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Fallait-il interviewer Bernard Wesphael en prison?

Des journalistes de M Belgique et de Sud Presse sont allés rendre visite à Bernard Wesphael, incarcéré à la prison de Bruges pour l’interroger. Ces méthodes sont-elles habituelles ? Sont-elles acceptables ? C’est ce que Georges Huercano et ses chroniqueurs ont tenté de savoir dans "On refait le monde" ce dimanche sur RTL-TVI.

Fallait-il interviewer Bernard Wesphael en prison? Pour répondre à cette question, le présentateur de l'émission On refait le monde a demandé l'avis de ses chroniqueurs, des experts en communication, une journaliste et un avocat.

Georges Huercano à Xavier Magnée, avocat: Vous-est-il déjà arrivé, pour que la vérité d’un de vos clients soit partagée pour l’opinion publique, ou du moins pour qu’elle puisse lui accéder, de demander à des journalistes ou de refiler des infos exclusives à des journalistes ?

"Oui, parce qu’il est de bon ton que la justice soit publique, que les débats soient dans des salles ouvertes, que la salle d’audience soit pleine de monde. Et nous plaidons aujourd’hui dans des salles d’audience qui sont vides parce que le chauffage est généralisé et que les gens ne viennent plus pour se chauffer au palais de justice. Donc, on parle aux journalistes pendant des audiences, sur le trottoir, et on a vu ça essentiellement dans quelques grandes affaires des dix dernières années, il faut absolument que la population soit témoin de ce qui se produit".

Georges Huercano à Emmanuelle Praet, journaliste au Soir Magazine: Est-ce que ça vous est déjà arrivé de vous faire passer pour quelqu’un d’autre ou de ne pas dire que vous étiez journaliste pour avoir accès à quelqu’un qui est en détention ?

"Non, jamais. Je suis déjà allée en prison, mais toujours en annonçant ma qualité de journaliste. La première fois que je me suis renseignée pour aller voir un détenu, on m’a demandé à quel titre. Et là, il faut dire si c’est amitié, ou si c’est autre chose. Et là j’ai dû expliquer que j’étais journaliste, tout simplement, face à la question. Mais peut-être que tous les établissements ne le font pas.
Pour répondre à la question posée à Xavier Magnée, le journaliste parle avec les avocats bien avant le tribunal. Il parle aux victimes, il parle à l’auteur si c’est possible, il parle aux avocats de la défense, mais aussi ceux de la partie civile, au juge d’instruction même si ce n’est pas autorisé, aux enquêteurs…"

Georges Huercano estime que dans cette affaire, il y a beaucoup d’informations à charge qui sont sorties au début, et qu’aujourd’hui, sa défense et ses proches tentent de rééquilibrer les choses en donnant accès à d’autres journalistes à des infos, mais aussi à Bernard Wesphael en direct.

Question à Michel Henrion, expert en communication: Est-ce que c’est choquant ?

"Moi je n’ai pas de problème avec la démarche journalistique puisqu’effectivement la démocratie ne doit pas s’arrêter à la porte des prisons. Donc je trouve ça tout fait normal qu’un journaliste aille interroger quelqu’un en prison. La cour européenne des Droits de l’Homme a d’ailleurs condamné une prison qui avait refusé le droit d’entrée à une télévision en Suisse. Maintenant, dans cette interview, évidemment que Bernard Wesphael proclame son innocence, ça va de soi. C’est clair qu’il y a des relations publiques ou une volonté médiatique de dire ça".

"Dans son interview à M Belgique, il y a un argument qui m’a paru faiblard, c’est celui où il dit, le fait d’être Wallon joue peut-être un rôle. Je m’attendais plus à une défense sur les charges".

Georges Huercano pose la question à ses chroniqueurs: Il n’y a pas un risque d’instrumentalisation du journaliste par une thèse ou une autre ?

Alain Raviart, spécialiste en communication et ancien journaliste, répond: "J’ai aussi été en prison interroger des gens inculpés. Evidemment qu’il faut le faire, le tout est que le travail du journaliste, c’est de recarder à chaque fois. La presse doit veiller à un équilibre du papier où on redonne à chaque fois la parole à tout le monde, où en remet en contexte les choses".

Ça ne vous choque pas qu’on aille en prison chercher des témoignages ?

"Evidemment que non, au contraire, il faut le faire. C’est si on ne le faisait pas que ce serait complètement choquant. On apprend évidemment des choses. Ici dans l’affaire Wesphael, on a l’impression de jouer à une vraie partie de ping-pong. Alors qu’un journaliste aille à Bruges en prison, pas de problème, maintenant ce sont les proches du présumé innocent et de la victime qui se renvoient de manière permanente la balle, et souvent, par caméra interposée. J’ai l’impression que dans cette affaire-là, plus ils parlent, plus ils abîment à chaque fois les deux protagonistes".

Emmanuelle Praet estime qu’il est faux de croire que le journaliste par définition est neutre. "Il a un vécu, il a une vie".

Ce que vous voulez dire, c’est que vous avez une opinion sur ce dossier.

"On a toujours une opinion".

Elle transparaît dans les articles ?

"Il faut essayer que non. Mais déjà simplement de par le choix de l’article, de se dire, j’interroge telle personne et pas telle personne. Dans ce que cette personne dit, je choisis tel extrait et pas tel extrait. Le rôle du journaliste est certes de donner des infos, mais par pitié que le lecteur n’imagine pas que ce qu’il lit est 100% vrai. Qu’il s’informe, ce n’est pas LA vérité". 

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