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"Macbeth" sans bruit ni fureur au Théâtre de l'Odéon

C'est un "Macbeth" limpide dans une nouvelle traduction mais dépourvu du "bruit et de la fureur" de la tragédie que propose au Théâtre de l'Odéon son directeur Stéphane Braunschweig.

Tout commence avec trois sorcières au ventre rond et aux mines gourmandes, plus coquines que méchantes. Surviennent deux soldats en treillis qui en traînent un troisième barbouillé de sang. Le décor est planté: nous sommes dans une de ces guerres civiles sanglantes où règnent le crime et l'impunité.

Le choix d'Adama Diop pour incarner Macbeth évoque irrésistiblement les tyrans africains, surtout lorsque dans une très belle image, il est assis en tailleur sur son fauteuil doré, ses godillots de soldat posés sur le parquet.

On pense alors au film "Le Dernier Roi d'Écosse", où Forest Whitaker incarnait un clone du dictateur Idi Amin Dada aussi ridicule que terrifiant.

La mise en scène de Stéphane Braunschweig s'appuie sur de beaux décors, tantôt un salon doré qui ne déparerait pas à Versailles, tantôt le froid carrelage d'une cuisine, où pendent les couteaux de boucher. Elle renonce en revanche à figurer la lande propice aux errements de l'esprit et surtout la forêt en marche qui va terroriser le tyran.

Le sang gicle comme dans une série télévisée, de type "Games of Thrones", et les scènes se succèdent sans temps mort.

Mais où sont "le bruit et la fureur" qui devraient imprégner la pièce, une des plus noires de Shakespeare? C'est dans Macbeth que Shakespeare nous prévient que la vie est "un conte conté par un idiot, rempli de bruit et de fureur, qui ne signifie rien".

Ici, le bruit et la fureur se résument aux grands coups de tonnerre qui ponctuent l'apparition et la disparition des fameuses sorcières dont les prédictions confortent Macbeth dans ses crimes.

Stéphane Braunschweig a relu la pièce à l'aune de la psychanalyse: ses sorcières ne font pas peur, elles ne sont que la projection des désirs cachés du futur assassin. Et les époux Macbeth sont moins des monstres que "des humains qui se débattent comme tout un chacun avec leur part d'inhumanité et leurs fantasmes."

Si la lecture est pertinente, elle n'en enlève pas moins à la pièce une grande partie de son intensité: en devenant presque "normaux", les époux Macbeth ne nous épouvantent plus, et leurs crimes semblent davantage une succession d'erreurs qu'un engrenage fatal où perce la folie. Lady Macbeth (Choé Rejon) n'effraie guère lorsqu'elle frotte maladivement ses mains pour y ôter un sang imaginaire. C'est tout juste si nous ne les plaignons pas.

"Macbeth", jusqu'au 10 mars Théâtre de l'Odéon.

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