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Coronavirus en Belgique: situation tendue pour les ambulanciers privés

Comme lors de la première vague, les sociétés d'ambulances privées sont sollicitées pour les transports de patients Covid-19. Certains ambulanciers ne sont pas formés pour ce type de prise en charge et craignent le chômage économique. Au contraire, les autres ont actuellement un rythme de travail intense. Témoignage de trois patrons.

Quand on pense au coronavirus, on pense avant tout aux hôpitaux. Surchargés, ces derniers ont actuellement besoin de l'aide des ambulances de sociétés privées, notamment pour transférer des patients Covid-19 entre différents établissements.

Dans le domaine des soins, il faut dissocier l'urgent du non-urgent. "Pour les urgences, les personnes sont invitées à contacter le 112. Ces derniers vont dispatcher des ambulances sur place, souvent raccordées à des hôpitaux directement", nous explique Arnaud Franchini, patron de NAAB Ambulances. "Pour le non-urgent comme le transfert de patients ou la prise en charge légère ou autre, les ambulanciers privés sont souvent sollicités.", ajoute-t-il.Ce fonctionnement a été chamboulé par l'arrivée de Covid-19 et dès le pic de la première vague en mars-avril, ces sociétés ont été appelées en renfort.

Ces sociétés privées fonctionnent, financièrement, à la course. Le montant, de 60 à plusieurs centaines d'euros, varie avec la distance et les soins à bord, par exemple s'il y a un besoin d'oxygène ou si un ambulancier doit attendre à l'hôpital que le patient soit pris en charge.

Ni formés, ni équipés

Avec l'arrivée du coronavirus, les ambulanciers privés ont dû composer avec de nouvelles conditions. L'administration de la Santé Publique a exigé que chaque ambulance utilisée pour transporter des patients Covid-19 dispose d'un équipement spécifique, de désinfecter les véhicules et les équipages après chaque sortie et, surtout, de réguler le système tarifaire. "On a rencontré de gros soucis avec les équipements", explique Alexandre Boulanger, le gérant de Hainaut Ambulances. Il détaille : "Nous avons dû imposer des tarifs forfaitaires de 60€ par client. À ce prix-là, nous n'avions pas de quoi financer l'achat du matériel nécessaire. Nous sommes entrés dans le bain sans être équipés. Les fournisseurs étaient débordés, c'était tout un foin. Des gens nous ont fait des masques en tissu. La commune nous a finalement fourni 200 masques chirurgicaux et 50 FFP2 en mai, en fin de confinement. C'était un peu tard...", se souvient-il.

À côté du matériel, la première vague a mis en avant un problème de formation est expérience insuffisantes des ambulanciers privés pour des transports Covid. "Il y a un gros écart entre la formation et le terrain", rapporte Arnaud Franchini. "Certains ne savent pas comment on réanime ou des choses comme ça. Or cela est nécessaire pour des interventions covid (...) Les gestes doivent être réfléchis en permanence, nous ne pouvons pas avoir un stagiaire qui n'aura pas les mêmes réflexes que ceux qui sont là au quotidien", explique le patron de NAAB Ambulances.

Dès lors, ne pouvant travailler sur des transports Covid, de nombreux ambulanciers se sont retrouvés sans emploi : "Entre mars et avril, 100% de mes transports étaient dédiés au coronavirus. 5 de mes 7 chauffeurs sont tombés en chômage économique, parce qu'ils n'étaient pas brevetés pour monter en ambulance covid", raconte Alexandre Boulanger.

La deuxième vague

La situation aujourd'hui se rapproche de celle de la première vague, même si sur le plan financier elle a changé puisque les autorités ont mis fin à la tarification forfaitaire et qu'on est revenu aux prix normaux. "Il y a beaucoup de travail en ce moment", raconte Isabelle Aubin, gérante de CNS Ambulances. "Le travail a bien changé, tout ce qui est consultation a fortement diminué. Il y a de plus en plus de transferts inter-hospitaliers, on sent qu'ils font de la place. Cela concerne les patients covid comme plus classiques", précise-t-elle ensuite.

Alexandre Boulanger constate aussi une baisse nette des consultations classiques au profit des patients atteints du covid. On revient donc à la situation de la première vague avec une partie des ambulanciers qui ne peut pas travailler dans les ambulances Covid et risque à nouveau d'être réduit à l'inactivité. "La moitié des ambulanciers craint de perdre ses courses habituelles. Ils ont encore du travail mais ils se demandent s'ils vont tomber en chômage coronavirus. Si ça recommence, on va se retrouver avec 50% d'effectif en moins, avec que du covid ou du transport urgent", s'inquiète le patron. "En octobre, j'étais déjà à 70% de transports covid", renchérit Arnaud Franchini. 

Si certains ambulanciers craignent de ne plus travailler, les autres, ceux qui peuvent embarquer dans les ambulances Covid, en ont trop. "On leur en demande de trop, on a énormément d'heures supplémentaires. On est comme le personnel hospitalier, avec en plus des centaines de kilomètres par jour. J'ai la chance d'avoir tous mes ambulanciers, mais je ne peux pas leur demander de bosser non-stop, humainement parlant. A un moment donné on risque de bâcler, par trop de quantité", redoute Arnaud Franchini.

Devant le volume d'interventions, Alexandre Boulanger a décidé d'innover. Le tout pour éviter de devoir refuser des courses. "Je place deux ambulanciers dans une ambulance. L'un va en combinaison chercher le patient et revient pour le remonter tout seul. Le chauffeur reste au volant, quand le transfert est terminé, celui qui est derrière se déshabille et peut remonter devant en étant sain puisque ses vêtements ne sont pas atteints. Cela accélère la désinfection", nous explique-t-il. Une solution qu'il aurait préféré ne jamais avoir à préconiser.

La deuxième vague met à nouveau ces acteurs cruciaux à rude épreuve. Ils exigeaient récemment un reconfinement, qui a finalement été décidé. Gageons que cela leur permette de retrouver une certaine sérénité. 

En Wallonie, une formation d'ambulancier nécessite 120 h de formation et 40h de stage dans un centre agréé. En région bruxelloise, un brevet BEPS (premier secours) et un brevet de secouriste à part entière sont également demandés.

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