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"Carmen" en hymne moderne au féminisme, au théâtre du Capitole

En guise de décor, un étau de fonte qui s'ouvre et se resserre irrémédiablement: la nouvelle "Carmen" du théâtre du Capitole, "l'oiseau rebelle", séductrice et souveraine, se pose en hymne au féminisme, en pleine actualité sur la liberté des femmes.

Présenté sur la scène toulousaine, l'opéra de Georges Bizet mis en scène par Jean-Louis Grinda, directeur de l'opéra de Monte-Carlo, montre d'emblée l'assassinat de Carmen, la belle cigarière andalouse en quête d'émancipation.

Dans un flash-back résolument cinématographique, l'assassin Don José, incarné par le ténor américain Charles Castronovo, se remémore alors la rencontre avec le "démon", cette bohémienne qui brûle qui la touche et dont il tombe amoureux "à perdre l'esprit". Dans sa prison, le soldat déchu se souvient de chaque maillon de "la chaîne" qui les "lie jusqu'au trépas".

L'image floutée de son corps torturé et repentant se projette sur l'immense étau de fonte qui sert de sobre décor. Et se referme comme deux mâchoires sur la terrible mise à mort de Carmen, cette femme enivrée par l'errance et la liberté, que l'homme croit pouvoir posséder à jamais.

Pieds nus, en nuisette blanche et décolleté généreux, geste sensuel et charge érotique, la mezzo-soprano narbonnaise Clémentine Margaine incarne la "Carmencita" de Prosper Mérimée (1845) qui a inspiré l'opéra-comique de Bizet (1875).

Pour sa première performance au théâtre du Capitole, la jeune cantatrice, qui a interprété le rôle-titre de Carmen à plusieurs reprises, impose de sa voix cuivrée toute la féminité de l'ouvrière au sortir de la manufacture de tabac, qui refuse d'être "tourmentée" et veut "faire ce qu'il lui plaît".

Dans cette coproduction avec Marseille et Monte-Carlo, l'opéra le plus donné au monde prend une résonance particulière "en cette époque (où) la place de la femme, son identité même, se trouvent en pleine actualité", explique Jean-Louis Grinda, évoquant, dans sa présentation de l’œuvre, les affaires Weinstein et Cantat.

- "Carmen n'est pas une suffragette" -

"Carmen est-elle l'archétype de la femme revendiquant sa liberté? Est-elle plus simplement la pauvre victime d'une brute à la violence incontrôlée?", se demande le metteur en scène monégasque, qui veut "orienter la vision des spectateurs et, pourquoi pas, susciter le débat".

Sous la direction musicale du chef italien Andrea Molino, avec l'Orchestre national et le chœur des enfants du Capitole, cette production renoue délibérément avec la délicate alternance entre le "parlé" et le "chanté", voulue par Bizet dès son origine.

Parmi la pléiade de chanteurs, à noter la soprano française Anaïs Constans, copieusement applaudie à la première pour son interprétation de la sage Micaëla. Ou encore Dimitry Ivashchenko, le baryton-basse russe, qui incarne le toreador Escamillo.

Rythmés par l'apparition trait d'union d'une danseuse de flamenco, les actes se succèdent entre brutalité et violence, dans un irrémédiable tourbillon où l'inflexible Carmen se mue en taureau qu'on met à mort, car "jamais Carmen ne cèdera, libre elle est née, libre elle mourra".

Pour Jean-Louis Grinda, impossible de "modifier le dénouement de l'opéra" comme Leo Muscato l'a fait à Florence. "Montrer que Carmen tue Don José ne rend pas service au combat des femmes pour l'égalité", dit-il à la Dépêche du Midi. "Carmen a accédé au rang de mythe parce qu'elle est victime. C'est une jeune femme qui veut être libre, vivre sans entrave, avoir le droit de tomber amoureuse, pas une suffragette".

Car, comme le disait dès 1875 le livret d'Henri Meilhac et Ludovic Halévy, "quand il s'agit de tromperie, de duperie, de volerie, il est toujours bon d'avoir des femmes avec soi... et sans elles, mes toutes belles, on ne fait rien de bon".

Jusqu'au 19 avril au Capitole.

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