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L'Arabie saoudite n'aura plus son mot à dire dans la gestion de la Grande mosquée de Bruxelles

Le gouvernement fédéral a pris ce vendredi la décision de rompre sans délai la convention conclue avec la Ligue islamique mondiale qui organisait la concession de la Grande Mosquée de Bruxelles. Il met de la sorte en oeuvre une recommandation de la commission d'enquête sur les attentats terroristes visant à mettre fin à l'immixtion d'Etats étrangers dans l'islam prêché en Belgique. En l'occurrence, il s'agit de l'Arabie saoudite, cheville ouvrière de la Ligue islamique.


Un an pour créer une nouvelle structure

Désormais, le Centre Islamique et Culturel de Belgique (CICB), rattaché à la Ligue islamique mondiale (elle-même liée à l'Arabie saoudite), dispose d'un an pour libérer le bâtiment, ce qui laisse le temps à "une nouvelle structure associant l'Exécutif des musulmans de Belgique (EMB) et une communauté locale" de se constituer afin d'en reprendre la gestion, selon l'agence Belga.

Le gouvernement souhaite désormais "pluralité et transparence" au sein de la Grande mosquée, qui devra "demander une reconnaissance" par l'Etat et "respecter les lois et traditions de notre pays qui véhiculent une vision tolérante de l'islam", a précisé le ministre de la Justice.

"Outre un bâtiment dédié au culte, le complexe accueillera également l'administration de l'EMB et il y sera aussi prévu une formation des imams ou un centre exposant les réalisations de la civilisation musulmane dans un cadre culturel plus large", a-t-il ajouté.

"C'est un signal majeur pour notre communauté musulmane qui a été instrumentalisée pendant des décennies par un islam qui n'était pas son islam malikite, plus tolérant, plus modéré", a réagi auprès de l'AFP le député centriste Georges Dallemagne, en allusion à l'école de jurisprudence la plus répandue en Afrique du Nord. Les musulmans de Belgique sont majoritairement d'origine marocaine. "Le combat doit désormais être menée au niveau européen", a ajouté cet élu, qui a été vice-président de la commission parlementaire sur les attentats, soulignant qu'en Europe "20 mosquées dépendent de la Ligue islamique mondiale".

L'indemnité dont devra s'acquitter l'Etat belge en raison de cette rupture sera d'un montant limité, a assuré le ministre en charge de la Régie des bâtiments, Jan Jambon, sans donner toutefois de précision sur la somme due.


L'islam prêché dans la mosquée souvent pointé du droit

La Grande mosquée de Bruxelles, située dans un grand parc public en plein quartier européen, est un lieu emblématique de l'islam en Belgique. Mais dans les conclusions de la commission parlementaire sur les attentats, en octobre 2017, l'institution s'était vu reprocher de promouvoir un islam "salafo-wahhabite" susceptible de "jouer un rôle très significatif dans le radicalisme violent". La commission présidée par Patrick Dewael avait recommandé la rupture de la convention conclue en 1967 avec l'Arabie saoudite pour une durée de 99 ans. 

Les auditions des dirigeants de la Grande Mosquée s'étaient déroulées dans un climat tendu, révélant un gouffre entre les parlementaires et les représentants de ce lieu de culte emblématique de l'islam en Belgique. Régulièrement, la mosquée du Cinquantenaire a été pointée du doigt pour la vision très rigoriste de l'islam qui y est enseignée, inspirée du wahhabisme saoudien. Une note de la Sûreté de l'Etat de 2015 mettait en cause des prêches et des cours qui "promeuvent intrinsèquement le rejet de tous ceux qui ne sont pas salafistes et peuvent donc mener à un degré supérieur de radicalisation, voire à une radicalisation violente", sans établir toutefois de lien direct avec le terrorisme ou des combattants à l'étranger.


La convention avec l'Arabie saoudite était valable jusqu'en 2066

Les contacts diplomatiques nécessaires ont été pris avec l'Arabie saoudite, a assuré le Premier ministre, Charles Michel, sans faire d'autre commentaire. En mars 2017, M. Geens s'était entretenu avec le secrétaire général de la Ligue islamique mondiale, Muhammad Abdul-Kareem Al-Issa, pour évoquer les problèmes liés à la mosquée. Au mois de novembre, une délégation de haut niveau composée notamment de fonctionnaires des Affaires étrangères s'était rendue à Ryad et avait rencontré plusieurs officiels pour aborder divers points, dont la Grande Mosquée. Il en ressortait que ces autorités se montraient "compréhensives" à l'égard de l'intention belge de rompre la convention. Et en janvier de cette année, le chef de la diplomatie belge, Didier Reynders, recevait son homologue saoudien, Adel al-Jubeir. "Il y a un accord avec les Affaires étrangères saoudiennes pour avoir une implication plus grande des communautés locales dans la gestion de la Mosquée", avait indiqué M. Reynders à l'issue de la réunion.

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