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Un pic de cas de coronavirus prévu dans quatre semaines chez nous: la Belgique est-elle bien préparée, selon les spécialistes?

Le coronavirus a fait trois morts en Belgique, selon un dernier bilan actualisé cet après-midi. il s'agit d'une dame de 90 ans, décédée hier à l'hôpital Molière de Bruxelles. La patiente était par ailleurs très malade. Dans notre pays, les tests se sont intensifiés. 639 échantillons ont été analysés mardi donnant 47 nouveaux cas positifs (29 en Flandre, 7 à Bruxelles et 11 en Wallonie). Au total, on arrive à 314 personnes détectées à la suite d'un test dans notre pays. La Belgique est passée en phase 2 renforcée qui s'accompagne d'une série de recommandations.

Yves Van Laethem, infectiologue au CHU Saint-Pierre, et Philippe Devos, président de l'Absym, le syndicat des médecins, étaient les invités de l'édition spéciale du RTL INFO Bienvenue ce mercredi. Ils ont répondu aux questions d'Olivier Schoonejans.

La Belgique compte un premier cas de décès lié notamment au coronavirus. Ce décès, est-ce qu'il est dans la logique des choses par rapport à ce qu'on peut imaginer et voir de l'épidémie ?

Yves Van Laethem : "Malheureusement, on savait qu'on y arriverait, qu'on échapperait pas à des décès dans la population. On sait que le risque augmente avec l'âge, on sait qu'au-delà de 80 ans, le risque de mortalité est de l'ordre de 15%, ça s'est très bien remarqué en Italie actuellement, et presque symboliquement, ce premier décès belge est quelqu'un d'extrêmement âgé. C'est malheureusement logique".

Philippe Devos, est-ce qu'on va pouvoir déterminer si les causes de tous les décès à venir sont vraiment le coronavirus. Est-ce qu'à un moment donné, il ne va pas y avoir des questions qui se posent ? Ce sont des grippes, les gens ne sont pas forcément testés… Ne va-t-on pas se poser ces questions à un moment donné ?

Philippe Devos : "En tout cas, on sait que les tests vont être en priorité pour les patients hospitalisés, donc il n'y aura pas de pénurie de tests pour les patients à l'hôpital, et on va pouvoir déterminer si chaque mort est imputable au covid-19 ou si elle est liée à autre chose, on aura la certitude à la fin de l'épidémie et pendant l'épidémie".

C'est important de le savoir, ça ?

Philippe Devos : "Moyennement, car on n'a pas de traitement contre la maladie, donc ça ne va pas change le traitement des patients, par contre, en termes épidémiologiques, pour avoir une idée de l'étendue de cette maladie dans la population, c'est important, oui".

Le directeur médical des hôpitaux Iris Sud, dont dépend l'hôpital Molière a donné des précisions sur ce décès. C'était ce matin pendant une conférence de presse. Deux choses à retenir de cette intervention. La première, Philippe Devos, c'est que les procédures apparemment, ont fonctionné tout à fait normalement. Quel est votre avis par rapport à ça ?

Philippe Devos : "En tout cas, c'est clair que dans les hôpitaux, on considère que tout patient qui vient avec de la fièvre doit être considéré comme un patient à coronavirus jusqu'à preuve contraire, et pas l'inverse. On ne pose plus des questions sur l'origine de la personne ou pas. Il y a de la fièvre, de la toux, on prend des mesures maximales. Et c'est rassurant de voir que c'est la norme dans ce pays. Il faudra avoir des masques en suffisance pour continuer à avoir cette façon de procéder, et là, aujourd'hui, nous n'avons toujours pas de confirmation de la ministre".

Cela va encore tenir quelques jours, quelques semaines ?

Philippe Devos : "Tout dépend des hôpitaux, certains comptent en jours, certains comptent en semaines".

Qu'est-ce qu'on va pouvoir faire ? Yves Van Laethem, vous avez des informations par rapport à ça ?

Yves Van Laethem : "Non, je crois qu'on attend l'arrivée de ces masques qui est liée au marché européen, principalement, qui a été passé, mais je n'ai pas plus d'information".

Le deuxième élément de cette conférence de presse concerne les mises en quarantaine ou en tout cas l'isolement d'un certain public. On parle des maisons de repos par exemple, dans lesquelles les visites sont interdites sauf cas exceptionnel. Est-ce que c'est une mesure qui est logique, qui est juste?

Yves Van Laethem: "C'est certainement la mesure la plus juste et la plus logique actuellement. Elle est facile, elle ne coûte rien, et elle permet de préserver au mieux la population la plus à risque. A l'hôpital Saint-Pierre, de la même manière, à partir d'aujourd'hui il n'y a plus de visites. Je pense que la plupart des hôpitaux vont probablement passer à ce type de précaution".

Philippe Devos, cette mesure, elle arrive trop tard ou pas selon vous ?

Philippe Devos : "Ce que la population doit comprendre, c'est qu'il va y avoir une évolution graduée des mesures à prendre en termes sociaux, et qu'il va falloir obéir à la minute près et au jour près aux ordres. Sinon, on va échouer. Soit on prend les mesures trop tôt en se disant qu'il faut du temps pour que les gens acceptent, c'est une technique. Soit on y va au dernier moment et tout le monde accepte. Ici, on voit que même Bart De Wever n'accepte pas les décisions, donc on est vraiment dans un gros problème dans ce pays".

Les mesures, elles sont prises suffisamment à temps selon vous ou pas ?

