Accueil Actu

Enquête: les SUV constituent-ils un DANGER supplémentaire pour les piétons et les deux roues?

Les voitures deviennent de plus en plus sûres et sécurisées. D'ailleurs, le nombre de tués sur nos routes est en baisse. A l'inverse, les usagers faibles courent plus de dangers. Les SUV sont pointés du doigt. Mais en l'absence de chiffres et études, peut-on affirmer qu'ils sont un frein à la sécurité routière ?

Le nombre de tués sur les routes a baissé pour la 3e année consécutive en Belgique, comme l'a révélé l'Institut Vias au mois de mars dernier. En 2018, 440 personnes ont perdu la vie lors d'un accident de la route, contre 475 en 2017. C'est 35 vies sauvées. "Jamais auparavant, nous n’avions enregistré aussi peu de victimes", s'est réjoui Vias.

Mais parmi le public, certains n'applaudissent pas, s'interrogeant sur l'évolution du parc automobile. "On entend cette ineptie à répétition : moins de tués sur nos routes ! Il y a toujours autant, sinon plus de dingues sur la route. Toujours autant d'accidents. Une chose est certaine, les voitures modernes sont de plus en plus sûres et permettent aux fous du volant de réchapper aux crashs. Malheureusement, si vous vous trouvez sur leur route en tant qu'usager faible ou avec une voiture moins récente...", s'est indigné Alain lors de la publication de ces chiffres, via notre bouton orange Alertez-nous.

Rouler en 4X4 en milieu urbain, c'est totalement insensé

Si ce lecteur est un peu extrême dans ses propos, Vias reconnaît toutefois que les "bons" chiffres de 2018 ne sont en effet pas si bons que ça pour les cyclistes, motards, et les seniors. Benoît Godart, porte-parole de Vias, tempère néanmoins en mettant en avant le nombre d'usagers faibles. "Les piétons et cyclistes sont de plus en plus nombreux à Bruxelles. Il est dès lors logique, même si cela reste regrettable, qu'ils soient impliqués dans plus d'accidents", explique-t-il.

Mais malgré la prudence affichée en réaction aux propos de notre témoin, Vias admet néanmoins qu'il est évident que le SUV, voitures "moderne" par excellence, n'est sans doute pas le type de véhicule le plus approprié pour la sécurité, surtout en milieu urbain. "Les SUV induisent plus un comportement à risques de la part du conducteur qui est plus haut et a plus de puissance sous le pied. En termes de sécurité routière, ce n'est pas une bonne chose, contrairement aux arguments avancés par les constructeurs automobiles", indique Benoît Godart. Il reprend: "Les casse-vitesse les ralentissent beaucoup moins qu'un véhicule habituel. Bref, c'est un peu un type de véhicule qui permet de se mettre haut perché, à bord d'un véhicule plus lourd, et tant pis pour les autres. C'est dommage pour la sécurité de tous, sans parler de l'impact écologique. Honnêtement, rouler en 4X4 en milieu urbain, c'est totalement insensé. Ce n'est pas ça l'avenir de la mobilité, ni de l'automobile. On peut espérer aller vers des voitures moins polluantes, et plus sûres pour tout le monde, aussi les piétons et cyclistes."


Une étude chiffre le "transfert" des victimes

Dans une autre étude de l'institut Vias, relayée début mars par le quotidien néerlandophone De Morgen, les résultats montrent que les SUV assurent plus de sécurité à ses occupants, mais constituent en effet un plus grand danger pour les usagers faibles, parmi lesquels les motards, les cyclistes et les piétons. Les chiffres émanent d'analyses effectuées de 2015 à 2017. Pour 1.000 accidents corporels de voitures avec des piétons, il y en a 140,9 qui aboutissent à un blessé grave ou un décès. Quand on exclut les SUV des analyses, ce chiffre baisse à 132,6 pour 1.000 accidents.

Dans l'autre sens, des chiffres plaident en faveur des SUV quant il s'agit de "protéger" ses occupants. En effet, pour 1.000 accidents entre voitures dans lesquels il y a au minimum un occupant blessé, il y en à 95,4 qui fera un blessé grave ou un décès quand on prend tous les types de véhicules en considération. Donc on est à moins de 10%. Si on exclut les SUV des analyses, il y a 109,9 occupants sur 1.000 qui seront grièvement blessés voire morts. Donc presque 11%.

