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De plus en plus de camionnettes en Belgique: pour ÉCHAPPER à la taxe kilométrique ?

Depuis l'arrivée, en 2016, de la taxe kilométrique pour les camions de plus de 3,5 tonnes, on constate une forte augmentation du nombre de véhicules utilitaires légers. Ceux-ci ne sont pas soumis à la redevance. Une injustice selon le syndicat de routiers UPTR qui plaide pour l'élargissement de la taxe à tous les véhicules. Pas à l'ordre du jour, répond le cabinet du ministre.

La taxe kilométrique a (légèrement) étendu son champ d'application depuis le premier janvier. Après les camions de plus de 3,5 tonnes, c'est au tour des véhicules dits "N1 BC". Ces véhicules peuvent tracter des semi-remorques, avec un poids maximal de 3,5 tonnes. Leur habitacle ressemble à celui d'une camionnette à laquelle on aurait attaché un semi-remorque. En effet, ils possèdent une cabine et un plateau de connexion destiné à l’attelage. Voici comment se présente un véhicule N1 BC avec sa semi-remorque (image extraite du site Satellic.be):

Les véhicules N1 BC sont principalement utilisés dans le transport de marchandises. Environ 1.000 véhicules de ce type sont immatriculés en Belgique, selon un porte-parole de Viapass, l'organisme public qui coordonne et contrôle la taxe kilométrique. De la même façon, environ 1.000 tracteurs de semi-remorque immatriculés à l'étranger emprunteraient chaque année les routes belges.

Cette catégorie de véhicules ne représente donc qu'une infime partie du trafic. Leur taxation a été conjointement décidée par les trois régions.

Le passage d’un camion de 44 tonnes équivaut au passage de 150 000 véhicules cumulés

Mise en place en 2016, la redevance kilométrique vise à financer les infrastructures routières et fluviales dont l'entretien est, on le sait, particulièrement coûteux. Sa logique est simple: plus on roule et donc plus on use, plus on paie. Et jusqu'à présent, seuls les plus lourds payaient, les camions de plus de 3,5 tonnes étant désignés comme les principaux destructeurs du revêtement des routes. "Le passage d’un camion de 44 tonnes équivaut au passage de 150 000 véhicules cumulés", citait récemment en exemple le ministre Maxime Prévot.

L'année dernière, cette taxe a rapporté quelque 676 millions d'euros. La Flandre a récolté 424,4 millions d'euros, la Wallonie 241,5 millions et Bruxelles 10,1 millions. Sur les routes belges, 46% des camions sont immatriculés en Belgique. Derrière, on retrouve les Néerlandais avec 10,7% du trafic, suivis des Polonais (9,2%) et des Roumains (6%).


Année record pour les ventes de camionnettes

Cette entrée en vigueur de la taxe kilométrique n'a pas été sans conséquence. Un an après sa mise en application, le secteur routier constate une augmentation du nombre de véhicules utilitaires légers, non soumis au prélèvement.

La tendance est confirmée par les données d'immatriculations de la Febiac (Fédération Belge de l'Automobile du Cycle). Avec 68.165 véhicules utilitaires légers de moins de 3,5 tonnes immatriculés en 2016, ce segment a connu une année record. Jamais en dix ans, il ne s'en est autant vendu. Dans le même temps, 3.791 camions de plus de 3,5 tonnes ont été immatriculés, soit un chiffre stable depuis 2012, année où l'on était passé définitivement sous la barre des 4.000 véhicules.


710.000 véhicules utilitaires légers

Au total, le parc des utilitaires légers n'a jamais été aussi important en Belgique et a franchi en 2016 la barre symbolique des 700.000 véhicules (710.000). Dans le même temps, on ne comptait plus que 97.000 véhicules de plus de 3,5 tonnes en 2016, contre plus de 100.000 trois ans plus tôt.

"Les véhicules utilitaires légers belges (camionnettes) ont parcouru plus de kilomètres en 2016 qu’en 2015 (+4,8 %), contrairement aux camions et aux tracteurs de semi-remorque qui eux ont parcourus respectivement 2,7 % de kilomètres et 1 % de kilomètres en moins", note un communiqué du SPF Mobilité.


