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Nous ne savons pas écouter nos enfants ? Notre façon d'être les inspire-t-il ? Un psychothérapeute donne des conseils aux parents

Thomas D'Ansembourg était l'invité d'Olivier Schoonejans ce mercredi sur le plateau du RTL INFO avec vous. Le psychothérapeute, formateur conférencier et spécialiste de la communication non-violente s'intéresse à ce que l'on transmet à nos enfants. Il est venu présenter son nouveau livre intitulé "Notre façon d'être adulte fait-elle sens pour les jeunes?"

En d'autres termes, ce que l'on montre à nos enfants, notre façon d'être et d'être avec eux les inspirent-ils ?

"C’est la question que je pose tout au long du livre. Est-ce qu’en nous voyant vivre notre vie d’adulte, nos choix, nos deuils, nos changements de vie, nos remises en question, nos enthousiasmes et aussi nos peines, est-ce qu’ils nous prennent comme modèles ou bien ils se disent que nous sommes fous, que nous avons des valeurs qu’ils ne vivent pas, qu’ils ont des rythmes qu’ils n’ont pas choisis et je n’ai donc pas envie de devenir adulte, je reste un adulescent ou un adolescent à vie."


 
Vous dites notamment: "On ne sait pas écouter nos enfants". Cela m’a un peu remué en préparant cette interview car j'ai trois enfants de 10, 13 et 15 ans. Je me suis dit que moi je les écoute. Et puis, j’ai lu dans votre livre que face à un enfant qui se dit découragé, qui dit qu’il n’y a pas d’avenir et qu’il ne sait pas quoi faire de sa vie, vous donnez plusieurs réponses. Le parent qui dit "Mais non, ce n’est pas si grave" ou "Mais non tu vois des problèmes où il y en a pas". On cherche une réponse mais ce n’est pas ça que l’enfant a besoin ?

"Non, écouter, c’est la fermer pour être avec l’autre. C’est vraiment difficile tellement nous avons une compulsion d’intervention qui est bien attentionnée mais qui est très maladroite. Beaucoup d’enfants souffrent qu’ils ne sont pas écoutés. Je donne plusieurs exemples dans mon livre parce que les parents croyant bien faire donnent des conseils, cherchent des solutions et prennent cela pour de l’écoute. Et je rappelle que écouter c’est se taire et laisser l’autre aller au bout de ce qu’i a à dire, même si ce qu’il a à dire est inconfortable ou que l’on n’est pas forcément d’accord."

Est-ce qu’en tant que parent, on n’a pas envie de se dire que moi il y a des choses que j’ai vécues et je peux quand même t’apporter des choses ?

"Si vous donnez des conseils à quelqu’un qui ne vous l’a pas demandé, vous lui donnez un poisson et le lendemain il meurt de faim. Si vous l’écoutez, vous l’apprenez à sonder en lui, à trouver ses ressources et le lendemain il est autonome pour paraphraser la jolie formule que tout le monde connait j’espère."

Vous prenez un autre exemple assez dur mais que tous les parents ont vécu. Une maman qui dit à son enfant de se dépêcher, de ranger sa chambre, de brosser ses dents, etc. Quand vous les recevez, l’enfant dit à sa mère : "Maman, je ne m’appelle pas dépêche-toi. Tu ne m’as pas mis au monde pour que je fasse mes devoirs ce n’était pas l’objectif". On s’est tous vu houspiller ses enfants. Comment faire pour sortir des contraintes ?

"C’est cinglant comme nous sommes piégés dans les choses à faire en en oubliant d’être. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de choses à faire, bien sûr. Mais en même temps c’est d’abord la qualité d’être qui prime. Dans mon travail d’accompagnement depuis 25 ans, je vois que quand on privilégie d’abord le lien et le résultat ensuite, tout change. Alors que dans nos cultures, c’est d’abord le résultat, range ta chambre, fais tes devoirs, etc. et puis le lien ensuite s’il reste du temps. Et cela génère beaucoup de conflits. Nous avons en nous un pouvoir de nous transformer qui est aussi considérable qu’ignoré simplement en apprenant davantage à être ensemble. Et je crois que le confinement est une clé pour être une sorte de laboratoire du être ensemble, apprendre à être ensemble."


Vous parlez aussi de la punition. Vous dites sanction oui, punition non. Que voulez-vous dire précisément ?

"Cela date de mon expérience d’avocat, j’ai été avocat avant de devenir psychothérapeute. Punir quelqu’un qui cherche du sens dans sa vie, souvent est rebelle, ne s’est pas senti aimé, manque d’appartenance,… Je me suis par exemple occupé de jeunes délinquants qui lancent des pavés dans les vitrines, en les mettant en prison et en les enfermant. Ce n’est pas ça qui va l’aider à ses sentir aimé, respecté et ayant sa place dans la vie. Il y a un besoin de sanctionner en disant que ce que tu as fait enfreint des lois qui sont nécessaires au vivre ensemble et en même temps on va voir comment toi tu peux apprendre à te sentir intégrer, à te sentir en appartenance et à trouver du sens dans ta vie. L’enjeu du sens est absolument fondamental et il manque dans nos éducations. On apprend à l’école à lire, écrire et calculer mais pas qu’est-ce qui fait sens pour moi, qu’est-ce qui me rend joyeux et en quoi j’ai envie de m’engager dans le processus vivant."

Il y a aussi une remise en question du système éducatif tel qu’il est. Vous y croyez quand même en ces jeunes ? Il leur faut quoi pour réussir là où parfois leurs parents n’ont pas réussi à tout leur donner malgré tout l’amour qu’ils ont pour eux ?

"Bien sûr, j’y crois de plus en plus. J’accompagne notamment de jeunes entrepreneurs sociaux qui ont entre 25 ans 40 ans aujourd’hui et qui créent des nouveaux business équitables, de transition, respectueux de la nature. Et ils ont appris en collectivité, en collégialité. Ils mettent au monde le meilleur d’eux-mêmes parce qu’ils apprennent à se connaître et je les aide notamment à donner des outils de connaissance de soi et de relations humaines. Je vois que ces jeunes sont très conscients qu’une vie sans sens cela n’a pas de sens. Et donc qu’on a besoin de trouver ce qui nous anime, qu’est-ce qui est le fil rouge dans notre vie."

Et que conseillez-vous aux parents ? De la bienveillance ?

"Oui bien sûr de la bienveillance pour eux-mêmes. La première part d’humanité qui a besoin d’attention, de bienveillance dans cette période extrêmement troublée c’est nous-mêmes. Rester en paix avec soi, cela s’apprend, ce n’est pas facile, cela ne tombe pas du ciel. C’est une discipline. Nettoyer ses blessures, sortir de la culpabilité pour pouvoir être dans une bienveillance. Plus je comprends l’humain en moi, plus je comprends l’humain devant moi."

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