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Les "oubliés" de la liste des métiers pénibles: "Ils ne peuvent le ressentir que comme une attitude méprisante à leur égard"

Deux syndicats sur trois (CSC et CGSLB) se sont accordés avec le ministre des pensions Daniel Bacquelaine (MR) sur une liste de métiers pénibles qui donnent droit à une retraite plus jeune ou plus élevée. Le CD&V et le MR soutiennent l’accord. Mais une bonne partie de la Flandre trouve que le ministre a trop concédé aux syndicats. Le vice-premier ministre Open VLD Alexander De Croo estime que la liste des métiers… “n’existe pas”. La N-VA, par la bouche de son député Jan Spooren, a aussi rappelé que le mot "accord" était "bizarre" et "prématuré".


Pourquoi certains n'y sont pas?

Quant à la liste, ou plutôt le projet de liste, sur la table, il est scruté par les représentants de nombreuses professions. Certains sont ravis d’y figurer, d’autres ne comprennent pas pourquoi ils n’y sont pas. Par exemple, les enseignants de l'enseignement maternel, primaire, secondaire, professionnel et spécial sont tous sur la liste des métiers pénibles dans la fonction publique, à en croire une liste diffusée jeudi par les syndicats.


"Pénibilité rime aussi avec pénurie"

Et à l’intérieur même du monde de l’école, certains se sentent mis de côté, comme l’explique Ghislain Maron, directeur de l'Ecole ouverte d’Ohain et président de l'association inter-réseaux des directions d'écoles. Les enseignants figurent sur la liste des métiers pénibles, contrairement aux directeurs d’école. "Pour nous, pénibilité rime aussi avec pénurie. On manque de directeurs d’école, plus personne ne veut s’engager dans ce métier", explique-t-il. "L’image d’Épinal qu’on donne du directeur d’école, bien au chaud dans son bureau, ça n’existe pas. Le directeur d’école est le pilote d’une petite société qui commence à 7h du matin, qui termine à 18h30, 19h, avec toutes les tensions qui existent dans une société".


"Honnêtement, ce n’est pas un métier pénible"

Tommy Scholtès, porte-parole des évêques, bénéficiait des mêmes tantièmes préférentiels qu’un conducteur de train : 25 ans de carrière effective lui en donnait 31, or il perd cet avantage. Il réagit: "Honnêtement, ce n’est pas un métier pénible, c’est un métier passionnant, qui est une vocation. Un métier dans lequel à un moment donné on prend sa pension. La plupart des prêtres ne prennent pas leur pension à 65 ans, ils continuent en général jusqu’à 75 ans. Dans le Brabant wallon, il y en a un qui a 90 ans et qui est florissant. Je crois que se mettre dans la perspective de fonctionnaire, honnêtement… nous ne sommes pas des fonctionnaires", estime-t-il.


"C’est un camouflet"

Les magistrats bénéficiaient des mêmes tantièmes préférentiels que les prêtres. Luc Hennart, président du tribunal de première instance de Bruxelles, trouve-t-il qu’il y a un souci à être exclu de la liste ? "D'abord, il y a une différence entre nous deux, c’est que les prêtres ont l’éternité devant eux", plaisante-t-il. "Je crois véritablement que c’est un camouflet. Parce que les juges, au quotidien, le juge d’instruction, le juge de la jeunesse, le juge de la famille, est en permanence dans le conflit. Il est confronté à une réalité sociale qui devient de plus en plus difficile à gérer. On traite la magistrature comme on traite l’ensemble de la fonction publique, c’est-à-dire, à mes yeux, avec mépris".


"Ceux qui ne sont pas dans la liste ne peuvent le ressentir que comme une attitude méprisante à leur égard"

Il se demande comment les critères ont été établis pour que les juges, les procureurs et les personnes qui travaillent avec eux soient exclus: "Je ne comprends pas, c’est un métier qui est passionnant, ça ne fait pas l’ombre d’un pli, mais c’est un métier qui est difficile. Ceux qui ne sont pas dans la liste ne peuvent le ressentir que comme une attitude méprisante à leur égard. Je crois que fondamentalement, il y a une forme d’hypocrisie dans tout ça, et que toute la fonction publique n’a jamais été aussi massacrée que pour l’instant".


"La plupart du personnel de direction ne part pas tôt à la pension"

Daniel Bacquelaine a-t-il "oublié" des métiers dans sa liste ? "Non, mais ça montre bien que cette liste a été étudiée de manière complète et qu’on a considéré que des fonctions de direction, en règle générale, et c’est vrai quelle que soit le secteur dans lequel on travail, ne ressortait pas de la possibilité de partir très tôt en pension. Pourquoi ? Parce que des fonctions de direction ou des fonctions à très fortes responsabilités, il y a un investissement important personnel, mais aussi de la collectivité. Donc on considère que partir à la pension trop tôt, ça pose un problème par rapport à l’ensemble du service rendu à la collectivité. Et d’ailleurs, dans les faits, on s’est rendu compte que la plupart du personnel de direction ne part pas tôt à la pension, même quand il a la possibilité de le faire. Ça, c’est la réalité aujourd'hui. Beaucoup de magistrats travaillent jusque 65 voire 67 ans".

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