Accueil Actu

Y a-t-il un problème de garde vétérinaire en Wallonie? Amalia a galéré pour trouver un docteur pour son chien blessé

Une quadragénaire de Fosses-la-Ville s'est vite retrouvée désemparée face au manque de vétérinaires disponibles un samedi soir pour soigner la patte fracturée de son chien. Une situation délicate qui l'a interpellée quant à la situation des urgences vétérinaires en Wallonie.

Un "moment horrible" qu'elle "ne souhaite à personne", c'est ce qu'a vécu Amalia en rentrant chez elle un samedi soir de septembre dans la province de Namur. À son retour du travail, elle découvre son animal de compagnie en détresse. Jack, un chien croisé Jack Russell et malinois est coincé, patte fracturée dans une fenêtre en oscillo-battant.


©RTL INFO

Il est 22h45, Amalia appelle le vétérinaire qui suit habituellement l'animal. Mais à cette heure-là, son cabinet est fermé et le répondeur ne communique aucun numéro d'urgence.

L'habitante de Fosses-la-Ville affirme avoir contacté 11 vétérinaires. Tous étaient indisponibles et, problème, aucun ne laissait les coordonnées d'un service d'urgence vétérinaire sur sa messagerie téléphonique, assure-t-elle via notre bouton orange Alertez-nous. Désemparée, elle va jusqu'à appeler le 112, inadapté pour ce genre de situation. Les opérateurs de ce numéro d'appel d'urgence européen se désoleront de ne pas pouvoir lui venir en aide. Après plus d'une vingtaine de minutes et des recherches sur internet, Amalia trouve finalement un numéro d'urgence gratuit. Un cabinet vétérinaire de la commune de Bioul, de garde ce soir-là, reçoit l'animal, l'opère et lui pose une plaque et des vis pour soigner sa patte.

Son fidèle compagnon est finalement sauf mais Amalia reste déconcertée par les difficultés rencontrées pour obtenir des coordonnées d'urgence : "J'ai tout de même été vive et j'ai recherché assez loin sur internet, confie-t-elle. J'imagine que si cela arrive à des personnes moins indépendantes comme des personnes âgées, elles pourraient vite se retrouver en détresse alors que le pire arrive à leur animal de compagnie."

Des vétérinaires qui refuseraient de renvoyer vers la concurrence ?

Le praticien qui l'a reçue en urgence lui a affirmé que par éthique les vétérinaires doivent toujours renvoyer vers des services de garde lorsqu'ils ne sont pas disponibles. Mais tous ne le font pas. Amalia en a fait la mauvaise expérience.
Face à ces manquements, le vétérinaire avance une hypothèse : certains s'abstiennent par crainte d'envoyer des clients vers la concurrence. Cette conjecture est rejetée catégoriquement par le président de l'Union professionnel des vétérinaires (UPV), le docteur Stéfan Degallaix : "Certains n'auraient pas envie d'envoyer un chien chez un collègue parce qu'ils ne voudraient pas perdre le client alors que le chien va peut-être mourir ? C'est exclu, je n'y crois pas du tout."

783 vétérinaires répertoriés par l'UPV en Wallonie, 49 à Bruxelles

Les systèmes de garde sont pourtant bien rodés et le code de déontologie de l'ordre des médecins vétérinaires déclare que "le vétérinaire doit informer en permanence sa clientèle sur sa disponibilité. En cas d’indisponibilité, il l’oriente vers un autre vétérinaire ou un groupe de vétérinaires qui aura marqué son accord préalable, ou vers le service de garde dont il fait partie."

L'ordre impose qu'au moins un rôle de garde soit attribué par zone. Une zone comprend une à quatre communes selon le docteur Degallaix. Dans de grandes villes comme Liège par exemple, il peut y avoir jusqu'à 5 services de garde : "Ce sont des vétérinaires qui se regroupent avec un numéro de téléphone commun et en fonction de celui qui est de garde, les appels arrivent chez lui." Ainsi, en appelant l'un de ces médecins, soit l'appel est directement renvoyé vers le praticien de garde, soit son numéro est indiqué sur le répondeur.

