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Emma et Mégane ont été violées: elles confient comment elles ont surmonté ce traumatisme

En Belgique, il existe sept centres d'accueil des victimes de violences sexuelles. Le premier a été créé en 2017. Depuis leur création près de 5.000 personnes ont poussé la porte. L'intérêt de ces centres est une prise en charge globale: médicale, psychologique et policière. Pour les victimes, tout se fait au même endroit, ce qui facilite la démarche. Nous avons recueilli les témoignages de victimes dans le centre de Charleroi.

Mégane a 25 ans. Elle a été victime d’un viol dans la sphère familiale. "J'ai été abusée par un de mes cousins peu de temps avant mes 18 ans", nous dit-elle.

Emma (prénom d’emprunt), a 43 ans aujourd’hui. Un ancien patron a abusé d’elle lorsqu’elle avait 20 ans. "Tout ce que je sais, c'est que je me retrouve allongée sur le lit. Il est sur moi et voilà. Et ça arrive comme ça. Je suis complètement figée", nous confie-t-elle.

Ne pas répéter 15.000 fois la même histoire

Lorsqu’elles ont été agressées, les centres de prise en charge des violences sexuelles n’existaient pas en Belgique. Dans ces centres, les victimes peuvent se présenter 24h/24, sept jours sur sept.

La prise en charge est globale: examen médico-légal, soins médicaux, dépôt de plainte et soutien psychologique dans un seul lieu. Une importante avancée pour les victimes. "Ne pas répéter 15.000 fois la même histoire à 15.000 personnes différentes, déjà je pense que c'est très bénéfique. Parce qu'à chaque fois, c'est se replonger dans le fin fond du problème", nous explique Mégane.

Les prélèvements adaptés à la victime

Lucie, infirmière légiste, est en charge de l’accueil à Charleroi. Avant de réaliser les prélèvements sur les victimes, elle enfile des équipements de protection. Objectif: retrouver des traces d’ADN qui pourraient permettre d’identifier le ou les auteurs. "La victime s'installe dans le siège et nous on fait les prélèvements en fonction de ce qu'elle nous a raconté. C'est très spécifique au récit, à l'histoire qui lui est arrivé. On a des prélèvements pour les parties sèches. Des prélèvements pour les parties humides. Des prélèvements pour les ongles. Et aussi des frottis pour la recherche de tout ce qui est maladie sexuellement transmissible", indique l'infirmière.

Des inspecteurs en civil spécialement formés

La victime peut ensuite recevoir des soins urgents et bénéficier d’un traitement sur le long terme. Les personnes qui le souhaitent peuvent également déposer plainte. Sur les 160 victimes qui se sont présentées dans ce centre depuis son ouverture en novembre dernier, 114 ont porté plainte.

Les déclarations sont recueillies par des inspecteurs habillés en civil. Ils ont reçu une formation spécifique. "On a été encadré par une psychologue, qui nous a vraiment expliqué les étapes de la victimisation. Tout ce qui était techniques d'audition, donc ce qu'on peut dire et ce qu'on ne peut pas dire. Comment aborder les victimes", précise Valérie Greco, première inspectrice de la zone de police de Charleroi.

La prise en charge est gratuite mais doit être effectuée dans le mois. "Une fois qu'on passe le mois, on sera plus vers de la réorientation vers les services extérieurs", explique Marie-Claire Ceran, coordinatrice du centre de prise en charge de Charleroi.

Trois nouveaux centres seront créés en 2023 en Belgique.

De nombreuses victimes sont mineures

Les mineurs bénéficient d’un encadrement particulier. En 2021, il représentent 49% des victimes dans le centre de Charleroi, c'est un pourcentage plus élevé que la moyenne belge de 34% dans les centres de prise en charge.

Beaucoup passent sous silence le viol: Emma a subi le choc 21 ans plus tard

Après un épisode aussi traumatisant qu'un viol, de nombreuses personnes préfèrent occulter les faits. Un phénomène que Pascale connait bien. Diplômée en psycho-traumatologie et victimologie, elle a fondé l'association Brise le silence. Elle vient en aide aux victimes. "En fait, c'est un mode de protection. C'est comme si la victime était coupée en deux au niveau de la tête et du corps. Donc le corps reste là, mais la tête s'en va", indique Pascale Urbain.

Oublier pour se protéger, c’est arrivé à Emma. Notre témoin a subi le choc post-traumatique 21 ans après son viol. "J'ai entendu une personne raconter presque la même histoire que moi. Et j'ai eu un flashback, comme si je l'avais vécu hier, alors que je l'avais totalement occulté. Ça n'existait plus pour moi", confie-t-elle.

C’est à ce moment-là qu’elle pousse la porte d’un service d’aide. "J'ai pu progressivement faire un travail de recul, de hauteur, et aussi rendre à mon agresseur ce poids qui n'a jamais été le mien", précise Emma.

Mégane s’est elle aussi rendue dans une association où les victimes sont accompagnées par des personnes ayant également subi des violences sexuelles. "C'est vraiment là que j'ai eu ma bouffée d'oxygène. C'est un peu comme une sororité (ndlr: solidarité entre femmes). On sait ce qu'on a vécu et on est toutes là pour s'encourager", explique Mégane.

Pour ces victimes, chaque pas, chaque étape, est une victoire face au traumatisme qu’elles devront affronter toute leur vie.

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