Philippe Devos : "Si on suit la littérature internationale et principalement ce que l'agence européenne de détection des maladies recommande, pour le moment on suit plus ou moins les bonnes mesures. On commence depuis deux jours à commencer à s'écarter des recommandations européennes, donc je commence à être inquiet cette semaine sur les mesures qui sont mises en place, et encore plus sur l'application des mesures que le gouvernement recommande de mettre en place, puisqu'un autre problème aussi, c'est qu'il n'a pas le pouvoir d'imposer ces mesures".

Est-ce qu'on pourrait arriver, docteur Van Laethem, à une situation comme en Italie, où on place un pays en quarantaine ?

Yves Van Laethem : "Tout est possible, évidemment, on ne peut pas présumer de ce qui va se passer".

En fonction de qu'on a pris comme mesure et de l'évolution de la maladie en Belgique, quel est votre avis ?

Yves Van Laethem : "Le but des mesures est de ne pas faire ce que l'Italie a connu et de courir après ce coronavirus et de bloquer le mieux possible la situation à temps pour endiguer la vague et ne pas avoir un tsunami, ce qu'ils ont connu sur les soins de santé, mais avoir certainement une tempête importante. A nous de savoir si la structure pourra tenir le coup sous l'effet de la tempête. Sous le coup du tsunami, elle ne pourrait pas".

Yves Van Laethem, vous travaillez au CHU Saint-Pierre, qui est l'un des hôpitaux de référence pour le coronavirus. Est-ce que vous savez si pour l'instant, le virus a pu faire d'autres victimes qui ne sont pas encore déclarées ?

Yves Van Laethem: "Je pense que de toute façon, c'est à l'hôpital de prendre la parole à ce moment-là, à ma connaissance, il n'y a pas d'autre victime mais l'hôpital a rempli très sérieusement ses structures, d'une part pour les patients qui ne sont pas des cas gravissimes, avec des chambres à pression négative, et parfaitement isolées, mais les soins intensifs réservés à ce type de patients sont eux aussi en forte activité, donc on va vers une situation où peut-être faudra-t-il à un moment réfléchir à l'extension et il y en sans doute dans d'autres hôpitaux, à l'extension des hôpitaux qui hébergent ces patients".

Philippe Devos, on en n'est qu'au début de cette épidémie, en tout cas de cette vague d'afflux dans les hôpitaux selon vous ? 

Philippe Devos: "Oui, il n'y a pas que selon moi, tout le monde s'attend à rencontrer soit une tempête, soit une tornade, la question, ce n'est pas de ne rien rencontrer du tout. On v aller crescendo dans les prochaines semaines. Madame De Block a parlé d'un pic dans 4 semaines. On sait que dans les quatre prochaines semaines ça ne va faire qu'augmenter". 

Ici, on a l'impression que les mesures qui sont prises, les rassemblements ministériels d'hier donnent une gravité à la situation, et vous nous dites, selon les prévisions, on n'en est qu'au début ?

Philippe Devos: "Oui, mais c'est avant la tempête qu'on prend des mesures pour éviter qu'il y ait de la casse, ce n'est pas pendant la tempête. C'est logique qu'on alerte tout le monde aujourd'hui, parce que ce qu'on veut, c'est que tout le monde soit prêt, pour faire en sorte que l'ouragan devienne tempête. C'est maintenant qu'il faut agir. Si les gens et le gouvernement s'éveillent dans une semaine, c'est trop tard".

L'interdiction des rassemblements à partir de 1000 personnes à l'intérieur, est-ce que selon vous, Philippe Devos, c'est une bonne mesure ? Pourquoi 1000 personnes ?

Philippe Devos: "1000 personnes, c'est en fonction du risque qu'il y ait une personne contaminée au sein de ces 1000 personnes. On sait que parfois, une personne contaminée peut, dans des grands rassemblements de masse, contaminer énormément de gens. Lors d'infections préalables d'autres virus comme le MERS, on voit qu'une personne peut parfois arriver à contaminer en une journée presque 40 personnes. C'est la logique de contaminer beaucoup de gens. Il vaut mieux être prudent pour tout. Pour faire des réunions avec un grand nombre de gens de moins de 1000 personnes mais avec un risque de contamination, il faut peut-être faire en sorte que les gens soient au moins à un mètre l'un de l'autre, comme c'est fait en Italie, plutôt que de mettre des nombres absolus. Si on est 200 personnes écrasées l'une sur l'autre et qu'en plus on va fêter les 90 ans de bon papa ce n'est pas une bonne idée de faire ça cette semaine". 

J'ai encore une question pour vous monsieur Devos, on est dans une phase épidémiologique qu'on peut appeler phase 2, ensuite viennent les phases 3 et 4. En quoi ça va consister, les prochaines phases? Je précise que ce ne sont pas des phases d'alerte, mais des phases épidémiologiques.

Philippe Devos: "Effectivement, ce sont des phases de multiplication du virus, à un moment donné, une grande partie de la population s'infecte en une période très courte de temps, donc ça fait un pic. Ce pic-là s'appelle la phase 3, c'est le moment où le virus a le plus d'impact sur la santé publique et sur risque d'engorgement des hôpitaux. Cette phase trois, on peut faire un grand pic très court, et là c'est le tsunami qu'on veut éviter, ou bien on peut faire un pic étalé dans le temps et aplati, et ça c'est ce qu'on vise à faire avec ces mesures".

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