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Ces drôles d'oiseaux à casque rond sont massacrés à cause de leur ivoire rouge

Depuis quelques années, les gardes-forestiers indonésiens de la forêt de Bornéo le constatent: les calaos à casque rond se font rares et l'espèce est même sur le point de disparaître, chassée par les braconniers pour son "ivoire rouge", revendue à prix d'or au marché noir. 

Ce bel oiseau à la tête étrange qui vit dans les forêts tropicales d'Asie du Sud-Est est important pour la biodiversité et la culture locale. Mais l'"ivoire rouge" caché dans son casque de kératine est devenue une matière à la mode en Chine, revendue cinq fois plus cher que des défenses d'éléphants, en toute illégalité: il est recherché pour en faire des sculptures miniatures, des bijoux et des ornements décoratifs.

"La demande pour ces objets de luxe explose littéralement", explique à l'AFP Chris Shepherd, un responsable de l'ONG de surveillance du commerce de la faune et de la flore TRAFFIC, à Kalimantan, dans l'ouest de la partie indonésienne de l'île de Bornéo. "En Asie, cela atteint une proportion telle que des espèces comme le calao à casque rond sont en train d'être complètement décimées", déplore-t-il.

Ivoire plus facile à sculpter

L'"ivoire rouge" tirée du casque du calao - qui a la forme d'une bosse retombant de façon abrupte - est plus mou que l'ivoire des éléphants, donc plus simple à sculpter et très recherché. Les braconniers ne s'intéressent pas au plumage brillant ou au long bec de l'oiseau, seul le casque compte. Au marché noir, sa valeur atteint jusqu'à 1.000 dollars (900 euros), indiquent des experts, selon qui l'oiseau peut valoir plus que son poids en or.

Jusqu'à 500 calaos ont été abattus chaque mois depuis 2013

Conséquence de la demande frénétique de ces produits: dans la seule région de Kalimantan Ouest, jusqu'à 500 calaos ont été abattus chaque mois depuis 2013, soit 6.000 par an, selon certaines estimations. L'"ivoire rouge" est apparu en 2011 sur des sites internet où s'approvisionnent des acheteurs chinois et sur de luxueux marchés de faune et flore dans des pays frontaliers de la Chine, tels la Birmanie et le Laos.

Depuis, la chasse aux calaos s'est intensifiée, en particulier via des réseaux de trafiquants bien implantés à Kalimantan Ouest, dont la capitale Pontianak est dotée d'un aéroport international. L'abattage de l'espèce est "total et systématique", affirme M. Shepherd. Classé un temps espèce vulnérable, le calao est passé dans la catégorie espèce en danger critique sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), c'est-à-dire proche de l'extinction.

Désormais, l'unité d'élite de la police forestière indonésienne (SPORC) aperçoit rarement ces oiseaux, confie à l'AFP le chef de cette institution, David Muhammad. Au cours de leurs patrouilles, les policiers découvrent en revanche des crânes de calaos dans des cachettes utilisées par les braconniers, ainsi que des restes d'oiseaux jetés en forêt.

L'oiseau disperse les graines dans les forêts tropicales, contribuant ainsi à la croissance d'espèces florales

Le commerce de calaos à casque rond est pourtant interdit en Chine et dans les pays de son habitat naturel en Asie du Sud-est -- Thaïlande, Birmanie, Malaisie, Brunei et Indonésie. Car outre son importance pour la culture locale, l'oiseau disperse les graines dans les forêts tropicales, contribuant ainsi à la croissance d'espèces florales.

La situation est devenue alarmante, constate M. Shepherd. Le nombre de saisies d'oiseaux destinés à la contrebande n'est que la "pointe de l'iceberg": entre début 2013 et août 2014, près de 2.200 casques de calaos ont été confisqués en Chine et en Indonésie, dont le tiers dans la seule province de Kalimantan Ouest.

"Il y a très peu de gens qui font ça pour survivre. C'est pour beaucoup une activité criminelle"

Dans l'un des cas, la police indonésienne a intercepté quatre Chinois à l'aéroport de Pontianak avec près de 250 casques de calaos dissimulés dans leurs bagages. La contrebande de l'"ivoire rouge" et celle de l'ivoire des défenses d'éléphants ont de nombreuses similarités par leur ampleur et leur sophistication, observe Adam Miller, de l'ONG Planet Indonesia. "Il y a très peu de gens qui font ça pour survivre. C'est pour beaucoup une activité criminelle", dit-il à l'AFP. Nombre de trafiquants qui se font prendre ne possèdent pas seulement des casques de calaos mais aussi d'autres objets exotiques interdits.

Ainsi, un homme arrêté à Hong Kong en mai était en possession d'ivoire et de casques de calaos pour plus d'un million de dollars, tandis que deux Malaisiens appréhendés en décembre aux Etats-Unis transportaient des casques de calaos et des crânes d'orangs-outans. "Les gens veulent avoir des animaux illégaux, rares, chers, simplement pour exhiber leur statut et leur richesse", explique M. Miller.

A Kalimantan, l'extinction possible des calaos serait aussi une destruction culturelle, cet oiseau étant vénéré par la tribu des Dayak, population autochtone vivant dans la jungle de Bornéo, avertit le chef de l'agence publique de protection de la nature à Pontianak, Sustiyo Iriono. "C'est un symbole de nos traditions, nous devons le protéger".

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