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L'enfer des personnes à mobilité réduite dans les transports en commun: "Quand tout fonctionne, je fais un mouvement de victoire!"

Mobiliers urbains inadaptés, manque d'installation ou d'indication… Pour les personnes handicapées, prendre les transports en commun est particulièrement compliqué, comme en témoignent les périples d'Anatole et Vincenzo.

Vincenzo est en fauteuil roulant. Alors qu'il doit se rendre à l'hôpital, un long parcours du combattant commence pour lui. Départ en bas de chez lui, dans le centre de Liège. Une grande rue en pente l'attend. "C'est surtout de la technique", explique Vincenzo en sueur. "Si je me penche trop en arrière, mon fauteuil risque de se retourner".

Rôdé à l'exercice, il parvient finalement à son arrêt de bus après être venu à bout de nombreux obstacles: circulations, trottoirs obstrués, mobiliers urbains inadaptés… Vincenzo n'a pas d'autres choix. "C'est minimum 3 fois par semaine", explique-t-il alors qu'il reprend son souffle en attendant le bus. Vincenzo est en fauteuil roulant depuis 6 ans. 6 ans d'efforts incessants, auxquels viennent s'ajouter l'incivilité et la violence des passants. "Trois fois ici, des personnes ont été incorrectes avec moi alors que j'étais en difficulté. Un jour, je me suis retrouvé avec une arme blanche plantée dans le dos", raconte-t-il.

Le calvaire se poursuit dans le bus

Le parcours est loin d'être terminé. Vincenzo doit à présent prendre le bus 88, le seul qui se rend à l'hôpital. Durant plus d'une heure, il attendra l'arrivée de son bus. "Je ne peux pas me fier à l'horaire des bus. Car lorsqu'un bus vient, il n'est pas nécessairement pourvu d'une rampe PMR (personne à mobilité réduite ndlr)". 80% des bus TEC sont équipés de rampe d'accès automatique. Mais les 20% restant disposent quant à eux d'une passerelle manuelle que le chauffeur doit lui-même déployer. "La rampe ne va pas nécessairement fonctionner", poursuit Vincenzo. "Je dépends donc du fonctionnement des bus et malheureusement parfois du bon vouloir du chauffeur, qui peut hésiter à sortir sa rampe d'accès".

Lorsque je vois un bus et que tout fonctionne, je fais un petit mouvement de victoire!

Parfois même, les bus ne s'arrêtent pas, comme ce fût le cas durant notre reportage. Le chauffeur ne l'a tout simplement pas vu. Une fois dans le car, un autre souci apparaît: l'accessibilité aux emplacements pour les personnes à mobilité réduite est souvent obstruée par la foule. Impossible pour Vincenzo de prendre le bus si la rampe de sécurité n'est pas accessible, il risquerait de tomber à la renverse.

"Quand tout fonctionne dans un bus, je fais un petit mouvement de victoire!" plaisante-t-il alors que le parcours touche presque à sa fin. "C'est tellement rare d'avoir un bus qui fonctionne directement, de voir les gens gentils qui se déplacent, etc. On a une petite joie interne, car ce n'est pas systématique", explique Vincenzo.

Nous nous concentrons essentiellement sur l'information aux voyageurs

Selon Stéphane Thiery, porte-parole du TEC, de nombreuses mesures ont déjà été mises en place pour faciliter l'accès aux bus aux personnes handicapées: "Nous nous concentrons essentiellement sur l'information aux voyageurs pour que la personne à mobilité réduite sache à quel endroit il peut emprunter un bus équipé. Certains arrêts sont surélevés pour les chaises roulantes. Enfin, dans le bus un certain nombre de dispositifs sont mis en place, comme les rampes pour aider ces personnes durant leurs voyages".

Le porte-parole reconnaît néanmoins que ces efforts doivent être poursuivis. "C'est un long sentier qui va prendre du temps. Nous travaillons avec une association, qui nous aide à déterminer quelles sont les lignes prioritaires à aménager".

Actuellement, 24 lignes TEC sont homologuées PMR sur les 75 que compte le territoire liégeois.

Prendre le train reste compliqué, malgré les dispositifs en place

Les soucis d'accessibilité, Anatole les connaît bien. À Bruxelles, prendre le train à la gare du Midi peut vite tourner au cauchemar lorsque l'on est malvoyant. "C'est très difficile de s'y retrouver. Si je ne sais pas où je suis, je suis complètement perdu". Travaux, foule... difficile de se frayer un chemin au sein de la gare. Aussi, trouver la voie 3 qui se situe un peu à l'écart des autres relève quasi de la chance. Aucun élément ne permet aux personnes malvoyantes de savoir précisément où elles se situent. "Heureusement, il y a des gens de Sécurail ou de la SNCB qui sont là. Mais il faut quand même demander", explique-t-il.

Anatole prend le train 4 à 5 fois par mois pour se rendre à Charleroi. "À chaque fois c'est un voyage!" lâche l'homme de 43 ans avec philosophie. "Il faudrait des panneaux en braille comme dans le métro, pour qu'on puisse lire les indications", conclut-il.

Malgré certains manquements, des mesures ont été prises par la SNCB pour faciliter la mobilité des personnes handicapées au sein des gares. "L'accessibilité est devenue un sujet principal pour la SNCB", assure la porte-parole Marianne Hiernaux. Quatre critères ont ainsi été déterminés par le réseau:

  • Des quais rehaussés à 76 centimètres pour faciliter l'embarquement
  • Des lignes de guidages pour les personnes malvoyantes
  • Des automates de ventes accessibles facilement
  • Des ascenseurs adaptés pour rejoindre les quais

85 gares du réseau SNCB sont aujourd'hui équipées selon ces standards: "Nous comptons augmenter ce nombre de manière significative d'ici les prochaines années", conclut le porte-parole.

Prendre la problématique de l'accessibilité dès le départ

Que ce soit le réseau TEC ou la SNCB, la manière d'instaurer l'accessibilité aux transports pour les personnes à mobilité réduite doit être repensée selon Mathieu Angelo, porte-parole du Collectif Accessibilité Wallonie Bruxelles (CAWaB): "Ce qui est important, c'est de pouvoir prendre la problématique dès le départ pour prendre en compte les besoins des usagers à mobilité réduite en amont".

Des propos qui font écho à ceux de Vincenzo, qui souhaite que la mise en place des rampes d'accès soit systématique. "Des chauffeurs m'ont déjà proposé de me porter pour me mettre dans le bus. Mais ça ne fonctionne pas comme ça" explique-t-il, "Un bus qui fonctionne, c'est un bus dont la rampe PMR est en état de marche, et qui me permet de monter à bord sans qu'une tierce personne ne me manipule".

Pour toute personne qui en aurait besoin, la SNCB offre un service d'accompagnement gratuit joignable du lundi au vendredi 7j/7 de 07h à 21h30 (02.528.28.28).

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