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Que faire de nos vieux vêtements usés, troués, ou tachés? Voici comment ils sont recyclés ou transformés dans notre pays

Que faire de nos vêtements trop usés, troués ou tachés ? Recyclage, upcycling, ou incinération… : tout dépend de la composition du textile et de l’état global de l’habit. Peuvent-ils être déposés dans les bulles de collecte ? Ou doivent-ils être déposés dans un endroit spécifique ? On vous aide à y voir plus clair.

"Que devons-nous faire de nos vêtements usés ou troués ? Ne peuvent-ils pas être recyclés comme tissus ?", s’interroge Kerby via le bouton orange Alertez-nous. En réalité, c’est possible, mais tout dépend des matériaux utilisés. "Je cherche sur Internet, mais en vain, ils doivent donc aller à la poubelle ?", nous demande-t-elle.

En effet, s’il est très facile de faire don de ses vêtements en bon état aux associations, qui peuvent être déposés directement dans les bulles de collecte, il est plus compliqué de savoir où donner nos vieux vêtements abîmes, qui peuvent être tachés ou troués. En Belgique, 170.000 tonnes de textiles sont jetées chaque année, soit l'équivalent du poids de 4.000 camions, d'après les chiffres de Labfresh. En Europe, les Belges sont même les numéros 1 du gaspillage de textile. 

Afin d’y voir plus clair, nous nous sommes rendu dans l’un des plus gros centres de tri de Wallonie, qui depuis 70 ans collecte et recycle les vêtements. Jusqu’à 2.000 kg par jour ! Nous avons aussi rencontré Sophie qui a eu l’idée de revaloriser les vêtements troués ou abîmes pour les transformer en de nouveaux produits via son asbl, une technique que l’on appelle l’upcycling.

Pourquoi c’est si compliqué de recycler un vêtement ?

Mais avant, une petite explication s’impose : pourquoi les vêtements sont difficilement recyclables ? Voire transformables en de nouveaux tissus ? Claudia Van Innis, porte-parole des Petits Riens, nous éclaire : "On remarque clairement une dégradation du textile depuis quelques années. Il y a de plus en plus de matières avec des fibres compliquées, principalement synthétiques".

Chose que confirme Stany Vaes, directeur de Denuo, la fédération belge du recyclage et de la gestion des déchets : "La plus grande complexité, c’est la composition des vêtements qui a changé. Il y a énormément de type de fibres, et des fibres mélangées où plusieurs matériaux sont mis ensemble. Et c’est très compliqué à séparer", avoue-t-il.

Le polyester, le polyamide (plus connu sous le terme de Nylon), le polyuréthane (aussi appelé Lycra) ou encore l’acrylique sont toutes des fibres synthétiques issues d’un procédé chimique à base de pétrole. D’autres en sont des dérivés comme l’élasthanne ou le spandex, issues du polyuréthane. Pas moins de 70% des fibres synthétiques produites dans le monde proviendraient du pétrole. Et c'est très compliqué à recycler. 

"Ça, c’est l’exemple parfait. On a un t-shirt synthétique, avec des trous, donc il est impossible à vendre aux recycleurs parce que c’est impossible à recycler, c’est du synthétique à 100%. Donc, malheureusement, ça va devoir partir à la poubelle. Et c’est le pire qui puisse arriver", nous explique Claudia Van Innis. Environ 20% des habits collectés par "Les Petits Riens" doivent partir à la poubelle. "C’est considérable", lance-t-elle.

De nos jours, il n’existe pas encore de technologie suffisamment stable pour récupérer la fibre synthétique ou les fibres mélangées d’un vêtement synthétique afin d’en confectionner un nouveau, mais ce serait à l’essai grâce à des projets innovants, d’après le directeur général de Denuo.

Par contre, si votre habit est en coton ou en matière dite "pure", "c’est assez simple, il y a des filières qui existent", précise Claudia Van Innis. Par contre, pour le reste, c’est très compliqué. Un conseil, donc, fuyez si, quand vous regardez les étiquettes, "il y a plusieurs lignes de mélanges de tissus". Ça veut dire que ce sont "des fibres presque impossibles à recycler", ajoute-t-elle. Pour elle, "c’est toute notre manière de consommer qu’il faut revoir. Lors de l’achat, il faut penser à la durée de vie du vêtement et faire en sorte qu’il vive le plus longtemps possible".

L'industrie textile représente de 8 à 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Que ce soit en termes de consommation d’eau, de pesticides, ou d’émissions de CO2, c’est surtout l’obtention des principales matières premières qui composent nos vêtements qui est polluante.

L’upcycling, c’est quoi ?

