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Statut juridique du foetus et de l'enfant mort-né: le droit à l'avortement est-il en danger?

L'ambition du gouvernement - portée par le ministre CD&V de la Justice Koen Geens - et de la majorité parlementaire, de modifier le Code civil de manière à offrir un statut pour l'enfant mort-né procède "insidieusement" d'une intention "idéologique" de "fragiliser les motifs à la base de la dépénalisation de l'avortement", estime le président du Centre d'Action Laïque (CAL), Henri Bartholomeeusen dans une lettre ouverte publiée jeudi.

Un sujet sensible est abordé ce mercredi matin en Commission justice de la Chambre. Faut-il donner un statut aux fœtus ? Aux bébés décédés avant le terme? Actuellement, ils sont enregistrés en cas de décès, à partir de 6 mois et demi de grossesse, mais plusieurs partis voudraient que l'on délivre un acte de naissance et de décès à partir de 4 mois et demi de grossesse. Pour beaucoup de parents confrontés à la mort de leur bébé très tôt durant la grossesse, cet amendement serait une manière de faire leur deuil. Mais tout le monde ne voit pas cela sous cet angle.


"On les encourage à voir cet enfant, mais on ne les oblige jamais. On accompagne vraiment leur souhait"

Dans le bloc d'accouchement de l'hôpital universitaire Érasme, les sages-femmes n'assistent pas qu'à des moments heureux. Il arrive que la grossesse se termine par un deuil, celui d'un fœtus, celui parfois d'un enfant mort-né. Dans tous les cas, un encadrement est mis en place. "On les accueille pendant toute la durée du travail, on discute avec eux. On essaie d'être le plus ouvert possible, on essaie de savoir quelles sont leurs attentes. On leur demande s'ils ont un prénom pour cet enfant, s'ils ont des vêtements pour cet enfant, s'ils veulent que l'enfant soit accompagné d'un petit nounours. On les encourage à voir cet enfant, mais on ne les oblige jamais. On accompagne vraiment leur souhait", a expliqué Hélène Arguello, sage-femme à Érasme, au micro de Vanessa Costanzo pour RTL TVi.


"C'est très important symboliquement de garder un espace où il s'agit d'un fœtus et qui a un statut juridique différent du statut d'enfant"

Dès 26 semaines de grossesse (180 jours), on parle d'enfant mort-né et une déclaration de naissance est rédigée. Avancer cette formalité, ce serait conférer une identité plus précoce, une démarche qui, pour certains professionnels, présente un risque. "Je pense que c'est un risque en tout cas et que ça va entraîner une confusion. C'est très important symboliquement de garder un espace où il s'agit d'un fœtus et qui a un statut juridique différent du statut d'enfant. Et il me semble qu'au-delà de la difficulté pour les parents, on créée cette confusion en uniformisant la procédure et en inscrivant tout le monde à l'état civil", a avancé Yvon Englert, chef du service gynécologie à Érasme. En Belgique, l'avortement est autorisé jusqu'à 12 semaines de grossesse, on parle bien là de fœtus. La crainte de beaucoup de défenseurs de l'IVG est de voir ce droit menacé, voire remis en question.


140 jours

Depuis 10 ans, plusieurs tentatives ont eu lieu au parlement ou au gouvernement pour modifier le Code civil sur ce sujet. Le seuil actuel à partir duquel l'enfant né sans vie est enregistré est de 180 jours à dater de la conception. Pour aider des parents confrontés à cette perte survenue avant ce seuil, des propositions de loi ont été déposées. Certaines préconisent d'abaisser l'échéance à 140 jours. Le ministre de la Justice, Koen Geens (CD& V), a d'ailleurs présenté il y a un mois une étude allant dans ce sens. Son parti souhaite en outre ouvrir la possibilité de délivrer un acte de naissance avant ces 140 jours.


"On ne peut porter atteinte au droit à l'avortement"

Ces propositions ont suscité des réactions dans le monde de la laïcité, particulièrement dans les rangs francophones, où l'on redoute une remise en cause détournée de la dépénalisation de l'avortement en donnant un statut au foetus. "Aucun texte ne peut mettre à mal le droit des femmes à disposer de leur corps. C'est un droit pour lequel nous avons énormément combattu", a expliqué la cheffe de groupe PS, Laurette Onkelinx, en marge de la séance. Le discours était semblable chez les écologistes et libéraux francophones. Richard Miller (MR) s'est dit ouvert à des aménagements du Code civil, mais refuse de "mettre le doigt dans un processus" de détricotage de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse. "On ne peut porter atteinte au droit à l'avortement, on ne peut pas donner trop tôt la personnalité juridique sous peine de conséquences trop difficiles à gérer pour la société et les parents. Mais on doit pouvoir prendre en compte la souffrance de certains parents et prévoir la symbolique qui peut leur être nécessaire", a souligné Muriel Gerkens (Ecolo).


"Il s'agit de respecter le vœu des parents et de respecter leur douleur d'avoir perdu un enfant"

Le CD&V se défend de mettre l'avortement en péril. "Je ne comprends pas ce discours. On ne touche pas à l'avortement, ce n'est pas la discussion. Il s'agit de respecter le vœu des parents et de respecter leur douleur d'avoir perdu un enfant en permettant un enregistrement convenable, comme enfants qui ont vécu", a expliqué Sonja Becq. La proposition des chrétiens-démocrates précise qu'avant 140 jours, cet acte de naissance rédigé sur base volontaire n'emporte aucun effet juridique, précise la députée. Les auditions auront lieu avant les vacances parlementaires. Le débat sur les propositions de loi ne reprendra selon toute vraisemblance qu'à la rentrée. Le CD&V souhaite trouver un consensus sur la question, mais, à l'instar du cdH, il veut éviter que le sujet ne soit reporté aux calendes grecques.

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