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Le taux de suicide chez les vétérinaires est quatre fois plus élevé: le comportement des clients est l'une des explications

Le taux de suicide est quatre fois plus élevé chez les vétérinaires que dans le reste de la population. Le secteur recense encore plusieurs passages à l’acte ces dernières semaines dans différentes provinces de Wallonie. Pourquoi? En partie à cause de relations parfois conflictuelles avec des clients, même si ce n’est pas la seule explication.

Notre équipe a rencontré Lucie Delaloye dans son cabinet à Couvin. L’échographe dévoile la future portée de la chienne Réa à ses propriétaires. Un instant privilégié entre les maitres et leur vétérinaire. "C'est vraiment agréable pour nous, et de voir les gens heureux aussi d'avoir des jeunes, c'est toujours très agréable", nous confie Lucie Delaloye.

Mais derrière ces consultations chaleureuses se cache une réalité plus pénible. Des clients mécontents, peu compréhensifs, et parfois menaçants. "Souvent on peut se faire insulter parce qu'on doit payer un service. Par exemple si on vient la nuit, c'est 120 euros la consultation et les gens ne comprennent pas qu'ils doivent payer 120 euros parce qu'ils ont dérangé un vétérinaire à 4H du matin", nous explique par exemple Lucie. "Des fois on a la colère des gens en face. Plus la fatigue, c'est vraiment un mélange de plein de choses".

J'ai besoin de beaucoup l'exprimer

Lucie Delaloye n’a que 26 ans et une seule année de pratique derrière elle, mais ces interactions conflictuelles remettent parfois en question sa passion du métier. "C'est pas évident, mais j'ai l'occasion de pouvoir quand même en parler. Mon compagnon est vétérinaire dans une autre structure, et ça nous aide bien parce qu'on partage tous les deux ces mêmes problèmes. J'ai aussi été voir une psychologue pour parler. J'ai besoin de beaucoup l'exprimer, donc j'en parle autour de moi", indique la spécialiste. "Avec tous mes collègues qui sont sortis de la même promo que moi, on a tous vécu cette grande désillusion".

C'est une des causes qui fait que les vétérinaires se sentent mal dans leur profession

A la tête d'une clinique vétérinaire et d’une fédération du secteur, Bernard Gauthier dénonce cette pression de certains clients. Il nous lit quelques critiques émises de façon répétée sur les réseaux sociaux: "Honte à cette vétérinaire qui se prend pour Dieu", "Clinique hors de prix où on aime bien en pousser plus à la consommation".

Cette situation explique en partie le taux de suicide quatre fois plus élevé chez les vétérinaires que dans le reste de la population. "C'est clair que c'est une des causes. Une des causes qui fait que les vétérinaires se sentent mal dans leur profession", indique Bernard Gauthier.

Des euthanasiants à portée de main

Un autre élément explique ces passages à l’acte: la présence de produits médicaux spécifiques à proximité. Le président de l’Union professionnelle vétérinaire nous montre quelques-uns des médicaments qui se trouvent habituellement dans un cabinet. "Ce sont les euthanasiants qu'on utilise. Ce sont en général des barbituriques à très fortes doses. Ils sont là, ils sont disponibles, donc c'est très facile, entre guillemets, quand on a un moment de désespoir", nous dit-il.

Comme s'ils n'avaient pas le droit d'avoir des fragilités ou d'être en détresse

Venir en aide à celle et ceux qui pensent au suicide, c’est le quotidien de l’association de Florence Ringlet. Son constat: les vétérinaires qui sont confrontés par exemple à une surcharge de travail, à des problèmes financiers ou à la solitude peinent à demander un soutien. "Par rapport à ce qui est véhiculé par la population en général, c'est qu'ils ont un métier reconnu socialement. Donc ils ne se plaignent pas par rapport au fait de se sentir bien ou pas. Comme s'ils n'avaient pas le droit d'avoir des fragilités ou d'être en détresse à certains moments", explique la directrice thérapeutique de l'ASBL "Un pass dans l'impasse".

Travailler à plusieurs: une solution pour certains

"Manifestement, les vétérinaires s'épanouissent plus quand ils travaillent à plusieurs que quand ils travaillent seuls. Il y en a qui s'en sortent très bien seuls aussi, mais ceux qui disent s'en sortir le mieux sont ceux qui travaillent en groupe", indique Bernard Gauthier.

Travailler avec des confrères, c'est l’option choisie par Lucie Delaloye. Souvent sous pression, la jeune vétérinaire n’a pas pour autant l’intention de quitter la profession.

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