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Désormais, Facebook vérifie certaines infos et vous prévient: la preuve avec cette accusation de violences policières à Charleroi

Comment le plus grand réseau social du monde, avec plus de 2,5 milliards d'utilisateurs à "gérer", s'y prend pour éviter la propagation de fausses informations ? On peut y répondre à partir d'un cas concret, une interpellation en partie musclée dans une rue de Marcinelle (Charleroi). Facebook a répondu à nos questions.

Tout est parti d'un message reçu via le bouton orange Alertez-nous. Joignant un lien avec une vidéo circulant sur Facebook, Coralie nous interpelle sur un ton accusateur: "On ne vous voit pas relayer ce genre d'images, pourquoi ?"

La vidéo en question, c'est celle-ci. On y voit une double interpellation de la police dans une rue de Charleroi. Celui qui la publie évoque des violences policières, et insère même le hashtag George Floyd (du nom de cet homme mort lors de son arrestation aux Etats-Unis). Il appelle à "partager et ne pas se laisser faire".

Cependant, en-dessous de son message, Facebook ajoute un encadré explicite (en orange ci-dessous): "Ces informations sont partiellement fausses. Elles ont été vérifiées par des fact-checkers indépendants. Découvrez pourquoi".

Quelle est cette histoire, et comment Facebook s'y prend pour vérifier ce genre de contenus ?

Une interpellation suite à des menaces

Celui qui a publié la vidéo a sans doute voulu faire une comparaison avec l'arrestation très musclée d'une personne en France (voir les détails), évoquant une interpellation suite à l'absence de masque en rue. "Faire ça à un enfant de 14 ans pour un pu**** de masque !", précise l'auteur de la publication. 

Il n'en est rien, visiblement, selon des informations de la police et du parquet de Charleroi obtenues par dpa (voir plus bas de qui il s'agit). En résumé: la police est intervenue car un couple habitant dans une rue à Marcinelle l'a appelée le samedi 12 décembre, évoquant des menaces de mort (via une messagerie instantanée d'abord, puis en rôdant devant leur maison) en provenance de deux frères, qui sont donc les deux personnes interpellées par la police sur la vidéo.

Refus d'obtempérer, port d'arme (deux couteaux) et non port du masque: la police doit faire l'usage de la force, comme prévu dans ses procédures (selon le parquet), pour interpeller les deux personnes et les emmener au commissariat, où elles ont été entendues par rapport aux menaces proférées envers le couple, mais aussi pour outrage à agent. Elles ont été relâchées dans la foulée.

Facebook avertit les personnes qui voient ce message ou tentent de partager le post qu'il a été désigné comme incorrect

Comment Facebook s'y prend pour vérifier une telle vidéo, une telle accusation ?

Nous avons demandé au plus grand réseau social au monde (environ 2,5 milliards d'utilisateurs) comment il s'y prenait concrètement pour lutter contre la propagation de fausses informations. Des annonces avaient été faites il y a quelques mois, mais c'est l'une des premières fois que nous observons une telle mise en garde. Elle est donc le résultat d'une démarche entamée après l'affaire Cambridge Analytica, qui avait manipulé l'opinion publique via Facebook notamment, afin d'aider Donald Trump à gagner les élections. 

"Depuis le mois d'avril, Facebook collabore en Belgique avec la Deutsche Presse-Agentur (dpa, la principale agence de presse en langue allemande, qui a écrit la fiche citée plus haut). Depuis mai, Knack (le pendant flamand de l'hebdomadaire Le Vif) fait du fact-checking en néerlandais et depuis juillet, Facebook collabore aussi avec l'AFP (Agence France Presse) pour la vérification des faits. Évidemment, nous collaborons toujours avec les journalistes belges de toutes ces organisations (dpa, AFP et Knack)", nous a confié l'agence de communication belge qui sert d'intermédiaire.

"Toutes ces vérificateurs de faits indépendants sont certifiés par le réseau impartial International Fact-Checking Network (voir les principaux membres ici). Facebook coopère dans le monde entier avec des vérificateurs de faits indépendants pour évaluer l'exactitude du contenu de la plateforme et pour lutter contre les contenus incorrects et manipulés". On constate qu'il n'y a pas de membres issus directement des grands médias belges francophones. Il faut effectivement postuler pour devenir membre de ce réseau, afin de participer à la vérification des informations.

Dans les faits, comment ça marche ? Facebook explique la procédure en détails sur cette page. En résumé: soit le réseau social identifie lui-même la "désinformation potentielle" via "divers signaux" (aucun détail ne sera donné pour ne pas aider les personnes mal intentionnées) ; soit "nos partenaires de vérification (ceux cités plus haut) identifient eux-mêmes des contenus de façon proactive".

Et la suite ? "

- Lorsqu'un contrôleur des faits (fact-checker) évalue qu'un contenu est incorrect, Facebook montre le post plus bas dans le fil d’actualité. Par conséquent, moins de personnes voient ce contenu et Facebook empêche sa diffusion à grande échelle.

- Les pages et les domaines internet qui partagent de manière répétée des nouvelles incorrectes verront également leur diffusion diminuer.

- En outre, leur capacité à gagner de l'argent et à faire de la publicité sera supprimée

- Lorsqu'un message est marqué comme incorrect, Facebook avertit les personnes qui voient ce message ou tentent de partager le post qu'il a été désigné comme incorrect, comme vous l’avez remarqué ce matin"

Notez donc que Facebook ne supprime pas une vidéo comme celle qui nous intéresse ici, ce qu'elle fait dans d'autres cas: "Facebook supprime les comptes et les contenus qui mettent en danger de manière physique et imminente les personnes (comme la fausse information sur l’eau de javel)". 

Dans la fiche du fact-check concernant l'interpellation à Charleroi, on constate que dpa a appelé la police et le parquet de Charleroi, qu'il y des liens vers la vidéo originale et vers un article de nos confrères de la Dernière-Heure. L'agence dpa ne se prononce pas sur le comportement des policiers, mais rectifie la publication sous la vidéo Facebook en concluant que "les jeunes Carolorégiens arrêtés en rue par la police n’ont pas été interpellés à cause du non-port du masque":

A noter que Facebook (comme Google et bien d'autres) soutient financièrement l'Institut Poynter, rattaché à une université en Floride, et dont l'International Fact-Checking Networkest une unité.

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