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"DAU": plongée intrigante en Union soviétique, malgré les couacs

"DAU est un peu un grand bazar à la soviétique, ce que (les organisateurs) souhaitent sans doute", suggère Laure, à propos de l'attraction du moment qui déchaîne les passions et divise le milieu culturel parisien.

Des interrogations sur le financement et les conditions de travail pour monter ce projet monstre conçu par le Russe Ilya Khrzhanovsky, une inauguration ratée jeudi, des files d'attente interminable pour obtenir un "visa" d'entrée, des "DAU phones" censées servir de guides qui ne fonctionnent pas : l'expérience menaçait de virer au fiasco.

Mais avec 6.000 "visas" d'entrée accordés - en-deçà toutefois des attentes - une reconstitution assez fidèle de décors soviétiques, des films d'une qualité très acceptable malgré quelques flops et une immersion plus ou moins réussie selon les visiteurs, le phénomène "DAU" fascine.

"C'est intéressant avec tous ces artéfacts communistes, mais on ne comprend pas bien où les organisateurs veulent en venir", affirme à l'AFP Laure, une visiteuse trentenaire intriguée par cette plongée dans l'Union soviétique de 1938 à 1968.

Quatre jours après son lancement, ce projet fou, interdit aux moins de 18 ans est loin d'être prêt, les visites se concentrant au Théâtre de la Ville et au Centre Pompidou mais le Châtelet restant fermé au public.

Les files d'attente, dans le froid, devant le centre de visas place du Châtelet, donnent vraiment l'impression de vivre la bureaucratie soviétique. "Pour faire l'expérience +DAU+, (...) il faut apprendre à attendre", note le New York Times.

Ce qui n'est pas au goût de tous, certains visiteurs ayant demandé à être remboursés. Au départ enthousiaste, la presse évoque "l'ouverture décousue" de "DAU" quand elle ne qualifie pas le projet de "naufrage", à l'image du Figaro lundi.

En interne, on reconnaît "l’absence totale de +masterplan+" et être "sans certitude face aux changement multiples".

Parmi les meilleurs moments de l'expérience, un brillant concert dirigé lundi soir, sous la coupole du Théâtre de la Ville, par le chef d'orchestre greco-russe Teodor Currentzis, qui est par ailleurs le principal personnage des 14 long-métrages proposés par "DAU".

Pour les visiteurs interrogés lundi par l'AFP, si le projet est difficile à comprendre, l'immersion vaut le détour, à condition de se laisser porter.

- "Dimension spirituelle" -

"Je ne suis pas déçue. Le début de l’expérience commence vraiment avec le smartphone que l’on doit abandonner le temps de la visite", confie Annie, une retraitée.

A l’intérieur aux lumières tamisées, on croise des mannequins de cire, si réalistes que l’on peut les confondre avec des personnes réelles.

"C’est mystérieux, très intrigant", estime Claire, professeur de collège, croisée dans la cuisine de l'appartement communautaire du 4e étage. "Je dirais que c’est un peu dostoïevskien. Ça me fait penser à une réflexion sur le bien et le mal".

Au rez-de-chaussée, dans la grande salle en béton brut actuellement en travaux, s'affichent sur les écrans les films de "DAU".

Plus loin Joelle, une psychologue faisant partie de l'expérience, reçoit ceux qui le souhaitent lors de face-à-face très intimes d'une demi-heure ou plus. Elle loue "l'esprit d'ouverture" du projet. "J'ai été surprise par la profondeur des échanges" avec le public. Les entretiens peuvent être filmés et être visionnés par d’autres.

Christophe Girard, adjoint à la mairie de Paris à la Culture et défenseur du projet a comparé "DAU" à un "délire artistique" qui lui évoque à certains égards la "Nuit blanche".

L'expérience se poursuit au bar, proposant boissons et plats russes, notamment du bortsch servi dans des écuelles de fer blanc, en vente à 9 euros.

Cerise sur le gâteau soviet: les visiteurs peuvent repartir avec des brosses de toilettes, des pièges à souris ou des préservatifs à 3 euros l'unité (ils sont "un peu petits", prévient sans plaisanter le vendeur). Une collection de vêtements "DAU", vus dans les films, viendra sous peu compléter l'expérience.

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