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Décès de son conjoint: trop jeune, Delphine n'a pas droit à toutes les aides

Perdre son conjoint est une épreuve terrible qui concerne 7.000 familles en Belgique. Mais à la peine s'ajoutent parfois de gros ennuis financiers. Pour compenser la perte du revenu du conjoint, les aides publiques ne sont pas énormes, surtout quand on est jeune. La pension de survie n'est allouée au conjoint survivant qu'à partir de 48 ans. Avant cet âge pivot, la loi prévoit une allocation de transition de deux ans maximum.

Delphine Laval a 39 ans. L'an dernier, elle a perdu son mari, décédé d'un choc septique dû à une infection foudroyante. Ensemble, ils avaient acheté une maison et ont eu deux enfants, Julia, âgée de 6 ans, et James, 2 ans. Trop jeune, elle ne peut pas bénéficier de la pension de survie, accordée à 47 ans si le conjoint est décédé en 2020 (ce qui est son cas) et 48 ans si le décès survient en 2021. "Je trouve que le terme "pension de survie" est tellement bien choisi, témoigne-t-elle sur le plateau de C'est pas tous les jours dimanche. Est-ce qu'il y a un âge pour définir la souffrance qu'on peut traverser quand on a une telle perte ? Trop jeune pour la toucher, mais on ne la touche pas à 47 ans, on la touche à 67 ans."

"Une petit épée de Damoclès"

Pourtant, c'est maintenant que Delphine a besoin d'aide. "J'ai pris, pour traverser ce deuil, une jeune fille au pair. Il y a une aide de transition, une petite épée Damoclès parce qu'on sait que ça va se terminer et puis, l'aide que j'ai maintenant sert à financer l'aide que je dois prendre pour traverser ça." Cette aide qu'elle perçoit s'élève à 800 euros par mois et elle se terminera en février prochain.

Plusieurs conditions doivent être remplies pour qu'une personne veuve ait droit à une allocation de transition:

  • au moment du décès, elle ne doit pas avoir atteint l'âge minimum nécessaire pour percevoir une pension de survie
  • elle doit avoir été mariée pendant au moins un an
  • elle ne doit pas être remariée
  • elle ne doit pas avoir été condamnée pour avoir attente à la vie du conjoint décédé.

Moralement, cette période est très compliquée pour Delphine, qui commence seulement "à avoir la tête un petit peu hors de l'eau", grâce notamment à la jeune fille au pair. "Si l'aide s'arrête en février, le choix d'avoir une jeune fille au pair va vraiment devenir compliqué. Il y a un peu un vide abyssal au niveau de la compréhension de ce que c'est. On parle de survie. S'il y a bien un moment donné dans ma vie où j'ai besoin d'aide, c'est maintenant."

"On n'en peut rien que notre mari soit décédé"

La vie d'Anne-Sophie a elle aussi basculé lorsque son mari est décédé brutalement il y a six ans. En plus du deuil, elle a subitement dû vivre avec un revenu au lieu de deux. Âgée de 42 ans à l'époque, elle était, comme Delphine, trop jeune pour bénéficier d'une pension de survie. "On m'a dit textuellement: vous avez 42 ans, il aurait fallu avoir 45 ans acquis pour avoir la pension de votre mari. Donc jusqu'à 67 ans, je dois me débrouiller avec juste mes revenus."

En attendant l'âge de la pension, Anne-Sophie, en incapacité physique de travail, vit avec 940 euros par mois. Son fils habite avec elle, il l'aide à boucler les fins de mois les plus difficiles. "Un prêt à payer, une voiture à payer, les frais de la maison à payer... Et avoir moins de 1.000 euros pour pouvoir vivre. Je rame. On s'en sort comme on peut, on fait ce qu'on peut. On voudrait que les lois changent parce que ce n'est pas normal qu'on ne puisse pas avoir une pension de survie. On n'en peut rien que notre mari soit décédé, on n'en peut rien que la personne soit partie. On n'en peut rien de tout ça."

Un système qui "ne répond pas aux besoins des veuves"

Invitée sur le plateau, Karine Lalieux, ministre des Pensions et de l'Intégration sociale, chargée de la Lutte contre la pauvreté (PS), a expliqué que ce sont majoritairement des femmes qui touchent une allocation de transition (1.200 personnes sont concernées à l'heure actuelle) et une pension de survie. Elle dénonce le système actuel qui, selon elle, "ne correspond pas et ne répond pas aux besoins des veuves".

"Je suis une femme, je suis une ministre et je veux donc y répondre. Je vais proposer une réforme sur la table du gouvernement avant l'été avec des axes principaux. D'abord, sur l'allocation de transition. Ça dure deux ans. Ça ne répond pas aux besoins aujourd'hui. Deux ans, c'est très court pour se reconstruire, pour vivre son deuil, mais surtout pour répondre aux besoins des enfants. Je vais proposer une augmentation, je ne peux pas encore dire de combien parce que le gouvernement n'a pas encore décidé, mais en tout cas, une augmentation significative de l'allocation de transition pour laisser à madame le temps de répondre aux besoins de la famille."

"Il faut travailler sur l'imposition"

La pension de survie, fixée à 48 ans actuellement, passera à 50 ans en 2025. "Et elle ne peut pas être cumulable à un autre revenu tandis que l'allocation de transition, oui. Si madame a un revenu, si elle a une allocation de chômage, elle peut cumuler les deux. La pension de survie, non." Pour la ministre, il faut donc que l'allocation de transition soit plus longue, mais aussi "travailler sur l'imposition". "Un Etat ne peut pas donner d'une main et reprendre de l'autre. Il faut travailler sur la simplification administrative, les gens ne connaissent pas leurs droits. Tout cela, c'est une réforme parce que je veux répondre à cette détresse des femmes, essentiellement. D'ici l'été, j'espère porter une réforme avec le gouvernement."

"Je pense que notre système des pensions ne répond plus aux situations des femmes en particulier et que nous devons avancer ensemble. Je suis vraiment à l'écoute des gens parce que c'est comme ça que nous pouvons faire une politique qui correspond à leurs besoins", a conclu la ministre. Actuellement, les personnes en cohabitation légale qui perdent leur conjoint n'ont droit ni à l'allocation de transition, ni à la pension de survie.

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