L’upcycling, vous en avez sûrement déjà entendu parler, est en plein boom. Et pour cause, cette technique permet de revaloriser des vêtements trop abîmés (troués, tachés…) en de nouveaux produits. À Ixelles, l’asbl R-Use Fabrik collecte les vieux habits depuis 2 ans afin de les transformer en de nouveaux accessoires. Ici, on réutilise tout jusqu’à la dernière miette. Tout se transforme, rien ne se perd : "On essaie de rentabiliser un maximum de tissu, même les plus petits bouts", nous explique Sophie Remy, co-fondatrice de l’asbl. 

1ère étape : repérer les trous et découper. Sophie commence par découper la jambe à l’aide de ciseaux puis sectionne dans la longueur. "S’il y a des taches ou si c’est trop délavé, on les retire. Et quand on a des bouts qu’on peut utiliser, on va les couper en rectangle pour pouvoir les utiliser en patchwork", explique-t-elle.

2e étape : assembler les bouts de jeans en patchwork à l'aide d'une machine à coudre. "Une fois qu’on a coupé les bouts de jeans, on va ensuite les assembler pour faire un patchwork de jeans qu’on va utiliser pour faire un nouveau produit".

3e étape : confectionner un nouveau produit. "L’idée, c’est d’utiliser un maximum de chutes de jeans, donc on fait des tabliers, mais on fait aussi des pochettes, des maniques pour le four, ou encore des pochettes porte-couverts pour les lunchs ou pique-nique. On essaie vraiment d’utiliser absolument toutes les chutes pour ne pas avoir de déchets textiles".

L’asbl propose aussi des séances d’initiation à l’upcycling et des cours de couture. Mathilde, co-fondatrice de l’asbl, explique qu’il y a un réel engouement pour la pratique : "Les gens sont très réceptifs, car souvent, ça les dérange de jeter leurs vieux vêtements. Et tous les accessoires qu’on produit ici sont en vente sur notre e-shop". 

Derrière la création de l’asbl, il y a un objectif : "L’idée, c’est vraiment de montrer aux gens qu’avec un vieux vêtement, on sait encore faire plein de choses, plutôt que de le jeter à la poubelle", poursuit-elle.

"On sait tout réutiliser, des bâches, des vieux vêtements, des tissus de récup… Dernièrement on a même fait un tuto avec des filets d’oignons et de mandarines. Ou encore, une vieille tente grâce à laquelle on a confectionné des sacs de piscine. On a aussi des cordes qu’on a récupérées sur des sacs et qu’on va justement utiliser sur nos sacs de piscine. Des vieilles chemises aussi, pour en faire des accessoires et des jupes", détaille-t-elle.

"L’upcycling est très différent du recyclage où, là, il y a généralement une intervention industrielle pour faire un produit qui aura une valeur égale ou inférieure", termine la co-fondatrice.

Comment recycle-t-on un vêtement ?

Chaque année en Belgique, 10 kg de vêtements sont jetés par habitant. Mais grâce aux bulles de collecte, 85% des textiles sont revalorisés. Certains partent dans les boutiques de seconde main dans notre pays, une grosse part est exportée à l’international via des ONG partenaires, et 28% sont recyclés. Voici comment ça fonctionne.

En Wallonie et à Bruxelles, l’asbl Terre détient deux centres de tri, un à Herstal et l’autre à Charleroi. Depuis 70 ans, Terre collecte des vêtements grâce aux bulles disponibles dans les différentes communes du pays. Mais savez-vous ce qu’il se passe une fois votre sac d’habits déposé dans la benne ? Jean-Baptiste Verjans, administrateur de l’asbl, nous fait visiter.  

1e étape : les camions récupèrent ce qu’il y a dans les bulles de collecte et les emmènent dans l’un des deux centres de tri de l’asbl. Tout arrive dans cette imposante benne bleue avant d’être trié par les travailleurs sur place. À Herstal, 35 tonnes de vêtements sont triées chaque jour par une cinquantaine de travailleurs, nous explique l’administrateur de l’asbl.


2e étape : la phase de tri, qui elle aussi se segmente en plusieurs parties. "On va premièrement séparer tout ce qui n’est pas du textile, donc enlever les déchets, les jouets, et tout ce qui est brocante. À la fin, il ne restera que les vêtements, qui devront à leur tour être triés", poursuit-il. Au total, 16% de déchets sont collectés dans les bulles de l’asbl Terre.

3e étape : le tri des vêtements. "C’est dans cette pièce qu’on trie les vêtements afin de choisir la meilleure destination possible : est-ce qu’on va les réutiliser au niveau local, les envoyer par exemple en Afrique, ou est-ce que ça va être du recyclage parce que les vêtements sont trop abîmés ? Chaque opérateur va regarder tous les vêtements, regarder les défauts, les qualités, et les mettre dans la bonne destination", ajoute Jean-Baptiste Verjans.

