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"Tu ne penses qu'à tirer" : Près de Bordeaux, des futurs chasseurs formés à la sécurité

"Attention, tu ne penses qu'à tirer" : Gilet orange fluo sur le dos, Eric reproche calmement à l'aspirant chasseur de poser trop vite le doigt sur la détente. Près de Bordeaux, ce formateur enseigne comment manipuler une arme à feu en toute sécurité.

A Ludon-Médoc, sur le vaste domaine privé de la Fédération de Gironde, la plus importante de France avec ses 35.000 chasseurs actifs, quelque 1.200 personnes suivent chaque année cette formation obligatoire avant de passer le permis de chasse.

Alors qu'une randonneuse a été tuée par une chasseuse de 17 ans et que les appels à l'interdiction de chasser certains jours se multiplient, le directeur de la communication de la Fédération girondine, Guillaume Desenfant, concède que l'image de ce loisir "s'est détériorée".

"Ce dernier accident a marqué les esprits, celui des chasseurs aussi bien sûr", remarque-t-il, soulignant toutefois que les accidents sont à la baisse depuis 20 ans. Selon l'Office français de la biodiversité, ils sont à l'origine de 7 morts pendant la saison 2020/21, dont 6 pratiquants.

"Comme pour la conduite d'un véhicule, nos formations sont là pour donner les meilleurs réflexes (de sécurité) possibles. On n'apprend pas à tirer mais à manipuler une arme", dit M. Desenfant.

Dans la plaine en bord de Garonne, des coups de feu, à blanc ou à munition réelle, résonnent. Des passages de grues strient le ciel bleu.

Sur un parcours reproduisant différentes situations de chasse et encadrés par deux formateurs, sept aspirants sont au rendez-vous, dont un adolescent de 15 ans, qui ne chassera pas avant ses 16 ans même s'il obtient le permis. Ils reviendront pour une autre demi-journée.

En jean, barbour, bottes et gilet fluo, Marie, 19 ans, aimerait pouvoir tirer le gros gibier en famille : "Mon père et mon frère chassent. Je ne vois pas pourquoi, en tant que fille, je n'y prendrais pas autant de plaisir qu'eux".

- "Pleine conscience" -

Julien Haas, formateur depuis une quinzaine d'années, l'accompagne au poste de tir. Elle charge une cartouche.

"Contrôle ton fusil, ton canon. Tu le fermes, tu vérifies ton environnement et tu relèves. Épaule bien, avance ton visage, mets du poids vers l'avant". Un plateau d'argile part, la déflagration retentit. "Parfait. Sors ton doigt. La cartouche tirée va dans la poche de derrière".

La jeune femme blonde n'a pas touché la cible mais ce n'est pas le but. "C'est difficile de penser à tous les gestes les uns après les autres, il faut être rigoureux", dit Marie.

Elle estime qu'"il y aura toujours des gens pour et des gens contre (la chasse) mais tant que l'on sait ce qu'on fait, il n'y a pas de problème".

"L'arme n'est pas un objet anodin", glisse son formateur, barbe grisonnante et béret. "On leur apprend à la manipuler en pleine conscience, comme quand on travaille avec une tronçonneuse".

Plus loin, Benjamin, carabine en mains, va tirer la première balle réelle de sa vie sur un faux sanglier mobile. "C'est notre première heure de formation et on ne fait que de la sécurité", constate-t-il.

A 38 ans, ce Girondin veut pouvoir "accompagner (s)es copains et partager leur passion", dit celui qui sera le premier chasseur de sa famille.

Eric lui montre comment baliser son angle de tir avec des piquets, le dos tourné à la "traque" (hommes et chiens qui rabattent le gibier). Il ne peut pas épauler, et encore moins tirer, hors de cette zone.

"35% des accidents viennent d'un tir hors zone et 25% d'un tir vers la traque", souligne le formateur.

Il emmène ensuite Benjamin près d'une vieille fourgonnette pour lui montrer les gestes minutieux qui permettent de glisser un fusil dans son étui et le ranger dans un coffre. "En fin de chasse, quand on se regroupe tous près des véhicules, il faut être particulièrement vigilant", prévient Eric.

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