Pour en arriver là, l’homme a dupé la police, la justice, la sureté de l’état, les affaires étrangères belges et a embrigadé plusieurs membres de sa famille. Il est probablement mort en Syrie mais son cas sera traité par la Chambre du conseil pour les attentats de Bruxelles car son décès n'est pas une certitude.

En 2003, Osama Atar, né à Bruxelles, suit les cours de 5ème technique de qualification à l'athénée Andrée Thomas de Forest. Cette année-là, il se rend en Syrie officiellement pour apprendre l’arabe. A partir de ce moment-là, une note de la Sureté de l'Etat (NA/2016/2061/G211 dd19/08/2016) est créée sur lui.

En 2004, en Irak, il "prend vraisemblablement part aux combats menés contre les troupes de la coalition", selon cette note de la Sûreté.

Le 21 février 2005, il est arrêté par les Américains alors qu'il vient de franchir la frontière irako-syrienne sans passeport ni visa. Il est incarcéré puis condamné à la prison à perpétuité, une peine réduite à 10 ans de prison en mai 2007. "Lors de son arrestation, il est en compagnie de djihadistes, il a été blessé", relate André Jacob, ex-patron de l’anti-terrorisme à la Sûreté de l’Etat.

Quelques mois plus tard, en juillet 2006, l’agent de renseignement belge rend visite à Osama Atar, alors détenu à Camp Cropper, une prison tenue par les Américains : "C’est un jeune garçon très timide, très réservé, il n’a pas le profil d’une personne radicalisée et combattante. Il aurait pu être récupérable moyennant un suivi en Belgique" estime André Jacob.  

Dès ce moment, les affaires consulaires belges s’activent pour le faire libérer mais en vain. "Pour moi, Osama Atar a été radicalisé dans les camps américains en zone irakienne", poursuit André Jacob, qui décrit ces camps où les prisonniers se côtoient "librement" et où le Coran est le seul livre autorisé. C’est là qu'Atar croise Abou Bakr El Baghdadi, le futur calife auto-proclamé de l’association terroriste Etat Islamique.



  

A partir de 2010, une campagne médiatique et politique se met en place pour obtenir la libération du jeune homme que l'on dit atteint d’un cancer. "Ce sont les affaires étrangères qui en informent la famille" se souvient Vincent Lurquin, l’avocat d’Osama Atar. Louis Michel, alors député européen, intercède auprès des Affaires étrangères, celles-ci contactent les autorités irakiennes qui renvoient la balle aux Belges. Me Lurquin demande à consulter le dossier de son client à la Sûreté de l’Etat, celle-ci refuse.

En septembre 2012, Osama Atar est expulsé d’Irak. C’est un autre homme qui revient sur le territoire belge. Bientôt, il s'appellera Abou Ahmed, terroriste.

Osama Atar, l’énigme

De retour en Belgique, Osama Atar se fait discret. Il est entendu par la police puis durant 6h par un juge d’instruction mais il ressort libre.

Osama Atar figure bien sur la liste des combattants djihadistes étrangers mais cela ne l’empêche pas de rendre visite à de multiples reprises à ses cousins emprisonnés Khalid et Ibrahim El Bakraoui qui se feront exploser à Bruxelles le 22 mars 2016. Selon plusieurs témoins, c’est Osama Atar qui les a radicalisés. En 2012, les Irakiens avaient relâché Osama Atar moyennant la garantie qu’il serait surveillé et qu’il n’obtiendrait pas de passeport. Il n’en est rien. Les Affaires étrangères lui délivrent un passeport, O.Atar se rend en Tunisie puis en Turquie avant de disparaître des radars.

Autant de "dysfonctionnements" poussent certains, comme le député cdH Georges Dallemagne, à s’interroger : Osama Atar était-il un informateur de la Sûreté ? "La loi m’interdit de me prononcer", nous répond l’ex-patron de l’anti-terrorisme à la Sûreté de l’Etat. De son côté, le Comité R nous refuse l’accès au dossier toujours "classifié". "Nous n’aurons jamais le fin mot de cette histoire mais c’est, à certains égards, une affaire d’Etat", dit G.Dallemagne.

Ça reste toi, l’Emir, c’est toi qui décides

Lorsqu’il réapparaît, Osama Atar se fait appeler Abou Ahmed et désormais il dirige. "Il a occupé de hautes responsabilités au sein de l’Etat Islamique", peut-on lire dans le réquisitoire français. "Il a exercé des fonctions d’encadrement, ayant sous ses ordres plusieurs terroristes dont Abdelhamid Abaaoud." C’est lui qui depuis la Syrie sélectionne et dirige les terroristes, il les finance et suit leur parcours jusqu’en Belgique. A la veille des attentats de Bruxelles, c’est à lui que s’en réfère Najim Laachraoui, l’un des kamikazes de l’aéroport : "Ça reste toi, l’Emir, c’est toi qui décides." "L’émir" ne sera identifié que tardivement, grâce à des djihadistes qui le reconnaissent sur photo.

Cinq jours après les attentats de Bruxelles, le petit frère d’Osama Atar, Yassin est arrêté. Il est notamment en possession d’une clé de la planque des terroristes à Schaerbeek. Il est inculpé pour les attentats de Paris.

En août 2016, Osama Atar serait revenu à Bruxelles au nez et à la barbe des services de renseignement. L’homme est ensuite reparti vers la Syrie où il aurait été tué par une frappe américaine en novembre 2017. Mais avec une énigme, on n’est jamais trop prudent. Osama Atar, accusé des attentats de Paris et de Bruxelles, sera jugé sans doute à titre posthume.

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