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Dons "insuffisants" et portes fermées au public: les refuges pour animaux wallons tirent la sonnette d'alarme

Les refuges pour animaux souffrent depuis le début de la crise du coronavirus en Belgique. Le 29 avril dernier, l'Union wallonne pour la protection animale (UWPA) a lancé un appel aux dons afin de les soutenir. Près de trois semaines plus tard, la somme récoltées est modique. Elle permet de remettre 200 euros à 27 refuges.

Si la crise perdure, 70% des refuges wallons ne pourraient, selon eux, plus tenir que quelques mois, avait communiqué l'Union wallonne pour la protection animale (UWPA) à la fin du mois d'avril. La sonnette d'alarme a été tirée car plus de 20% des associations chiffrent déjà leur perte financière à plus de 20.000 euros et 42% entre 3.000 et 20.000 euros. Suite aux mesures de confinement, le public ne s'est plus rendu dans les refuges, à l'exception des adoptants. Le problème: ces associations vivent exclusivement de dons, de l'accueil du public et d'évènements.

Les 27 refuges wallons, membres de l'UWPA, voient leurs finances être mises à mal car ils continuent à prendre soin des animaux en détresse et ne peuvent pas prétendre actuellement à une aide publique ou à des indemnités Covid.

Un appel aux dons a jusqu'à présent permis de récolter 200 euros pour chaque refuge. 

"C'est très généreux de la part des donateurs mais vu le nombre de refuges, ce n’est pas assez. C’est déjà compliqué pour les refuges de survivre. Quand on voit les frais vétérinaires qu’il y a tout le temps, c’est compliqué", souligne Sarah Bodart, coordinatrice à l'UWPA. "Les refuges sont contents de l’initiativen c’est une aide supplémentaire. Les petits refuges sortent un peu la tête de l’eau, mais clairement ce n’est pas suffisant. Les gens font moins de dons à cause de la crise. Des donateurs se retrouvent au chômage et veulent sans doute mettre de l’argent de côté plutôt que de donner au refuge."

Sans les bénévoles, on n’est juste pas grand-chose

Le secteur espère recevoir prochainement un "énorme bol d'air" avec une éventuelle réouverture des refuges au public et la programmation d'événements.

Depuis l'annonce du confinement le 18 mars dernier, les refuges sont passés par plusieurs étapes. Les associations pour animaux ont été dans un premier temps fermées au public. "Il n’y avait plus de bénévoles qui pouvaient se rendre au refuge alors que l’accueil du public et des bénévoles, c’est tout ce qui fait vivre les refuges. Sans bénévole, il n’y a presque rien qui se fait au niveau sanitaire, du nettoyage et des soins élémentaires apportés aux animaux. Sans eux, on n’est juste pas grand-chose", rappelle Sarah Bodart. "Grâce à notre intervention, on a réussi à obtenir une dérogation pour que les bénévoles puissent se déplacer et poursuivent leur mission qui est essentielle. Ensuite, le 22 avril, on a aussi obtenu la possibilité que le public puisse venir sur rendez-vous, selon les mesures de protection qui sont en vigueur."

Les demandes d'adoptions ont en moyenne doublé. En général, les refuges ne retenaient que 5% des demandes d’adoptions

Résultat: selon l'UWPA, de nombreux Belges ont pris la décision d'adopter. Pour maîtriser cette situation, un screening téléphonique a été mis en place afin de filtrer les demandes. Les refuges ont donc pris le temps d’échanger avec les adoptants potentiels pour comprendre leurs motivations. 

"Nos permanents recevaient les appels et à partir de là, il y avait toute une liste de questions pour être sûr que les gens voulaient bien adopter et qu’ils aient l’animal qui leur correspond. Le screening a très bien fonctionné car les gens qui venaient au refuge repartaient avec l’animal. C’était un point très important pour nous", a précisé Sarah Bodart. "Les demandes d'adoptions ont en moyenne doublé. En général, les refuges ne retenaient que 5% des demandes d’adoptions. C’est vraiment une petite quantité par rapport à toutes les demandes reçues."

Pas de vague d'abandons

Autre impact du coronavirus, le nombre d'abandon a augmenté mais il n'y a pas eu de vague similaire à celle qu'on peut observer lors des départs en vacances.

"On a eu très peur qu’il y ait une grosse vague, mais ça n’a pas eu lieu. On essaye de rassurer les gens un maximum en disant que les animaux ne transmettent pas le covid-19. Ce n’est pas une raison pour se séparer de son animal, à aucun moment. Certains refuges ont reçu des appels pour obtenir des clarifications par peur", indique la coordinatrice à l'UWPA.

La préoccupation actuelle est l'annulation de tous les événements généralement organisés par ces associations et la perte de revenus qu'elle engendre. "C’est une partie considérable. Les salons du bien-être animal, organisés dans les communes, ont tous été annulés. Les refuges, petits et grands, avaient des stands. Tout cela, ça génère des dons et un soutien qu’on n’a plus. Les journées portes ouvertes de printemps et d’été sont aussi tombées à l’eau. Par exemple, la Journée du Chien qui est organisée au Château d’Hélécine par l'ASBL 'Sans Collier'. Cette journée attire énormément de personnes (15.000 visiteurs en 2018). Tout cela provoque beaucoup moins de revenus."