Chaque jour, 1.500 à 2.000 kg de vêtements sont triés par personne. Sandrine, 44 ans, travaille depuis 4 ans dans le centre de tri d’Herstal. Elle explique ce qu’elle y fait : "Tout ce qui est sans trou, sans tâche et à la mode, ce qu’on appelle chez nous, ‘la crème’, c’est la 1ère qualité et c’est ce qui ira dans nos boutiques. Ensuite, tout ce qui reste, qui est de moins bonne qualité, mais toujours en bon état, on va le re-trier par catégories". Au total, il y a 150 catégories différentes : robes, pantalons, t-shirt… Mais aussi des catégories plus spécifiques : laine, coton, etc.

4e étape : revérifier tous les vêtements à destination des boutiques. "C’est la partie finale du travail, tous les vêtements à destination des boutiques belges sont revérifiés un à un : pas de trou, pas de tâche, ça part", continue Jean-Baptiste Verjans.

5e étape : les sacs sont prêts pour être revendus en boutique.

6e étape : regrouper les vêtements trop abîmés dans une pièce. "Ici, on regroupe tous les vêtements qui sont trop abîmés pour être réutilisés". Au total, l’asbl Terre trie chaque année 26.000 tonnes de vêtements usés sur ses deux sites.


7e étape : fabriquer les chiffons d’essuyage à partir de t-shirts ou chemises en coton trop usés (légèrement troués, tâchés, cols jaunis...). "Vous voyez, c’est tous des t-shirts dont le coton est trop abîmé, y a des tâches… On va les découper et en faire des chiffons pour les garages ou les entreprises de nettoyage. Comme ça, la matière qui n’a pas pu être utilisée en tant que vêtement va être utilisée grâce à son pouvoir nettoyant et ça évite de devoir les incinérer", se réjouit l’administrateur de l’asbl.

8e étape : le recyclage des vieux pulls (pelucheux, feutré, attaque de mites…) ou des jeans. "Ici, on a le recyclage des pulls, c’est une matière qui va être utilisée par l’industrie automobile notamment pour faire l’isolation thermique ou des couvertures de déménagement. Quand le vêtement n’est plus réutilisable, on va l’utiliser comme matière première", insiste-t-il.

L’incinération est donc le dernier recours quand le vêtement est vraiment trop abîmé, presque souillé, et si les composants sont de moindres qualités, à savoir synthétiques. Mais même lorsque nos habits trop usés sont incinérés, on s’en sert pour faire de la revalorisation énergétique et produire de l’électricité, explique Jean-Baptiste Verjans.

Où peut-on déposer nos vieux vêtements abîmés (troués, déchirés, tâchés, etc.) ?

En Wallonie :

  • Dans les magasins JBC, directement dans les bulles de collecte. JBC a un partenariat avec Wolkat, une entreprise néerlandaise, qui revalorise les vêtements collectés en créant de nouveaux produits. Rendez-vous dans le magasin JBC de votre région ;
  • Dans les bulles de l’asbl Terre : déposer principalement du coton, des jeans, des pulls (ils peuvent être tachés, par exemple, un col jauni, mais pas souillé, par exemple des grosses taches de peinture). Rendez-vous dans l'un des 2.500 points de collecte ; 
  • Dans les bennes de Curitas, parmi leurs 2.000 points de collecte

À Bruxelles :

  • Au magasin Yuman : partenariat avec plusieurs entreprises d’upcycling qui revalorisent les vêtements en de nouveaux habits, accessoires ou objets. Vous pouvez y déposer vos vieux jeans, vos chaussettes (qu'elles soient trouées ou dépareillées), vos parapluies (cassés ou bon état), vos chemises, vos essuies, etc. Rendez-vous sur leur site web pour découvrir les partenaires, et aussi d'autres lieux où vous pouvez déposer vos vieux vêtements, mais aussi vieux objets ;
  • R-Use Fabrikasbl upcycling, point de collecte : rue du Relais, 21 à Ixelles. L’asbl récupère les vieux vêtements abîmés suivants : chemises, pulls en laine, jeans et pantalons, chaussettes orphelines et trouées, polars, vêtements de pluie (type K-way), porte-badges 'tour du cou', parapluies, Housse de couette, essuies de bain abîmés. Les habits doivent être lavés. 
  • Bulles de l’asbl Terre : déposer principalement du coton, des jeans, des pulls (ils peuvent être tachés par exemple un col jauni, mais pas souillé, par exemple des grosses taches de peinture). Rendez-vous dans l'un des 2.500 points de collecte ; 
  • Les Petits Riens : des habits non souillés, en coton de préférence, jeans, ou matières "pures" pour pouvoir les recycler. Une chose à garder en tête : lorsqu’on donne des vêtements aux Petits Riens, c’est essentiel de donner des habits en bon état, le plus possible, insiste la porte-parole.

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