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"Les Misérables", le cri d'alarme sur les banlieues qui fait le tour du monde

Coup de poing du festival de Cannes, il a déjà été vendu dans plus d'une cinquantaine de pays: plus de 20 ans après "La Haine", "Les Misérables" de Ladj Ly, en salles mercredi en France, brosse un tableau implacable des banlieues, dans un film en forme de "cri d'alarme".

L'action a beau se dérouler à Montfermeil, près de Paris -- comme une partie des "Misérables" de Victor Hugo -- "c'est un film qui est universel", déclarait Ladj Ly à l'AFP au festival de Los Angeles dédié au cinéma français, courant septembre.

"La misère se trouve dans les quatre coins du monde, on peut être aux Etats-Unis, au Brésil dans les favelas, ou en Afrique du Sud. Donc c'est un film qui devrait parler au plus grand nombre", expliquait-il.

Pourtant en mai, le réalisateur n'y croyait pas trop. Déjà surpris d'être en compétition à Cannes face à des monstres sacrés comme Quentin Tarantino ou Terrence Malick, il se montra ébahi par l'accueil réservé à son film lors la projection officielle, couronnée par une longue ovation... avant de repartir quelques jours plus tard avec le prix du Jury, ex-aequo avec le brésilien "Bacurau".

Depuis, l'aventure se poursuit à travers le monde: Amazon a acheté les droits pour les Etats-Unis, le film est vendu dans plus d'une cinquantaine de territoires et a choisi pour représenter la France aux Oscars.

- Lendemain de victoire -

"Les Misérables" raconte l'histoire d'une bavure policière dans une cité sensible de Seine-Saint-Denis, à travers le destin de "Pento" (Damien Bonnard), un policier qui débarque à la brigade anti-criminalité, en plein été, au lendemain de la victoire des Bleus.

Ses premières heures avec ses coéquipiers -- Chris (Alexis Manenti) et "Gwada", issu de quartiers (Djebril Zonga)-- s'apparentent à un bizutage et lui font découvrir la cité, ses rites, ses codes et ses représentants, avant qu'elle ne bascule dans la violence.

L'occasion de brosser un tableau saisissant d'une société, "si loin, si proche" de Paris, avec les jeunes -- "les microbes"-- qui errent sans perspective d'avenir, les Frères musulmans qui prodiguent conseils aux petits, des gitans prêts à en découdre, des habitants chargés d'apaiser les tensions...

Pour son premier long-métrage, le réalisateur de 39 ans a voulu éviter les clichés sur la banlieue, choisissant de ne pas mettre de rap, ni de montrer de drogues ou d'armes. Avec l'idée d'être au plus juste: "ni pro-banlieusards, ni anti-condés [anti-flics]".

- D'abord un court-métrage -

Celui qui a grandi et vécu à Clichy-Montfermeil avait d'abord filmé sa ville, en qualité de documentariste, après les émeutes de 2005, provoquées par la mort de deux adolescents.

En 2017, il tente l'aventure de la fiction avec un court-métrage, "Les Misérables" déjà, nommé aux César, dont il a repris la trame pour ce long-métrage en forme de manifeste. Car, dans les banlieues, le risque d'explosion est plus que jamais là, selon lui.

En banlieue, "ça fait 20 ans qu'on est +gilets jaunes+, qu'on revendique des droits, qu'on subit les violences policières et qu'on se prend des coups de +flashball+", déclarait-il à l'AFP à Cannes.

"On a eu un petit aperçu avec (les émeutes de) 2005. Quinze ans après, les choses n'ont pas vraiment évolué", souligne celui qui ne désespère pas de montrer son film au président Macron.

Soucieux de promouvoir son fief et de passer le relais, Ladj Ly a tourné sur place avec de nombreux habitants et a fondé une école de cinéma gratuite (baptisée Kourtrajmé, du nom du collectif de cinéastes dont il fait partie) pour découvrir les talents de demain.

C'est d'ailleurs avec sa bande (Romain Gavras, Kim Chapiron, Mouloud Achour, Oxmo Puccino, l'artiste JR...) qu'il a gravi les marches à Cannes. Le début d'un sacre.

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