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Denis Ducarme charge les Pays-Bas dans le scandale des oeufs contaminés: malgré cela, pourquoi l'Afsca n'a pas communiqué plus tôt?

Ce matin, la commission économie et agriculture s'est réunie pour entendre les principaux ministres, afin de faire la lumière sur cette affaire d'œufs contaminés à l'insecticide. Quand l'Afsca a-t-elle été mise au courant du problème? Début juin, comme elle l'affirme, ou mi-mai, comme le pense le député européen écolo Bart Staes? Quand ont été averti les ministres de tutelle? Pourquoi n'ont-ils pas été mis au courant directement? Ont-ils avertis leurs homologues européens. Ou y a-t-il eu rétention d'informations?

Ce mercredi après-midi, ce sera au tour des responsables de l'Afsca de passer devant les députés.


Ducarme charge les Pays-Bas

Pour sa part, le ministre fédéral de l'Agriculture, Denis Ducarme (qui a remplacé Willy Borsus depuis qu'il est devenu ministre-président wallon), affirme que du fipronil a été détecté dans des oeufs aux Pays-Bas dès novembre 2016. Une information qui figure dans le rapport remis par l'Afsca au ministre. D'après lui, la Belgique a dû attendre un mois avant d'obtenir des réponses à des questions posées à l'Agence de sécurité alimentaire néerlandaise au sujet de la contamination d'oeufs au fipronil. "Aucune confirmation officielle des Pays-Bas ne nous est parvenue", assure le ministre. "Si nous avions eu ces informations avant, la vigilance aurait été accrue. Mais nous ne disposions pas de ces informations, tout reposait donc sur l'autocontrôle", a-t-il ajouté.

Cela nous aurait permis d'identifier plus rapidement la liste des clients de cette entreprise

Le nouveau ministre de l'Agriculture a par ailleurs déploré qu'un mois se soit écoulé entre une demande de l'Afsca à son homologue néerlandais au sujet d'une société de service avicole néerlandaise et d'un producteur d'aliments pour animaux aux Pays-Bas. Une demande encore réitérée le 26 juin. L'Afsca a reçu ce jour-là des informations concernant des contrôles réalisés chez des fournisseurs d'aliments néerlandais, mais toujours pas celles concernant la firme objet de la question. "Or, cela nous aurait permis d'identifier plus rapidement la liste des clients de cette entreprise", a encore déclaré Denis Ducarme.

Le 13 juillet, soit près d'un mois après sa demande formelle, l'Afsca a obtenu une double notification de ses voisins. Ceux-ci précisent premièrement que mi-mars, un paquet contenant du fipronil, au nom personnel d'un producteur/distributeur belge de Dega-16 (insecticide censé être naturel) à destination d'une adresse néerlandaise, a été saisi à l'aéroport de Schiphol. Ensuite qu'une enquête criminelle avait été ouverte à l'encontre de la société de services avicoles néerlandaise. A partir de ce moment-là, l'agence néerlandaise "ne peut plus nous communiquer les informations que nous lui réclamons depuis un mois. Elle ne communiquera dès lors jamais d'elle-même les informations demandées par l'Afsca".

"Un mois!", a répété Denis Ducarme. "Un mois sans la moindre information de l'agence néerlandaise. Cela veut dire quoi? Cela veut dire que nous n'avons pas pu avoir accès à la liste des clients de la firme hollandaise, et que l'Afsca n'a donc pas pu déterminer plus tôt le périmètre suspect qu'elle a pu déterminer par la suite, et qui concerne 86 exploitants. Nous avons donc perdu un mois pour faire les tests. Et cela, ce n'est pas possible. Quand un pays comme les Pays-Bas, un des plus gros exportateurs d'œufs, ne transmet pas cette info, ça pose vraiment problème!", a lancé le ministre.


Même si les Pays-Bas ont traîné, pourquoi l'Afsca n'a pas communiqué plus tôt?

On l'a compris, pour Denis Ducarme, la gestion de la crise aurait pu être plus rapide si les Pays-Bas avaient répondu plus vite aux questions. Mais la charge du ministre contre nos voisins ne doit pas faire oublier le timing côté belge. Pour rappel, voici les dates-clés chez nous:

Juin: l'Afsca suspecte une irrégularité chez un producteur d'oeufs belge.
20 juillet: les analyses et enquêtes révèlent un scandale sanitaire (pas avant ça, selon l'Afsca).
24 juillet: les ministres fédéraux de tutelle, dont le cabinet Borsus, sont mis au courant du problème des oeufs contaminés.
25 juillet: le ministre de l'Agriculture Willy Borsus demande un rapport urgent à l'Afsca pour en savoir plus.
26 juillet: les experts du cabinet de l'Agriculture tiennent une réunion au siège de l'Afsca. Willy Borsus n'y est pas présent car c'est le jour de son entrée en fonction en tant que ministre-président wallon.
28 juillet: Denis Ducarme succède à Willy Borsus au ministère fédéral de l'Agriculture. Il dit avoir été mis au courant du souci très rapidement après sa prise de fonction.
1er août: un communiqué de l'Afsca est publié sur son site à propos des oeufs contaminés.

À la question de savoir si une injonction de communication vers le grand public a été donnée à un moment par les cabinets Borsus ou Ducarme, ou pourquoi il n'y aurait pas eu cette injonction, personne ne répond. Willy Borsus affirme qu'il ne veut pas interférer dans ce dossier fédéral et que c'est désormais à Denis Ducarme de répondre, mais ce dernier rétorque qu'il n'étais pas encore ministre à l'époque...

Pour le député Ecolo Jean-Marc Nollet, critiquer les Pays-Bas n'est qu'un leurre. "C'est une excuse. Certes, il y a un problème aux Pays-Bas, mais en Belgique aussi nous avions des informations dès le mois de juin, pour dire qu'il ne suffisait pas de cibler une seule exploitation agricole, mais qu'il y avait un problème systémique avec l'utilisation du fipronil. Et là est la responsabilité de la Belgique, à côté de la responsabilité des Pays-Bas", a-t-il commenté au micro de nos journalistes Nathanaël Pauly, Guillaume Wils et Denis Caudron.


Le scandale coûte cher aux producteurs belges

En Wallonie, les dégâts entraînés par la contamination d'œufs à l'insecticide fipronil sont pour l'instant évalués à des centaines de milliers d'euros, indique mercredi Alain Masure, directeur du service d'études à la Fédération wallonne de l'agriculture (FWA). "Cela reste évolutif."

Le syndicat agricole flamand Boerenbond évaluait mardi les coûts occasionnés par la présence de fipronil dans des œufs à au moins 10 millions d'euros pour le secteur en Flandre. Côté wallon, une première estimation "à la grosse louche" fait état de centaines de milliers d'euros.

Mardi, six exploitations du sud du pays étaient toujours bloquées, précise par ailleurs Alain Masure. Une réunion a été organisée avec le ministre wallon de l'Agriculture René Collin (cdH), lors de laquelle il a principalement été décidé de constituer une cellule d'informations, qui sera gérée par le Collège des producteurs ainsi que l'Agence wallonne pour la promotion d'une agriculture de qualité (Apaq-W).

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