Il est évident que plus la masse d’un véhicule augmente, plus les dégâts engendrés lors d’un accident sont importants

Pas d'étude approfondie sur le sujet

C'est, à l'heure actuelle, la seule donnée chiffrée qui nous permet de définir, à la fois, la sécurité offerte par un SUV à ses occupants, et le danger que représente ce même SUV pour d'autres usagers. On y observe que la différence n'est pas colossale, raison pour laquelle les acteurs de terrain évitent aussi de s'emballer sur le sujet. "Il n'y a qu'une chose à laquelle on peut répondre, c'est qu'il est évident que plus il y a des véhicules sur les routes, moins il y a de place pour les vélos. Mais affirmer que des voitures modernes, plus grosses, génèrent plus d'accidents ou des accidents plus graves, je n'ai aucun élément scientifique en mains pour l'affirmer", indique Coralie De Pierpont, porte-parole de l'association Provélo.

Magali Bartiaux, chef de service des urgences de l'hôpital Saint-Pierre à Bruxelles, insiste aussi sur la prudence à observer face au manque des données scientifiques. "Notre expérience professionnelle est restreinte car si le mécanisme de l'accident est souvent évoqué, le type de voiture l'est très peu. Quand on a un accidenté qui arrive, on ne lui demande pas s'il a été percuté par un SUV ou par une voiture 'normales'", prévient-elle. "Subjectivement, la mode des SUV n'a pas augmenté le nombre de patients traumatisés de la route chez nous. Maintenant, si on veut être tout à fait objectif, il faudrait qu'une étude complète sur les 10 dernières années soit réalisée", précise-t-elle.

Marie-Noëlle Collart, du service régional Bruxelles-Mobilité, avance néanmoins un argument scientifique pour démontrer qu'un SUV, plus lourd, représente logiquement un plus grand danger pour tout piéton ou cycliste qui se trouverait sur son chemin. "La force appliquée lors d’un accident dépend de la vitesse (au carré) et de la masse des véhicules. La formule est E = m.V2/2. Il est donc évident que plus la masse d’un véhicule augmente, plus les dégâts engendrés lors d’un accident sont importants. Les SUV ont par ailleurs des profils dangereux pour les piétons et les cyclistes, car les zones d’impact se trouvent au niveau de l’estomac et du thorax, zones sensibles du corps humain".


"Le tribut que nos sociétés paient à la voiture reste beaucoup trop élevé"

Mais c'est l’association "Parents d’enfants victimes de la route" (PEVR) qui va le plus loin et dénonce le fait que les améliorations ne vont que dans un sens. "Même si la sécurité routière s’est fortement accrue au cours des dernières décennies, le tribut que nos sociétés paient à la voiture reste beaucoup trop élevé. De plus, les réponses techniques qui sont proposées au problème de l’insécurité routière ne semblent plus guère profiter qu’aux occupants des voitures".

L'association appuie sur l'augmentation du poids, mais aussi de la puissance des véhicules observées ces dernières années. Et donc, le danger plus important pour celui "en face", qu'il soit piéton, cycliste, ou occupant d'une autre voiture. D'autant que "la conception des voitures n’est pas sans influencer les comportements au volant. Soutenir que 'c’est le conducteur qui tue, ce n’est pas la voiture'
est intellectuellement malhonnête", dénonce encore l'association qui reproche aux constructeurs automobiles de produire des modèles dont la sécurité ne semble pas du tout être une priorité, même si c'est parfois présenté comme tel.


De plus en plus de SUV sur nos routes

Pour conclure, notons que selon des chiffres de Traxio, sur 549.632 nouveaux véhicules immatriculés en Belgique l'année passée, 209.750 étaient des SUV. Donc plus d'un sur trois. En 2010, ce chiffre n'était encore que d'un sur dix. La transformation de notre parc automobile est donc réelle et continue, et va sans doute à l'encontre des défis qui sont les nôtres en termes de mobilité et d'environnement. Peut-être aussi en termes de sécurité. Il est primordial d'en être conscient et d'adapter sa conduite, surtout en ville, car en cas d'accident grave, même si l'on s'en sort indemne, les "blessures" sont souvent profondes. Et ce, des deux côtés...

À la une

Sélectionné pour vous