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Chevaux mutilés: depuis la Corrèze, une cellule d'écoute nationale pour propriétaires angoissés

Des intrusions, des nuits blanches à guetter, la fatigue qui monte: à Arnac-Pompadour (Corrèze), où se trouve l'Institut français du cheval (IFCE), un centre d'écoute national répond aux appels de "détresse" de propriétaires, en pleine vague d'atrocités inexpliquées sur des équidés.

Au bout du fil, une propriétaire d'une jument "ne sait plus quoi faire": la nuit dernière "5 ou 6 individus" ont pénétré sur le terrain où son animal est en pension. A l'arrivée des gendarmes, ils s'étaient volatilisés, un manège qui se répète "depuis trois semaines".

"On est train de se demander si on doit poser des vacances pour surveiller nos chevaux (...) on ne peut pas faire des nuits blanches successives comme ça!", à enchaîner les rondes, lâche-t-elle, au bord des larmes.

Des appels, il en afflue des dizaines par jour depuis le 9 septembre sur le numéro vert* ouvert à l'Institut français du cheval et de l'équitation, sur son site d'Arnac-Pompadour, au pays de la vache Limousine.

Cet établissement public de la filière équine dotée de missions sanitaires et d'identification est le 2e plus gros employeur (200 agents) de ce village aux 1.100 âmes qui a lié son destin au "caballus", de l'hippodrome aux anciens haras nationaux, jusqu'aux écuries du château offert en 1745 à la favorite de Louis XV, Madame de Pompadour.

Et des dizaines de chevaux gambadent sur les terres de l'IFCE, alors ici comme ailleurs, "on est chiffonnés" par la série macabre qui fait l'objet de plus de 150 enquêtes, avec dans "20 à 25 % des cas", une origine humaine qui "ne fait aucun doute", selon l'Oclaesp, l'office central de gendarmerie qui coordonne les investigations.

Lancée à la demande du ministère de l'Agriculture, la plateforme a enregistré plus de 500 appels, avec des cas parfois "difficiles". "Ce sont des gens vraiment fatigués, très inquiets, qui s'écroulent en pleurant" et qui cherchent des conseils pour mettre à l'abri leurs chevaux, résume Muriel Gérard, responsable du service accueil à l'IFCE.

"Avec toutes ces informations qui arrivent par les réseaux sociaux, ça devient difficile pour les propriétaires de distinguer le vrai du faux, estime-t-elle, alors c'est sûr que l'inquiétude monte".

Casque avec micro sur les oreilles, Cécile, une éleveuse, et ses trois collègues tentent de rassurer les propriétaires - les blessures "naturelles" existent aussi - et déclinent les préconisations de la Gendarmerie nationale.

"On leur conseillera de rapprocher les animaux des habitations, les visiter très régulièrement, ne pas laisser de licol qui les rendrait facilement attrapables", énumère Mme Gérard.

Mais quand la prudence est déjà de mise? Rondes, caméras, détecteur de mouvement, tout est déjà en place, assure au téléphone la propriétaire de la jument. "On est un peu au bout des ressources qu'on a mobilisées", souffle-t-elle.

- Préfecture des chevaux -

Caroline Teyssier, directrice adjointe de l'IFCE Pompadour, partage d'ailleurs avec les gendarmes cette crainte que "la fatigue ne prenne le dessus": "On fait passer le message de ne pas se faire justice soi-même et de toujours contacter la gendarmerie au 17 pour signaler des mutilations".

Le site a été sollicité pour les liens étroits qu'il entretient à l'année avec les propriétaires et détenteurs de chevaux de toute la France. L'IFCE à Pompadour n'est-elle pas d'ailleurs "la préfecture des chevaux"?

"C'est ici qu'on fait leurs papiers d'identité", résume Caroline Teyssier, à la tête du Service d'informations relatif aux équidés (SIRE). Derrière ce sigle, une base de données qui recense les lieux de résidence des chevaux, soit un million d'équidés stationnés sur le territoire.

Estimés à 170.000, les détenteurs sont tenus d'y déclarer leur cheval (ou leur âne) pour faciliter la traçabilité sanitaire, en temps d'épidémies, son but premier.

Mais avec l'actualité, le fichier est devenu un outil à disposition des gendarmeries qui peuvent s'appuyer dessus pour cibler leurs surveillances, selon Mme Teyssier.

Au numéro vert, des bonnes volontés ont d'ailleurs proposé leur aide aux gendarmes, mais pour certains avec des "théories assez farfelues", voire complotistes, faisant un lien entre les blessures "et les ovnis", voire "la production de vaccins anticovid".

* 0 800 738 908

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