La SPA La Louvière ne doit pas fermer ses portes, mais elle doit plus faire appel aux dons

Parmi les refuges frappés de plein fouet par le coronavirus, la SPA La Louvière s'en sort financièrement, mais il ne faudrait pas que la crise perdure souligne Gaëtan Sgualdino, président-directeur. L'homme de 35 ans, qui travaille pour une association qui accueille environ 1800 animaux par an, nous détaille les problèmes rencontrés depuis deux mois. Le premier et non des moindres, est une perte de 25.000 euros d'ici la fin de l'été.

Pas question pour autant d'envisager une fermeture du refuge à ce stade. "On ne doit pas fermer nos portes, mais on doit un peu plus faire appel à la générosité du public. Les refuges vivent grâce à eux. Il n’y a pas de subsides récurrents pour employer des gens (5 employés et 130 bénévoles à la SPA La Louvière) ou soigner des animaux. On ne reçoit pas d’aide pour payer les factures vétérinaires", souligne Gaëtan Sgualdino. "On reçoit parfois une aide du gouvernement de façon ponctuelle, qui nous permet d’acheter quelques cages, rénover ou investir, mais c’est devenu rare. Pendant le confinement, on a donc lancé une cagnotte pour recueillir un peu de moyens pour les différents refuges qui en ont besoin."

"Les 200 euros de dons ? C’est une bouffée d’oxygène et ça motive", confie-t-il. "On voit que les gens sont conscients de nos difficultés. On rencontre moins le public et c’est lors des événements, qu’on peut sensibiliser les gens et leur proposer de devenir parrains et marraines du refuge. C’est de l’aide sur le long terme en moins."

 On redoute une vague d’abandons après le déconfinement

La SPA La Louvière n'est par ailleurs pas pleine à craquer, mais son directeur ne se réjouit pas trop vite.

"Quand nous avons pu rouvrir nos portes aux adoptants, les gens qui avaient du temps, se sont dits c’est le moment d’adopter. Il y a eu pas mal d’adoptions dans les refuges. Certains se sont retrouvés sans animaux. Ce n’était pas notre cas. Mais on a placé la plupart des chiens et des chats qui étaient disponibles. C’était bien", explique-t-il. "Comme les gens ne bougeaient pas de chez eux, il y a eu aussi moins d’animaux perdus et moins d’abandons."

Gaëtan Sgualdino craint à présent les effets du déconfinement. 

"Nous avons un peu de trésorerie pour tenir, mais malgré tout, cela reste préoccupant car le comportement des gens change. On redoute une vague d’abandons après le déconfinement. Forcément, des gens ont adopté et acheté des animaux. Et si les placements en refuge se font de façon intelligente car on conseille et on ne donne les animaux aux premiers venus, il y a eu beaucoup d’achats peut-être compulsifs chez les vendeurs d’animaux et animaleries qui ont pu rester ouverts. On redoute qu’après le confinement les gens s’en séparent car ils ne parviendraient plus à gérer leurs animaux. C’est notre crainte dans les semaines qui viennent", insiste-t-il.

Ce 18 mai, les parcs animaliers intérieurs, comme les aquariums, delphinarium ou encore terrarium, ont été concernés par les nouvelles mesures de déconfinement. Considérés comme des infrastructures d'intérêt naturel, ils ont pu rouvrir leurs portes. De leur côté, les refuges pour animaux n'ont pas été cités, ce que regrettent ces associations. Un "message ouvert", a été adressé à la Ministre du Bien-être animal, Céline Tellier. 

"Aujourd’hui, les fermes pédagogiques et les zoos peuvent rouvrir pour leur intérêt naturel. On a un peu dur à l'avaler car ces entreprises qui exploitent des animaux peuvent reprendre leurs activités alors que les refuges, eux, restent confinés", fustige Gaëtan Sgualdino.

Les animaux voient moins leurs bénévoles et en souffrent aussi. Ils sont moins sortis, moins stimulés

Après avoir bouleversé ses habitudes, la SPA La Louvière espère pouvoir reprendre certaines activités pour renflouer les caisses et assurer le bien-être des animaux. 

"Ce qui a été dur au début, c’était l’incertitude dû à la fermeture et la distanciation sociale à mettre en place, notamment quand on promène les animaux… Les bénévoles ont par exemple reçu deux laisses personnelles qu’on leur a achetées. Il y a moins de personnel et de bénévoles présents au même moment. On limite le nombre à 5 personnes alors que parfois on était 25 sur une même journée. Les animaux souffrent aussi de la réorganisation du travail. Si on prend ces mesures pour assurer la sécurité des gens, derrière, les animaux voient moins leurs bénévoles et en souffrent aussi. Ils sont moins sortis, moins stimulés", détaille Gaëtan Sgualdino. 

A présent, il espère qu'un souhait sera exhaussé par les autorités fédérales: "pouvoir réorganiser des événements et permettre au refuge de pouvoir être autonome financièrement". 

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