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Soudanais torturés après leur expulsion: le CGRA ne trouve pas de preuve que les faits de maltraitance se sont produits ou pas

"Le CGRA n'a pas été en mesure d'obtenir des certitudes ou précisions absolues quant à savoir si les faits mentionnés dans la note de l'Institut Tahrir se sont effectivement produits. Il n'existe aucune preuve attestant que les faits sont bel et bien intervenus. De même qu'il n'a pas pu être établi avec certitude que les faits mentionnés n'ont pas eu lieu", écrit le Commissariat général dans son rapport rendu public vendredi.

"Le CGRA a toutefois pu formuler plusieurs observations selon lesquelles il existe de sérieux doutes, du moins dans le cas d'un certain nombre de témoignages", poursuit le rapport. Le CGRA a pu retracer certains témoignages et a eu des contacts avec des ambassades de pays étrangers, le HCR, l'OIM. Le CGRA était invité à se prononcer sur des faits allégués de mauvais traitements subis par des ressortissants soudanais expulsés de Belgique. Ces témoignages avaient été apportés par l'ONG "Institut Tahrir" qui a collaboré à l'enquête du Commissariat général.


Baliser les missions d'identification

Les expulsions avaient été organisées avec le concours d'une mission d'identification venue de Khartoum. Le CGRA ne remet pas en cause la mise en place de telles missions à condition que les personnes soumises à l'identification voient leurs droits garantis (présence d'un traducteur...). Il recommande d'ailleurs, lors de telles missions, à agir avec une "extrême prudence". Il souligne notamment que les personnes ayant besoin de protection ne peuvent être confrontées à des personnes représentant les autorités du pays d'origine. Il s'agit dès lors, préalablement à leur audition par ces représentants, de procéder à une enquête approfondie pour déterminer si la personne concernée a ou non besoin de protection (y compris en cas de besoin conformément à l'article 3 de la convention européenne des droits de l'Homme).

Le CGRA invite également à informer préalablement les personnes concernées de la tenue d'un entretien avec des représentants de leur pays d'origine à des fins d'identification. Enfin, les entretiens doivent avoir lieu en présence d'une personne représentant les autorités belges et d'une personne (interprète) qui comprend la langue dans laquelle l'entretien est mené. Le rapport du CGRA confirme que l'Office des Etrangers a indiqué que son collaborateur n'était pas toujours à proximité de l'entretien entre la personne et le représentant de la mission d'identification et que le collaborateur concerné ne maîtrisait généralement pas la langue (arabe) dans laquelle l'entretien était mené.  


Les expulsions peuvent reprendre

Les expulsions vers le Soudan peuvent reprendre à condition que soient vérifiées "sur le fond", au cas par cas, les garanties que les individus concernés ne feront pas l'objet de traitements inhumains et dégradants. Une réunion de la commission de l'Intérieur de la Chambre a lieu vendredi à 15h30. Le commissaire général Dirk Van den Bulck y présente le rapport et le premier ministre Charles Michel et le ministre de l'Intérieur Jan Jambon formuleront un certain nombre de commentaires de nature politique devant les députés.


Le MR se félicite

Le président du MR, Olivier Chastel a indiqué que ce rapport renforçait son parti "dans l'action que nous menons avec le gouvernement fédéral sur la politique migratoire". "Nous continuerons à aller en ce sens, en respectant la convention de Genève, les directives européennes et la Convention européenne des Droits de l'homme", a-t-il ajouté après que le rapport du CGRA a été rendu public. Pour le MR, ce rapport n'est pas rien, il émane du CGRA, "une instance indépendante dont la réputation et la qualité de son travail ne sont plus à démontrer". M. Chastel prend acte de ce que "le gouvernement a agi avec prudence et conformément aux règlements européens et internationaux". Il souligne que "les conclusions du rapport sont claires: il n'y a pas d'objection de principe quant aux missions d'identification". Par ailleurs, "ce rapport met en doute les témoignages rapportés par l'ONG Tarhir quant à de potentiels cas de torture", relève-t-il.


"On est toujours sans nouvelle d'une personne qui a été expulsée sur les trois"

Mehdi Kassou, porte-parole de la plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés, a indiqué qu'ils étaient à la fois déçus et inquiets. "On est toujours sans nouvelle d'une personne qui a été expulsée sur les trois avec lesquelles on avait des contacts. Est-ce qu'on peut aujourd'hui prouver des tortures? Non, mais le simple fait de renvoyer vers un pays où le président a été condamné pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité reste une contradiction fondamentale, à mon sens, avec les valeurs d'un Etat comme le nôtre", réagit Mehdi Kassou. "Tout est fait pour renforcer le clivage entre les gens qui veulent apporter un peu de solidarité et d'aide et cette politique ferme et complètement fermée", déplore-t-il. "On va prendre des mesures de protection encore plus grandes avec des hébergements, pour tenter d'éviter des arrestations et assurer les suivis les plus pointus possibles en collaboration avec d'autres acteurs." Le 25 février prochain, la plateforme organise avec d'autres acteurs une marche dans Bruxelles pour appeler à moins de fermeté dans la politique migratoire.


La Ligue des droits de l'homme demande au Rapporteur spécial des Nations unies de diligenter une enquête

Suite à la publication de ce rapport, la Ligue des droits de l'Homme (LDH) demande au Rapporteur spécial des Nations unies de diligenter une enquête. Il n'est pas question pour la LDH de remettre en question la volonté du CGRA de faire remonter la vérité des faits qui se sont déroulés à Khartoum à l'issue de l'expulsion de ressortissants soudanais organisée grâce au concours d'une mission officielle soudanaise venue les identifier. Cependant, elle estime que seule une enquête approfondie et internationale permettra de lever définitivement les doutes qui pèsent sur les conséquences de ces rapatriements.  


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