"L'arrivée de la taxe kilométrique a davantage fait basculer du côté de la camionnette"

"Des éléments qui poussaient les gens à en acheter, il y en avait déjà beaucoup, nous expliquait Jérôme Vanhassel, vendeur de véhicules utilitaires, en avril 2016Mais je pense que l’arrivée de la taxe kilométrique a davantage fait basculer du côté de la camionnette". A noter que l'introduction de cette taxe kilométrique ne peut justifier, à elle seule, le boom des camionnettes sur nos routes. L'essor du commerce en ligne explique également, parmi d'autres facteurs, l'accroissement de ce type de véhicules utilisés pour les livraisons des colis.

On observe de plus en plus de camionnettes sur nos routes. Cela permet aux usagers d'échapper à la taxe

"On observe de plus en plus de camionnettes sur nos routes. Cela permet aux usagers d'échapper à la taxe", confirme Mickaël Reul, secrétaire général de l'UPTR (Union professionnelle du Transport et de la Logistique). Un camion de plus de 3,5 tonnes est soumis à la taxe. Par contre, une camionnette de moins de 3,5 tonnes mais transportant une remorque dont le poids l'élèvera à plus de 3,5 tonnes sera, elle, exemptée de toute redevance. "Pour décider de cette redevance, on (les autorités, nldr) s'intéresse uniquement aux véhicules moteurs. Ce n'est pas logique ! C'est plus cohérent de prendre en compte l'ensemble de la combinaison des véhicules", s'exclame le secrétaire général.

Par ailleurs, les camionnettes ne sont pas non plus soumises au tachygraphe qui enregistre les temps de conduite et la vitesse du véhicule. Tous ces éléments pousseraient donc certains à s'équiper de camionnettes leur permettant d'éviter toutes les contraintes imposées au secteur des poids lourds. Certains iraient même jusqu'à transférer le contenu du chargement d'un camion dans des camionnettes juste avant la frontière belge (voir plus bas).

Ces phénomènes restent marginaux et ne peuvent orienter les décisions, semble-t-il ressortir d'une réponse qui nous a été livrée par le cabinet du ministre wallon de la Mobilité. "Ce n'est pas du tout le même type de transport entre une camionnette et un tracteur de remorque ou semi-remorque. Ce sont deux types de transport différents", déclare sa porte-parole. "Rappelons que les camionnettes peuvent occasionnellement tirer une remorque mais ce n'est pas le but".

Mais pour l'UPTR, la différence de traitement est injuste et le syndicat plaide dès lors pour un élargissement de la taxe kilométrique à tous les véhicules.

Faut-il généraliser la taxe kilométrique?

Selon l'UPTR, étendre la taxe à plusieurs catégories de véhicules permet de réduire les inégalités entre les usagers. "Nous plaidons pour l'extension de la taxe kilométrique. Si, sur la route, tout le monde paie, chacun paie un peu moins. Tout usager qui utilise la route doit payer. On parle d''utilisateur-payeur'", nous confie Mickaël Reul, secrétaire général de l'UPTR. "Il n'y a pas de raison que certains paient et d'autres pas !", insiste-t-il.


"Le transporteur répercute la taxe sur sa facture"

Tous ne partagent pas l'avis de l'UPTR. Alain Durant est chauffeur routier et responsable de L’Interface pour le Transport et la Sécurité Routière en Europe (ITSRE), une ASBL devenue un syndicat, le SECOP-ITSRE. Il regrette l'instauration d'une telle redevance. "Dans trois ans, soit après les prochaines élections, les voitures le seront aussi ! Et ce n'est pas souhaitable", s'exclame le responsable de l'ITSRE. Selon lui, de telles décisions impactent directement le portefeuille du consommateur. "Le transporteur répercute la taxe sur sa facture puis c'est au producteur d'élever son prix de vente. En réalité, le premier perdant est le consommateur", assure Alain Durant.


Le cabinet du ministre: "NON, la taxation au kilomètre ne sera pas élargie aux automobiles"

Interrogé sur l'éventuelle étendue de la taxe kilométrique, le cabinet du Ministre de la Mobilité, Carlo Di Antonio, est catégorique: "Non, ce n'est pas la volonté du gouvernement wallon que d'étendre la taxation au kilomètre pour les automobilistes", nous indique la porte-parole du ministre. Elle justifie: "Ce ne serait pas juste pour les citoyens qui prennent la route pour se rendre au travail. L'automobiliste belge contribue déjà à l'entretien du réseau à travers diverses taxes."


