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Le désarroi de Nathalie, aide-ménagère de Charleroi: "Sur le mois, je n'ai touché que 385 euros, c'est la catastrophe"

Le coronavirus en Belgique et le confinement décrété par les autorités continuent d'impacter la vie de 11 millions de Belges. Nathalie, aide-ménagère au chômage temporaire, nous décrit sa situation financière difficile.

"J'ai touché le chômage temporaire pour la période du 18 au 31 mars. Je n'ai reçu que 135 euros pour deux semaines", nous écrit Nathalie via le bouton orange Alertez-nous. "On fait comment pour payer le loyer, les charges, les médicaments et pour manger? Je suis complètement dégoûtée, on nous met dans une grave pauvreté", poursuit l'habitante de Marchienne-au-Pont.

Nathalie est aide-ménagère à temps partiel pour les titres-services. La femme de 48 ans est au chômage temporaire à cause de la crise du coronavirus. Comme toutes les personnes qui travaillent dans ce secteur, elle a dû arrêter de se rendre chez ses clients et, par conséquent, de toucher un salaire. 

La fermeture du secteur

Le 16 mars, face à "la catastrophe sociale sans nom" que risquaient les aides-ménagères, les syndicats ont demandé la fermeture du secteur. La CSC, la FGTB et la CGSLB ont pointé le risque pour la santé des travailleuses et de leurs clients si l'activité se poursuivait dans le contexte d'épidémie de coronavirus.

"Le secteur des titres-services représente 140.000 travailleuses et plus d'un million d'utilisateurs, dont 24% dans la tranche des plus de 65 ans. Le risque est donc réel. Ajoutons à cela le fait que de plus en plus de clients sont chez eux, en raison du télétravail ou pour garder leurs enfants et on comprend vite l'urgence", ont souligné les trois syndicats dans leur communiqué.

"C'est la galère"

Les aides-ménagères bénéficient donc du chômage temporaire mais la grande majorité de celles-ci se retrouvent avec un revenu mensuel inférieur à 1.000 euros. Les bas salaires que touchent les aides-ménagères des titres-services combinés au chômage temporaire risque de les enfoncer encore plus dans la précarité. Le salaire moyen dans ce secteur est faible, de l'ordre de 11,65 euros brut/heure. On y compte en outre un nombre très important de travailleurs à temps partiel, comme Nathalie.

Pour la femme de 48 ans, "C'est la galère". Elle nous dit subir les conséquences des mesures prises par le gouvernement de plein fouet.

Avant la crise du coronavirus, sa situation financière était déjà difficile, nous confie-t-elle. Patrick, son mari, est atteint depuis 30 ans de glomérulonéphrite membranoproliférative, une maladie rénale chronique et progressive, affirme-t-elle. Chaque mois, l'homme de 54 ans, "dialysé" 3 fois par semaine, perçoit 1.100 euros de pension de réparation. "Patrick était militaire de carrière. Il est tombé malade à 25 ans. Il a subi deux greffes qui n'ont pas marché. Ses deux reins ne fonctionnent plus du tout", détaille la Wallonne.

"Elle doit limiter ses revenus"

La femme mariée depuis 10 ans nous explique que la pension que touche son époux a des conséquences directes sur son emploi depuis qu'ils vivent ensemble. En temps normal, Nathalie "gère ses heures de boulot" pour ne pas dépasser un salaire de 600 euros. "Je ne peux pas travailler plus de 60 heures par mois, sinon on retire 800 euros sur la pension de mon mari. Il ne se retrouvera plus qu'avec 300 euros", raconte l'aide-ménagère.

Le Service fédéral des Pensions nous en dit plus sur cette "limite" évoquée par Nathalie... "Si le conjoint de madame reçoit une pension de ménage, elle doit effectivement limiter ses revenus. Si elle veut augmenter ses propres revenus, la pension de son conjoint sera également diminuée au montant de la pension isolée", nous précise le service. (En savoir plus sur le travail autorisé)

A la fin du mois, il nous reste rien

Cela fait donc des années que Nathalie et Patrick doivent s'en sortir avec 1.700 euros par mois au total, ce qui relève déjà du défi, selon elle. "Avec les charges, notre loyer s'élève à 750 euros. Mon mari paie une pension alimentaire de 140 euros pour un de ses fils âgé de 11 ans (nés d'une précédente union). Il a des dettes de frais d'hôpitaux qui peuvent atteindre 250 à 300 euros par mois car il est entré très souvent à l'hôpital en 30 ans de maladie. A la fin du mois, il ne nous reste rien. On doit jongler (...) Lorsqu'on fait les courses, on fait très attention à tout. On essaie de gérer au mieux. On mange pour le moins cher possible. Nos loisirs dépendent du fait que l'on ait de l'argent ou pas", poursuit la Carolo.

"Sur le mois, ça va me faire 285 euros"

La crise liée au coronavirus a aggravé la situation financière du couple de Marchiennois. Pour les deux dernières semaines du mois de mars, Nathalie nous dit avoir touché 135 euros de chômage temporaire, "au lieu des 250 euros perçus en habituellement pour 25 heures de travail".

Cette somme ajoutée aux 25 heures de travail prestées début mars, "ça me fait 385 euros au total sur le mois... La moitié de mon salaire habituel en fait. C'est la catastropheOn essaie de garder le moral mais ce n'est pas facile", avoue-t-elle.

"Les politiques devraient essayer de payer un peu plus les gens en chômage temporaire. Je suis sûre et certaine qu'il y a des personnes qui sont dans des cas encore plus graves que moi. C'est très grave", lance Nathalie.

70% du salaire moyen

La Belgique compte plus de 1,268 million de personnes pour qui a été introduite une demande de chômage temporaire, ce qui équivaut à près d'un ouvrier ou employé actif sur trois, a indiqué la ministre fédérale de l'Emploi, Nathalie Muylle, le 8 avril. Le travailleur reçoit une allocation correspondant à 70% de son salaire moyen plafonné ainsi qu'un supplément de 5,63 euros par jour à charge de l'ONEM. 

"Nous courons tout droit vers une catastrophe sociale"

Le front commun syndical appelle les pouvoirs publics fédéraux et régionaux à prendre conscience de la gravité de la situation et à prendre des mesures de soutien. "À situation inchangée, nous courons tout droit vers une catastrophe sociale sans nom pour les aides-ménagères. Une réaction rapide est nécessaire pour éviter que ces travailleuses à bas salaires ne sombrent totalement dans la précarité."

Adapter les mesures pour respecter les droits humains

Le 20 mars, après l'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW), Unia, Myria et le service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale ont appelé à ce que les mesures de lutte contre la propagation du covid-19 soient appliquées dans le respect des droits humains. Ces institutions se disent "préoccupées" par les conséquences "particulièrement lourdes sur de nombreux groupes dans la société".

"Pour de nombreuses personnes en situation précaire, cette crise risque de devenir particulièrement traumatisante, au-delà du risque sanitaire qu'elles courent en tant que groupe à risque. Leur situation était déjà difficile, et cette crise menace d'accentuer les inégalités dans notre société", relèvent-elles.

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