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Rachel, 31 ans, est victime d'une chirurgie esthétique ratée: "Lorsque j'ai retiré mon pansement, un liquide verdâtre s'est écoulé"

Rachel (prénom d'emprunt) souhaitait refaire sa poitrine. Mais l'opération a mal tourné et lui a laissé de lourdes séquelles. Mal informée sur les risques, elle souhaite mettre en garde contre ce type d'intervention fréquente dont les conséquences peuvent s'avérer dramatiques.

En 2020, Rachel a 29 ans lorsqu'elle réalise une opération de chirurgie esthétique. "Je souhaitais refaire ma poitrine après ma grossesse qui m'a fait passer d'un bonnet B à un bonnet F. Pendant 8 ans, j'ai réfléchi à cette opération, j'ai économisé pour ça", explique la jeune femme. "Je ne voulais pas une poitrine plus grosse, elle était juste très abîmée. J'ai longuement réfléchi car cela représente un coût. Mais étant jeune et fort complexée à ce moment-là, j'ai sauté le pas", poursuit-elle.

Suite aux recommandations d'un proche, la jeune mère de famille se rend dans un cabinet privé situé à Waterloo. Elle explique au praticien sa volonté de remonter sa poitrine et précise ne pas vouloir de prothèse mammaire. Mais le chirurgien insiste, selon elle, sans quoi sa poitrine risquerait de s'affaisser. "Il m'a dit que sans prothèse, je devrais revenir le voir dans deux ans. Il m'a alors proposé d'en poser des petites", raconte Rachel.

Jusque-là, rien d'anormal. "Un chirurgien peut en effet décider que la pose de prothèses s'impose", explique Jean-Luc Nizet, chirurgien esthétique et ex-président de la Société Royale Belge de la Chirurgie Plastique (RBSPS). "En fonction de la qualité de la peau, mettre une petite prothèse permet de donner un pôle supérieur plus joli et plus ferme", ajoute-t-il.

Le seul papier que j'ai eu est un reçu de 4.500 euros

Seul problème, Rachel n'a pas signé de document attestant de son consentement. Il s'agit pourtant d'une obligation inscrite dans la loi belge, afin que le patient soit pleinement conscient des risques encourus. "Le seul papier que j'ai eu est un reçu de 4.500 euros", nous dit la jeune femme. À aucun moment Rachel estime avoir été informée des risques et complications liés à l’intervention qu’elle allait subir.

De lourdes complications postopératoires

Au sortir de l'intervention, tout bascule. Rachel commence à ressentir de fortes douleurs. Son chirurgien l'informe que ces douleurs sont normales, l'effet de l'anesthésie se dissipant peu à peu. Trois jours après, un des pansements de Rachel vire au jaune. Inquiète, elle se rend au cabinet où le docteur lui retire ses pansements. Son mamelon a viré au noir.

Le praticien se veut rassurant. À ce stade, il s'agit sûrement d'hématomes. "Des hématomes peuvent arriver, ou plus souvent des ecchymoses" explique Jean-Luc Nizet. Mais la situation se dégrade rapidement. La couleur noire gagne du terrain, malgré les indications du chirurgien qui conseille de continuer d'appliquer de la crème sur la zone.

Lorsque j'ai retiré mon pansement, un liquide verdâtre s'écoulait

"C'est à ce moment-là que mon entourage a commencé à me presser pour que j'aille aux urgences" se remémore Rachel. "J'ai déjà pleuré toutes les larmes de mon corps à cause de cette histoire, aujourd'hui, je peux en parler calmement" ajoute-t-elle. Un matin, alors qu'elle change ses pansements, Rachel est saisie d'effroi à la vue de son mamelon, "tout avait été mangé", raconte-t-elle. "Cela faisait plusieurs jours que mon sein sentait mauvais. Lorsque j'ai retiré mon pansement, un liquide verdâtre s'écoulait" explique-t-elle.

Sans perdre plus de temps, la jeune femme se rend aux urgences où les médecins confirment ce qu'elle redoutait: il s'agit bien d'une nécrose. "Lorsque je suis arrivée, j'étais au bord de la septicémie", nous raconte-t-elle.



Malheureusement, on pourrait dire que c'est la faute à 'pas de chance'

"Selon les experts que j'ai contactés, mon chirurgien aurait dû comprendre qu'il s'agissait d'une nécrose et aurait dû intervenir" souffle Rachel.

Jean-Luc Nizet appréhende la situation autrement. "Des produits d’application locale comme des crèmes peuvent aider à la cicatrisation en cas de nécrose", explique-t-il avant de poursuivre, "le seul manquement commis ici est administratif. Le consentement éclairé est nécessaire afin d'informer sur les complications liées à ce type d'opération". Le chirurgien rappelle également que ces interventions, malgré le fait qu’elles soient courantes, ne sont pas sans danger :"ce genre de risque existe. Malheureusement, on pourrait dire que c'est la faute à 'pas de chance'"

En 2016, environ 200.000 Belges ont eu recours à la chirurgie esthétique. L’augmentation mammaire est l’opération rencontrant le plus de succès, devant la liposuccion et le lifting des paupières.

J'ai la moitié de l'alvéole qui me manque et une cicatrice de 13 centimètres

Douleurs, mal-être et culpabilité

Deux ans après l’opération, Rachel souffre de douleurs qui la handicapent dans ses mouvements. "Lorsque je tends le bras, j'ai mal", explique-t-elle. Tout le quotidien de Rachel a été bouleversé suite à cette intervention. "J'utilise le même soutien-gorge depuis deux ans. C'est le seul que je supporte. Je le lave tous les trois jours, mais il est très abîmé", explique la désormais trentenaire, non sans émotion. "Mon conjoint m'a déjà proposé d'aller en racheter, mais je ne veux pas. Je n'en ai pas envie" regrette-t-elle.

Cette situation impacte également les moments d’intimité qu’elle partage avec son mari, "lorsqu'il me touche la poitrine j'ai mal", raconte-t-elle avant de poursuivre, "lorsqu'on a un rapport, parfois je suis gênée parce que ce n'est vraiment pas beau""J'ai la moitié du mamelon qui me manque et une cicatrice de 13 centimètres. On ne peut pas dire que je me sente bien aujourd'hui", explique Rachel au bord des larmes.

Aujourd'hui, la jeune maman s'interroge régulièrement : "Peut-être a-t-on profité de moi et de ma naïveté? Peut-être étais-je trop jeune?"

Quelle procédure judiciaire?

En portant l'affaire en justice, Rachel espère obtenir un dédommagement et entamer une reconstruction de son sein. "Dans le cas de Rachel, nous avons convenu d’un accord à l'amiable avec la partie adverse", explique Pierre Bailly, son avocat.

Pour ce faire, deux spécialistes accompagnés d'un médecin tiers ont été conviés afin de réaliser une expertise médicale pour définir si le praticien est en tort. "J'ai payé cet expert de ma poche", souligne Rachel.

"Nous attendons actuellement les résultats de ces expertises qui permettront d'évaluer la somme du dédommagement", explique l'avocat qui précise que "en cas de faute avérée, le dédommagement versé sera établi en fonction des dommages subis par la patiente". À noter que ces frais seraient pris en charge par l'assurance du chirurgien.

De son côté, le médecin pourra continuer à pratiquer librement la chirurgie esthétique. Le praticien risque tout de même une sanction, voire une radiation, si le Conseil national de l'ordre des médecins décide d'ouvrir un dossier.

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