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Omar, refugié syrien à Bruxelles depuis 2 ans: "Je ne ressens pas du tout de racisme"

OMAR| 20 ANS | BRUXELLES | ARRIVÉ LE 18 JUIN 2015 | Témoignage anonyme

Omar (prénom d'emprunt car il souhaite garder l'anonymat) provient de Lattaquié en Syrie. Lorsqu’il a atteint ses 18 ans, il a été appelé à l’armée. Mais dans cette guerre, il ne voulait pas choisir un camp et il a fui. Aujourd’hui, le jeune homme vit à Bruxelles, près de ses frères, mais loin de ses parents qui sont restés en Syrie. Comme d’autres, il apprend le français dans le but de suivre une formation puis de travailler, peut-être dans la musique ou la photographie.

Pourquoi as-tu quitté la Syrie ?

J’étais en classe de première lorsque le proviseur de mon école m’a demandé de rejoindre une manifestation de soutien à Bachar El-assad. Je ne voulais pas. J’ai cessé d'aller à l’école et j’ai seulement continué un job que j'avais dans un magasin de chaussures. Un peu plus tard, à mes 18 ans, j’ai été appelé à l’armée.

A leur majorité, tous les garçons doivent accomplir leur service militaire, sauf s’ils sont fils uniques. J’aurais fait l’armée s’il n’y avait pas la guerre mais je ne voulais pas combattre mon propre peuple. Je ne voulais pas prendre position. Je ne suis d’accord avec aucune des parties. C’est à ce moment que j’ai décidé de m'en aller.

Je suis resté en Turquie pendant 4 mois avant de rejoindre la Grèce et enfin la Belgique. Le trajet a duré 25 jours.

Oui j’ai abouti à la Gare du Midi, où mon frère, qui a 23 ans et que je n’avais pas vu depuis un an et demi, est venu me chercher avant de m’emmener directement chez ma tante qui habite à Vilvorde depuis 16 ans avec son mari. Quelques jours après je suis retourné à Bruxelles pour aller au commissariat et me déclarer.



Tu te souviens de ton premier jour ?

J’étais très fatigué lorsque. C’était le premier jour du ramadan. Je voyais à travers mon frère tellement j’étais épuisé après 25 jours de voyage où on avait dormi dans les rues. J’ai dormi deux jours de suite.


Qu’espérais-tu en venant ici ?

Avoir une meilleure vie. J’espère ça pour tout le monde. Les gens sont très fatigués (pleurs)


Où est ta famille ?

J'ai deux frères ici, un plus âgé et un plus jeune. Mes parents et ma sœur sont toujours à Lattaquié.


Et qu’advient-il de tes amis qui sont restés là-bas?

La plupart sont fils uniques, donc ils ne vont pas à l’armée. J’ai 3 ou 4 amis qui ont été dispensés et qui étudient. Par contre lorsqu’ils auront fini leurs études, ils devront y aller à cause de la guerre. Avant, on pouvait directement travailler après les études.


Que fais-tu actuellement ?

J’apprends le français à Uccle.


Tu comptes apprendre le néerlandais plus tard ?

Les réfugiés dans les centres en Flandre sont obligés d’apprendre le néerlandais pendant le cours d’intégration, il faut atteindre au moins deux niveaux dans la langue pour obtenir le certificat d’intégration.


Ça se passe comment pour toi à Bruxelles ?

Je n’aime pas sortir de Bruxelles, c’est si vivant ici. Il y a les sorties avec les amis. Ma tante me demande régulièrement de venir chez elle à Vilvorde. J’y vais souvent, mais je préfère rester sur Bruxelles.

Quand j’étais parti au commissariat on m’a mis dans un centre de demandeurs d’asile à Bruxelles pour un mois, puis on m’a déplacé dans un autre centre en Flandre. Je devais rester là-bas, mais je n’aimais pas ce lieu. L’assistante me disait que je ne pouvais pas aller à Bruxelles malgré que j’avais de la famille là-bas, donc je partais sans qu’on me voie (rires). Normalement, devais rester soit dans le centre soit aux alentours. Mon assistante au centre m’a appelé un matin pour me dire qu’elle voulait me voir alors que je dormais à Bruxelles, je lui ai dit que j’étais très malade et que je serais chez elle dans deux heures...

