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Pourquoi les parquets communiquent peu sur les agressions sexuelles et les violences conjugales? Denis Goeman explique

La journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes se tiendra le 25 novembre. A cette occasion, Denis Goeman, porte-parole du parquet de Bruxelles, a tenu à expliquer le peu de communication sur les viols, les agressions sexuelles et les violences intraconjugales au niveau des faits divers qui sont transmis quotidiennement aux médias.

Deux exceptions récemment

De manière générale, le secret de l'information et de l'instruction judiciaires prévaut pour les besoins de l'enquête, mais des communications restreintes sont habituellement réalisées, avec l'aval du juge d'instruction, dans l'intérêt général, précise Denis Goeman. Des restrictions s'appliquent cependant en matière de mœurs et pour les mineurs.

Le parquet de Bruxelles a récemment communiqué sur deux affaires de viols (le faux taxi autour de l'Université libre de Bruxelles (ULB) et deux viols qui auraient été commis lors d'une fête le week-end dernier), mais uniquement une fois ceux-ci révélés respectivement sur les réseaux sociaux et par voie de presse.

Protéger l'identité de la victime

Hormis s'il faut alerter le public d'un risque en respect du principe de précaution, Denis Goeman rappelle l'article 378 bis du code pénal selon lequel toutes les publications de nature à révéler l'identité de la victime d'une infraction de mœurs sont interdites, sauf si cette dernière a donné son accord écrit ou si le procureur du roi chargé de l'instruction estime cela nécessaire.

Une circulaire du Collège des procureurs généraux prévoit une interprétation large de cet article, en déconseillant par exemple de donner les initiales et l'adresse.

Taire les faits de violence sexuelle sur des femmes majeures apparaît dès lors non pas comme l'application directe d'une disposition légale, mais comme une pratique qui consiste à élargir à l'extrême le devoir de protection de l'identité de la victime. Il n'y a pas de visée puritaine ou paternaliste dans cette pratique, selon Denis Goeman. "Il y a aussi une responsabilité journalistique. Pour l'affaire de l'ULB, la tête du violeur s'est retrouvée de manière reconnaissable à la Une de plusieurs quotidiens. Si on commence à donner des informations sur la victime - ses initiales, son âge, la rue, etc. - certains journalistes vont creuser et aller sonner dans le quartier pour essayer de la trouver. Cela peut causer un double traumatisme. (...) Nous agissons donc aussi de manière prudente compte tenu du traitement de certains médias qui vont divulguer des informations qui mettent en péril le principe de protection des victimes", ajoute-t-il.

Si on est trop proactif, cela peut causer plus de torts que de bien

Denis Goeman justifie sa retenue par des traitements journalistiques jouant sur le scandale, par l'exposition possible des identités des victimes comme des auteurs, mais aussi par des réactions émotionnelles du public, comme cela a été le cas quand des parents ont brisé des vitres d'une école à Schaerbeek à la suite de fausses suspicions d'attouchements sur enfant.

A la question de savoir s'il serait souhaitable d'apprendre à communiquer en bonne intelligence sur ces matières, il met en balance que "si on parle tous les jours des viols, on risque aussi de banaliser les choses, car, comme ce sera moins exceptionnel, il risque d'y avoir moins d'écho médiatique. Si on est trop proactif, cela peut causer plus de torts que de bien".

Il renvoie au suivi des affaires au niveau judiciaire : "Le tribunal de la 54e chambre (compétente pour les moeurs, NDLR.) est ouvert à tout le monde et tous les journalistes peuvent aller suivre ces audiences. Pourquoi ne vont-ils pas parler de telle affaire qui date de 2017 ?" Le manque d'investissement journalistique à ce niveau est aussi une conséquence de l'absence de sélection au quotidien des affaires importantes à suivre dans la durée.

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