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Ses profs pas remplacés, Fanny a raté 145h de cours: "C’est dramatique, on génère le décrochage scolaire"

Les jeunes Wallons et Bruxellois sont d’ores et déjà moins bons à l’école que la moyenne des pays développés. Et cette situation pourrait empirer. Cette semaine les directeurs d’écoles ont tiré la sonnette d’alarme. Ils éprouvent de plus en plus de difficultés à trouver des remplaçants quand un enseignant est malade. L’avenir de nos jeunes est dès lors en jeu. C'est l'un des sujets abordés sur le plateau de C'est pas tous les jours dimanche.

Pour aborder cette problématique, Luc Tambeur est venu témoigner sur le plateau de C’est pas tous les jours dimanche. Sa fille Fanny, élève de secondaire en région bruxelloise, a été envoyée à l’étude pendant 145h l’année dernière. Soit l’équivalent de plus d’un mois de cours. "Je suis effectivement arrivé à ce total assez effarant", confie ce papa.

"Pendant ces heures d’étude, rien ne leur est demandé. Les élèves doivent s’occuper, travailler mais on n’a pas toujours de travail. Ce n’est pas parce qu’ils ratent un cours de math, qu’ils doivent faire des calculs. On peut lire un livre, faire des mots-croisés. Il arrive même que certains dorment sur leur banc", affirme Luc, relayant les confidences de sa fille. "Selon elle, cette année à l’étude il y avait tellement de monde qu’on demandait à certains d’aller à la cour de récréation", ajoute le père de famille.


"On est occupé à générer le décrochage pour certains élèves quand ils n’ont pas cours"

Ce problème touche aussi bien l’enseignement libre qu’officiel. Au niveau des écoles catholiques, c’est Patrick Dekelver qui mène la révolte. Selon lui, le nombre d’heures pour lesquelles on ne trouve pas de remplaçant est trois fois plus important que l’an passé. Il pointe du doigt l’origine de cette situation. "La pénurie d’enseignants c’est une réalité, mais nous prétendons que la réforme des titres et fonctions aggrave la situation", déplore le directeur de l'Institut des Sacré-Cœurs de Waterloo et président de l’Association des directeurs de l’enseignement secondaire libre de Bruxelles et du Brabant wallon.

Il donne un exemple concret. Récemment, le directeur assure avoir dû remplacer une enseignante de français et de latin, partie en congé de maternité, par trois professeurs différents pour respecter le titre requis.

La conséquence est un nombre plus élevé d’heures d’étude, le temps de trouver des remplaçants. Certaines matières ne sont dès lors pas vues. "C’est dramatique. On est occupé à générer le décrochage pour certains élèves quand ils n’ont pas cours. Je suppose que les élèves plus âgés que Fanny peuvent être libérés. Ils vont dans la rue et là c’est parti. C’est l’ennui et c’est le décrochage", assure le directeur.


Les solutions proposées par la ministre Schyns

Face à ce constat, que fait la ministre de l’Education en Fédération Wallonie-Bruxelles ? Marie-Martine Schyns tient d’abord à souligner que le manque d’enseignants est une réalité présente aussi en Flandre, aux Pays-Bas ou en Allemagne, où il n'y a pas forcément un décret comme celui des titres et fonctions.

"L’objectif premier du décret était qu’il y ait devant la classe l’enseignement qui ait le titre le plus adéquat pour donner la discipline. Quand aujourd’hui on ne trouve pas l’enseignant qui a le bon titre, il existe des solutions. Il y a des procédures pour engager des enseignants dont la formation est plus éloignée. Parfois ces procédures sont lourdes et j’ai déjà rencontré plusieurs associations de directeurs et on a essayé de construire avec eux certaines mesures pour les alléger et obtenir des remplaçants", répond Marie-Martine Schyns.

"Par exemple pour recruter un enseignant dans les matières en pénurie, comme le français et les langues, on ne doit plus avoir cette procédure administrative qui s’appelle le PV de carence. C’est une des mesures que l’on propose", ajoute la ministre qui précise que ce décret doit arriver au parlement en février. 

Elle annonce aussi une autre mesure pour éviter que les élèves soient parfois livrés à eux-mêmes pendant les heures d’étude, comme Fanny l’a souligné. "C’est que l’on propose c’est que les directeurs puissent ouvrir une fonction d’encadrement pédagogue, donc recruter quelqu’un qui a des titres dans l’enseignement, qu’il soit professeur d’une matière qui n’est pas en pénurie ou un éducateur. Et que cette personne puisse accompagner les élèves en classe et non pas à l’étude et les aide à faire des exercices de néerlandais quand le prof de néerlandais est malade par exemple. C’est une solution de dernier recours", explique Marie-Martine Schyns.

Pour Laurent Henquet, député wallon et à la Fédération Wallonie-Bruxelles (MR), cette solution arrive fort tard.


Un besoin vital de revalorisation du métier 

De son côté, Joseph Thonon, président de la CGSP-enseignement estime que l’on ne peut pas dire que le manque d’enseignants est causé par le décret de titres et fonctions. "La pénurie de profs est structurelle. Elle existe depuis 2003 et ne fait que grimper", martèle le syndicaliste.

Pour lui, il faut revaloriser le métier de professeur pour attirer plus de candidats.

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