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"BambinO", premier opéra pour public en couches-culottes

Alix ne lâche pas du regard une soprano et un baryton qui vocalisent dans une salle du conservatoire Mozart à Paris. Plus tard, il pourra dire qu'à 11 mois, il a vu son premier opéra.

Les chanteurs du Scottish Opera Charlotte Hoather et Timothy Connor déambulent parmi des bébés à quatre pattes, qui sucent leur tétine ou boivent goulument leur biberon.

Un bambin commence à babiller en écoutant les mélodies --un mélange de mots en italien et d'onomatopées--, une petite fille se bouche les oreilles et se réfugie dans les bras de son papa au son du violoncelle.

Bouche bée, la majorité regardent le drôle de spectacle, miraculeusement sans pleurs --ou presque.

Produit par le Scottish Opera et destiné aux "mélomanes" de 6 à 18 mois, "BambinO" débarque en France un an après son succès en Grande-Bretagne, et avant de se produire au Metropolitan Opera House (Met) de New York.

"C'est vraiment merveilleux que les bébés interagissent avec la musique classique à un aussi jeune âge", s'enthousiasme Charlotte Hoather, 24 ans.

- Essayer d'imiter -

"Parfois nous avons des parents qui n'ont jamais pensé à aller à l'opéra, mais parce qu'ils amènent leurs bébés et qu'ils en font l'expérience, ils se disent +en fait, j'ai bien aimé+", dit-elle à l'AFP.

Alors que la soprano entonne un air particulièrement mélodieux, un petit garçon s'immobilise devant elle et enlève sa tétine comme pour la saluer, sous l’œil amusé des parents. Parfois, des "woouhaa" s'échappent de la jeune assemblée.

"C'est mignon de les voir en train d'essayer de nous imiter... et s'ils pleurent ce n'est pas grave!", assure Mlle Hoather.

Les plus hardis s'approchent des instruments, tandis qu'un bébé, pas vraiment convaincu, s'échappe en rampant sous des bancs en demi-cercle.

L'"opéra" de 40 minutes a été créé par le metteur en scène britannique, Phelim McDermott --qui vient de monter Così fan tutte de Mozart au Met-, sur une musique de Lliam Paterson.

Il raconte l'histoire de l'oiseau Uccellina (Hoather) qui, triste de ne pas avoir de petit, construit quand même un nid, avant que naisse par magie Pulcino (Connor).

Les arias version bébé sont inspirées de la théorie de l'Australienne Priscilla Dunstan, ancienne mezzo-soprano, qui a décodé des sons de nourrissons: Neh (j'ai faim), Owh (j'ai sommeil), Heh (je sens de l'inconfort), Eairh (j'ai des coliques), Eh (j'ai besoin de roter).

La science n'a pas validé cette théorie, mais des travaux scientifiques ont montré que la musique contribuait au développement des cerveaux des bébés, explique Lissa Lorenzo, l'assistante du metteur en scène.

Après quelques spectacles sur invitation, "BambinO" se produira du 13 au 20 avril au Centquatre à Paris.

Pour Charlotte, chanter devant des bébés réclame énormément "de contact visuel et de sourires". Sitôt le spectacle fini, les bébés s'en donnent à cœur joie en jouant avec les coussins, les "œufs" et les oiseaux en peluche du décor.

Les réactions peuvent parfois être un peu inattendues: lors des spectacles au Royaume-Uni, un bébé a vomi sur scène tandis qu'un autre n'a jamais voulu rendre l’œuf jouet.

- Les bébés français plus "audacieux" -

Les parents, eux, sont conquis.

"C'est génial d'avoir un opéra dans cet environnement car certains théâtres sont très sombres et l'ambiance n'est pas sympa pour des enfants", affirme Shireen Issa, venu avec son garçon Zavi.

"La meilleurs chose, c'est qu'ils puissent bouger, sinon ils seraient difficiles à tenir", sourit-elle.

La petite Lyubov, très concentrée pendant le spectacle, s'effondre de fatigue dans les bras de sa mère Dessislava Milanova. "Il ne faut pas attendre qu'ils soient plus grands pour les emmener", dit-elle.

Et quelles différences entre les réactions des bébés britanniques et français?

"Les petits français sont plus sophistiqués", rigole Mme Lorenzo.

"En Grande-Bretagne, les enfants sont un peu plus réservés, alors que les bébés français sont audacieux, très curieux."

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