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Au Venezuela, Chuwie ou le sauvetage au long cours des paresseux

"Comme c'est beau ! Il danse entre les arbres. Il est libre", jubile Haydee Rodriguez qui, avec son mari Juan Carlos, vient de libérer un paresseux dans la forêt, sur les hauteurs de Caracas.

"Maruja 58" est le 58e paresseux secouru par le couple qui s'est passionné pour l'espèce et a créé la Fondation Chuwie, un "centre de sauvetage et de rééducation des paresseux" qui a pour but de secourir, soigner et relâcher ces animaux natifs d'Amérique latine.

Chuwie est le premier paresseux secouru en juillet 2020. Depuis, le couple en a secouru 59.

"On ambitionne aussi d'aider la recherche sur l'espèce, de faire des recensements. Il y a très peu de documents. Beaucoup se répètent ou se contredisent", indique Juan Carlos.

Il n'existe pas non plus de chiffres sur le nombre de paresseux au Venezuela.

Avec la déforestation en Amérique centrale et du sud, l'habitat de l'animal se réduit, avertit WWF. Et selon l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), le paresseux nain est en "danger d'extinction" et le paresseux Bradypus torquatus est "vulnérable".

Près de Caracas, trois dangers guettent les paresseux : les chiens qui les attaquent, les accidents de la circulation et surtout les lignes électriques qui traversent les forêts et auxquels les paresseux tentent de s'accrocher, s'électrocutant aussitôt.

C'est ainsi que débute en juillet 2020 l'histoire de Chuwie et du couple Rodriguez.

"On allait faire nos courses et des passants nous l'ont montré. Il avait les mains brûlées, il s'était électrocuté. Il paraissait mort. Mais il a bougé au moment où on allait partir. On l'a emmené chez un vétérinaire en se disant: +ce sera bien, on aura sauvé un paresseux+", raconte Juan Carlos, un graphiste de 46 ans.

Mais Chuwie a perdu sa phalange du bras gauche (et donc ses griffes), il est gravement brûlé aux deux pieds. "On s'est alors dit, on le garde deux-trois semaines le temps qu'il guérisse", explique Juan Carlos.

Pour médiatiser l'histoire, Haydee, qui travaille dans la communication, et Juan Carlos créent des comptes sur les réseaux sociaux : @Chuwielgalan, "Chuwie, le galant", qui compte désormais près de 10.000 abonnés.

Pour le soigner, le couple se renseigne sur les paresseux, prend contact avec des spécialistes au Costa Rica. En quelques mois, ils deviennent eux aussi spécialistes et sortent récupérer des animaux blessés.

"On s'est transformé en sauveteurs de paresseux sans l'avoir voulu !", s'exclame Haydee.

Le couple continue de travailler, mais les paresseux occupent de plus en plus leur temps. Ils veulent notamment créer un centre d'accueil pour les animaux blessés.

- Malédiction du sourire -

En attendant, six paresseux vivent dans leur maison, reprenant des forces avant d'être libérés. Un a été mordu gravement par des chiens, un bébé a été retrouvé sans sa mère, un autre a été électrocuté...

Juan Carlos, qui découvre les habitudes alimentaires des animaux, doit chercher chaque jour des feuilles fraîches d'arbres tropicaux, notamment de caoutchoutier. "Il faut 1,6 kg de feuilles par paresseux par jour", souffle-il.

Pour financer l'activité, Haydee a développé des produits dérivés avec l'image de Chuwie.

"Les gens ont été émus par Chuwie. C'est un survivant", souligne Juan Carlos "mais malheureusement on ne pourra jamais le relâcher" car il est trop handicapé.

Sur leur site, le couple évite soigneusement de poster des photos avec Chuwie dans les bras. "Les paresseux ne sont pas des animaux de compagnie ou des peluches. Le paresseux a la malédiction du sourire éternel. On a toujours l'impression qu'il est content, mais c'est faux", s'agace Juan Carlos, qui souligne que les humains cherchant à domestiquer les paresseux sont un des dangers qui menacent l'espèce.

Le téléphone sonne. Un paresseux est en difficulté. Juan Carlos et Haydee sautent dans leur voiture pour rallier un lotissement à San José De los Altos, à plusieurs kilomètres.

Un paresseux est suspendu en haut d'un palmier. "Mon chien l'a attaqué. Il est monté, il est là depuis hier", raconte Maria Antonia Mugica, 63 ans.

Juan Carlos le récupère. Le paresseux est en parfait état de santé, mais il faut le relocaliser loin des maisons.

Quelques kilomètres plus loin, le couple repère un coin sans câbles électriques et avec les arbres appréciés des paresseux. Maruja 58 est "libre".

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