Après 3 mois, j’ai obtenu un permis de séjour de 5 ans et j’ai trouvé un appartement sur Bruxelles avec l’aide de ma famille.


Tu reçois une allocation ?

Oui, 865 euros/mois du CPAS.



Quels sont les différences négatives ou positives entre ici et la Syrie?

À Lattaquié, on a la Méditerranée, on dit même qu’on est né dans la mer. J’aime déambuler dans des endroits où il y a la mer, y traîner jusqu’à en avoir marre.

J’ai été confronté à un incident: je suis monté sur une moto stationné en rue pour prendre une photo et la mettre snapchat, mais l’alarme s’est déclenchée et la police a cru que je voulais la voler alors que je prenais seulement des images. On m’a embarqué pour quelques heures. Quand ils ont voulu vérifier mon histoire et voir la photo, elle avait disparue puisque c’était sur snapchat (NDLR: une application de partage d'images entre amis mais qui ne garde les photos ou vidéos publiées que 24 heures). C’est la seule chose négative que j’ai vécue en Belgique.


Que penses-tu des Belges qui estiment qu'il faudrait d'abord aider les pauvres dans le pays avant d’aider les réfugiés comme toi ?

On ne peut pas juger. Chacun a ses points de vue. Certains Belges, s’ils meurent, donneront leur héritage à des associations. J’ai vu que les maghrébins font des donations à la Syrie. Il y a aussi des Belges qui ont aidé la Syrie,


Sens-tu de la discrimination ?

Je ne ressens pas du tout de racisme. Il y a des personnes qui sympathisent avec nous car on est syriens. Il y a des personnes qui abandonnent ce qu’elles étaient en train de faire pour te montrer le chemin si tu demandes de l’aide.


Conserves-tu des contacts en Syrie ?

Il y a de nombreuses histoires de meurtre dans des maisons. Un garçon de 13 ans a été tué il n’y a pas longtemps. Hier aussi, une fille de 4 ans et son père ont été tués chez eux, près de chez mes parents.

Mes parents sont en danger à tout moment, il n y a pas du tout de sécurité. Je suis régulièrement en contact avec eux.


Tes parents veulent-ils aussi partir ?

Mon frère est plus jeune que moi et n’a pas 18 ans. Par conséquent, il a le droit de demander un regroupement familial et essaie d'ailleurs de le faire. Nos parents veulent s'en aller car leurs conditions de vie sont catastrophiques. C’est vrai qu’on n’a pas de combats ou de bombardements à Lattaquié, mais on a des meurtres, des vols, pas d’électricité, le coût de la vie très élevé,... Les gens sont fatigués, ils veulent partir.


Quelle est la chose à laquelle tu penses souvent ?

Je dois finir d’apprendre la langue ici et faire une formation dans quelque chose, puis aider les gens. C’est vrai que c’est moi qui reçois des aides, mais si je peux aider, je vais le faire.


Penses-tu retourner vivre en Syrie si la guerre se termine ?

Non. Je me suis habitué au système ici. En Syrie, tu obtiens un poste si tu fais partie du régime. Ici, s’il y a une file pour obtenir un poste, personne ne pourra passer devant l'autre. Les citoyens sont à égalité, ils ont les mêmes droits. En Syrie tu dois bénéficier d'un réseau de contacts.

J’ai eu une prise de conscience sur la réalité de la situation en Syrie quand j’avais 17 ans. J’attendais mon ami pour aller voir un match de foot entre le Real Madrid et Barcelone. Sa mère est venue me voir, pour me dire que Mohammad avait été emmené par les services de sécurité. C’était en octobre 2014. On a appris il y a quelques mois qu’il avait été tué en prison…

La Syrie est belle mais même si Bachar el-Assad n’est plus là, ça va rester le chaos car le peuple s’est habitué à ça, et presque tout le monde a porté des armes dans le pays.


Qu’espères-tu accomplir en Belgique ?

Grandir, agir pour que les peuples arabes fassent preuve de plus de compassion et de solidarité les uns envers les autres. Ma priorité pour l’instant est de bien parler le français. C’est une langue très difficile. Ensuite, faire des études. J’aime énormément la musique et la photographie. Si je vois que je peux espérer un bon salaire je continuerai, sinon je changerai de domaine.

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