L'Union professionnelle des vétérinaires propose également une carte sur son site, permettant de trouver un praticien dans un rayon de 5 à 50 km dans toute la Fédération Wallonie-Bruxelles. Les coordonnées de 783 professionnels y sont répertoriées pour la Wallonie, 49 à Bruxelles. Des informations dont ne disposait pas Amalia et qui auraient pu lui être d'un grand secours.

Un service de garde 24/24 dans les centres hospitaliers vétérinaires

Amalia a-t-elle mis le doigt sur un problème de garde vétérinaire en Wallonie ? Nous avons appelé plusieurs vétérinaires au hasard pour leur soumettre l'histoire d'Amalia et notre question.

Certains s'étonnent. Une vétérinaire de Mons comprend que certains refusent de faire des gardes mais estime que tous doivent laisser un numéro d'urgence. "Moi quand je suis de garde, je suis impliquée à 100 %, assure-t-elle. Et dans le pire des cas, il est toujours possible de se diriger vers les cliniques vétérinaires dont le statut impose d'avoir un service de garde 24 heures sur 24." Il s'agit effectivement d'une des conditions obligatoires établies par le code de déontologie pour bénéficier de l'appellation "clinique vétérinaire".

La Fédération Wallonie-Bruxelles compte 29 établissements de ce type. Seule la province du Brabant-Wallon ne dispose d'aucune clinique mais la proximité avec les villes de Gembloux et Bruxelles (qui en comptent 6) permet tout de même une proximité avec un service vétérinaire d'urgence 24 heures sur 24.  Toutefois, certaines zones dans les provinces de Liège de Namur et du Luxembourg souffrent d'une répartition inéquitable des cliniques comme l'indique cette carte (disponible via votre ordinateur):

Il faudra par exemple compter un trajet d'une quarantaine de minutes pour rejoindre une clinique pour les habitants d'Yvoir, de Marche-en-Famenne ou de Bullange.

Dans la région de Spa, un docteur pourtant retraité continue de recevoir des clients en cas d'urgence. Il fait partie d'un groupe d'une dizaine de vétérinaires garantissant des gardes pour la région de Spa et Verviers. Selon lui, s'associer avec d'autres vétérinaires de la région pour assurer des tours de garde devrait rassurer les plus réticents qui craignent de perdre leur clientèle.

Pourquoi certains vétérinaires font-ils moins de garde ?

D'autres vétérinaires que nous avons joints ont reconnu que les urgences faisaient effectivement face à des difficultés. Selon ceux-ci, ils sont de moins en moins nombreux à se porter volontaires pour effectuer des gardes.
Le président de l'UPV confirme une baisse de motivation pour la pratique des gardes. Selon lui, les nouveaux vétérinaires comptent davantage leurs heures et sont moins enclins à sacrifier leur vie de famille pour leur métier. "La jeune génération ne fait pas autant d'heures que la précédente", observe-t-il. Un état de fait qu'il respecte mais redoute pour l'avenir car il pourrait s'ajouter à une pénurie de vétérinaires liée aux quotas de diplômés.

En effet, pour pouvoir poursuivre leur bachelier, les étudiants en écoles de médecine vétérinaire doivent obtenir une attestation d’accès à la suite du programme en fin de première année. Or, le gouvernement de la Communauté française arrête, pour chaque université, le nombre d'attestations qui seront délivrées l'année académique suivante. Un nombre limité à 250 pour l'ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour l'année 2018-2019. Les étudiants doivent alors se classer parmi les meilleurs lors d'un concours en fin de première année pour obtenir le précieux sésame.

Un autre frein aux gardes résiderait dans le comportement abusif de certains clients qui découragerait certains professionnels. Les cas de soins d'urgences non payés sont nombreux d'après un médecin de Libramont. Et, comme pour la médecine humaine, le recours aux urgences est parfois disproportionné. Certains docteurs disent se déplacer régulièrement pour des soins qui auraient pu attendre, au risque de négliger des affaires plus urgentes. Un vétérinaire nous raconte même avoir été appelé pour soigner un animal lors d'une garde et pour finalement se retrouver face à un humain dans le besoin de soins.

À lire aussi

Sélectionné pour vous