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"Il y a urgence": pourquoi n'existe-t-il pas d'Ordre des dentistes en Belgique?

Vous l'avez peut-être lu sur notre site avec les exemples de Yalçin et Yasmina, l'absence d'un Ordre des dentistes peut s'avérer problématique pour les patients. Tous les deux ont un litige - avec le même dentiste - et se sont retrouvés démunis face à la situation. Cette absence d'un Ordre des dentistes en Belgique est une situation que regrette notamment la Société de Médecine Dentaire (SMD) en Belgique. L'association a pour but principal de contribuer au progrès de la science odonto-stomatologique et au développement de la médecine dentaire.

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Michel Devriese est le président sortant de l'association. Il est toujours un membre actif du bureau exécutif. "L’absence d’un Ordre des dentistes est très dommageable pour les patients", fait-il savoir. Il développe: "Ce serait important. Cela supposerait un Code de déontologie, un contrôle de la mobilité internationale, etc. C'est aussi le respect de la législation et des sanctions si elle n'est pas respectée. En Belgique, comme il n'y a pas d'Ordre des dentistes: il n'y a presque jamais de suspension, ni de sanction. C'est vraiment problématique."

"Le médiateur n’est pas un expert technique"

En l'absence d'Ordre des dentistes, pour peu qu'ils en soient informés, les patients qui se sentent lésés peuvent se tourner:

- soit vers les tribunaux classiques
- soit vers les Commissions Médicales Provinciales (CMP) dans certains cas précis
- soit vers le Service de Médiation fédéral des 'Droits du patient' (SMF-dp).

Cette dernière cellule du SPF Santé Publique est composée de cinq personnes aux profils divers (droit, communication, psychologie,..). Leur mission principale consiste à restaurer un dialogue entre les parties (patient-dentiste, par exemple) et à aider celles-ci à trouver une solution ou un début de solution quant à la difficulté vécue par le patient. "Le médiateur n’est pas expert technique et n’est pas entouré d’experts. Il ne peut pas prendre parti ni position quant au fondement d’une plainte", explique Vinciane Charlier, porte-parole du SPF Santé Publique. Une limitation pointée également du doigt par Michel Devriese: "Les actes de dentistes sont des actes techniques. Il faut des professionnels de la santé pour bien pouvoir les comprendre, les juger, les jauger. Il faut des spécialistes pour juger d'une problématique. C'est ce que font les Ordres dans le monde entier."

Un nombre important de plaintes liées aux dentistes

En 2018, les plaintes en dentisterie ont représenté 45% des plaintes relatives à la compétence directe du SMF-dp: à savoir 219 plaintes sur 477 plaintes enregistrées. Bien plus que n'importe quelle autre discipline.

"Le service de médiation reçoit effectivement un nombre proportionnellement élevé de plaintes concernant les dentistes, ce qui peut s’expliquer notamment par l’absence d’Ordre de dentistes", reconnait le SPF Santé publique.

Le Service de Médiation Fédéral recommande un Ordre des dentistes depuis 15 ans

Face à ce constat, depuis plusieurs années, le SMF-dp indique dans son rapport annuel la nécessité de créer un Ordre des dentistes.

Dans son dernier rapport en date, rendu en avril 2019, les médiateurs jugent la situation urgente. "La part non négligeable de ces plaintes a amené notre service à attirer plusieurs fois l’attention des autorités sur les chiffres en cause et sur les enjeux de Santé publique qui y sont liés", écrivent les médiateurs au contact quotidien avec les patients et les professionnels de la médecine.

"La recommandation formulée depuis 15 ans consiste à solliciter la création d’un Ordre de dentistes – en envisageant ici un Ordre au sens moderne du terme (…): une instance qui contribue à garantir le respect du patient, qui fonctionne avec transparence, qui vise à guider de façon préventive l’attitude et les pratiques des praticiens", préconise le SMF-dp. 

Il y a urgence à créer un Ordre de dentistes

Cette instance permettrait notamment aux praticiens dentistes "d’être sensibilisés à divers droits du patient (loi de 2002, droits du patient) et d’être orientés quant à la manière d’appliquer ceux-ci. On pense notamment au droit du patient d’être préalablement informé sur les caractéristiques du traitement envisagé, et tout particulièrement sur les répercussions financières de celui-ci (dans le cadre du droit à consentir librement et de manière éclairée au traitement), au droit à la copie du dossier, au droit à être soigné avec qualité dans le respect de la dignité." 

Les médiateurs concluent sur la question de façon alarmiste: "Au regard, du nombre proportionnellement important de plaintes 'dentisterie' réceptionnées, il y a urgence à crée un Ordre de dentistes (organe déontologique ayant notamment la mission de guidance des praticiens), sous quelle que forme que ce soit, en termes de prévention de plaintes." (Lire l'ensemble du rapport

En plus du Service de Médiation fédéral des Droits du patient, de la Société de Médecine Dentaire, les CMP (Commissions médicales provinciales), elles aussi, abondent dans ce sens. "La création d’un Ordre des dentistes a déjà été évoquée de manière récurrente, avec des initiatives législatives déposées régulièrement", ajoute Vinciane Charlier.

Qu'est-ce qui bloque?

L'idée de créer un ordre des dentistes a été évoquée à plusieurs reprises au Parlement. En vain pour l'instant. En 1999 déjà, une proposition de loi avait été déposée mais n'a pas abouti. Plus récemment, en février 2015, le député Jan Vercammen, a sollicité la création d’un Ordre flamand des dentistes et d’un Ordre francophone et germanophone des dentistes, reprenant pour une bonne partie la proposition de loi déposée au Sénat en 2012 par Louis Ide et Elke Sleurs. Mais toujours aucune concrétisation. Une situation que déplore la Société de Medecine dentaire: "On pourrait partir d'une page vierge et partir d'un mode de fonctionnement transparent et équilibré pour que cela puisse fonctionner. Le but est quand même de protéger la santé des patients et de trouver des solutions aux patients. Ce n'est pas normal, de se retrouver avec des praticiens qui ont des problèmes avec un patient, deux voire trois, et qu'ils continuent à exercer." Et de conclure: "Qu'est-ce qu'il faut faire pour encore convaincre le politique qu'un Ordre des dentistes est nécessaire. Je ne sais plus dans quelle langue il faut le dire!"

Le SPF Santé précise à ce sujet: "La création d’un Ordre a déjà été envisagée à plusieurs reprises, notamment comme Ordre adossé à l’Ordre des médecins, mais ce projet n’a pas encore abouti. Cette problématique sera soumise au prochain Ministre de la Santé publique de plein exercice." 

Du côté du cabinet de la ministre de la Santé Publique, Maggie De Block, on n'exclut pas la création d'un Ordre des dentistes. Mais la volonté et de créer une base permettant une réforme de l’Ordre des médecins. "Ce cadre pourrait ainsi servir de base pour créer un Ordre des dentistes", explique Audrey Dorigo porte-parole de la ministre Maggie De Block. Et de préciser, "Pour l'instant, la réforme n’a pour pas encore pu aboutir."

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