Recours à des pratiques illégales pour contourner la taxe

Afin d'échapper à cette redevance, des transporteurs étrangers ont recours à des techniques illégales. Ils effectuent une partie du trajet à bord d'un camion et arrivés à la frontière belge, ils déchargent leur cargaison dans de plus petits véhicules qui ne sont, quant à eux, pas soumis à la taxe kilométrique. 

"On voit sur les routes des camionnettes surchargées. Bien sûr, c'est un risque en terme de sécurité routière", relève Alain Durant, responsable de l'ITSRE pour la région wallonne. 

C'est ainsi que certains véhicules légers se transforment en poids lourds, avec les risques que cela engendre. Un porte-parole de la police fédérale de la route nous a confirmé ce type d'infractions. "En effet, nos policiers ont déjà constaté le recours à des camionnettes surchargées par des transporteurs", nous indique-t-on. Cependant, aucune statistique précise ne nous permet de savoir si ce type d'infractions est en hausse depuis l'instauration de la taxe kilométrique.


"A chaque fois qu'une disposition est prise, des personnes essayent de contourner le système"

Une réglementation encadre pourtant les conditions de chargement d'un véhicule. Il se retrouve en surcharge dès lors que le poids réel dépasse le MMA (masse maximale autorisée). Cette dernière est définie selon des critères techniques et est inscrit sur le certificat d'immatriculation du véhicule. En cas de surcharge, les policiers se chargent de dresser un procès verbal aux contrevenants. Ces derniers sont ensuite adressés au Parquet qui décide de la sanction. 

Le Cabinet de Di Antonio, conscient de ces écarts à la loi, compte sur les contrôles censés dissuader les contrevenants. "A chaque fois qu'une disposition est prise, des personnes essayent de contourner le système. C'est un phénomène que l'on déplore. Il faut être vigilant car on connaît les risques que cela implique", nous précise-t-on. 


Comment marche concrètement la taxe kilométrique ?

Pour appliquer la réglementation en vigueur, les propriétaires des véhicules soumis à la taxe doivent s’acquitter d’une unité embarquée, appelée OBU pour "On Board Unit". Placé dans la cabine du camion, cet appareil permet d’enregistrer les kilomètres parcourus par le tracteur de semi-remorque grâce à un système de GPS. "L’OBU doit être activé avant votre entrée en Belgique, et cela chaque fois que vous empruntez une route belge", précise l’entreprise Satellic, entreprise désignée pour prélever le péage. 

Le système enregistre ensuite le prélèvement kilométrique applicable aux différents types de routes. La classe d’émission de CO2 du véhicule est également prise en compte.

Enfin, chaque usager reçoit un relevé lui indiquant le montant à payer en fonction de tous ces différents critères retenus. Les montants sont ensuite versés aux percepteurs de péage des trois régions.

Des contrôles stationnaires sont installés sur les autoroutes afin de déterminer si les tracteurs disposent bel et bien d'un OBU. Il existe également des contrôles dits "flexibles", positionnés "n'importe quand et n'importe où sur les routes belges", comme le précise la société Satellite. Enfin, des contrôles mobiles viennent s'ajouter à ces moyens d'inspection.


Quatre catégories d'amendes en fonction de la gravité de l'infraction 

Les trois régions ont décidé de graduer les amendes en fonction de la gravité de l'infraction. Quatre catégories d'infractions sont ainsi créées.

La catégorie A concerne les infractions les plus graves: manipulation du système d'enregistrement électronique (On Board Unit) dans l'intention de frauder et falsification des documents de bord nécessaires pour déterminer le poids total maximum autorisé et la norme d'émission Euro du véhicule. L'amende s'élèvera à 1.000 euros.

La catégorie B (amende de 800 euros) concerne des infractions comme l'absence de système d'enregistrement électronique OBU.

La catégorie C (amende de 500 euros) concerne des infractions telles que la non-activation du système d'enregistrement électronique (OBU), l'utilisation d'un appareil affecté à un autre véhicule ou encore le fait de ne pas prendre contact avec le fournisseur de services lorsqu'une panne de l'appareil est constatée.

Les autres infractions relèvent de la catégorie D (amende de 100 euros).

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